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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’hystérie, encore ? (Suite)

Huit articles sur l'hystérie, et encore un ? Oui car dans son rapport à son partenaire homme, l'hystérique nous donne des exemples de tact, de compassion, de sensibilité et d'identification à la souffrance de l'autre.
Il y a bien longtemps, alors que j'exerçais encore à Paris, une jeune patiente hystérique me raconta l'épisode suivant. Se promenant avec son mari un dimanche matin du mois de juin dans un marché de fruits et légumes, elle voit un baquet de cerises. – «Ah, des cerises», s'exclame-t-elle avec joie. – «Elles sont trop chères, c'est le début de la saison », réplique le mari. – «Vous comprenez Dr, je ne lui ai pas demandé de m'en acheter, encore qu'il aurait pu m'en acheter une grappe (cela se fait en France)... Mais pourquoi a-t-il cassé ma joie ?»
Cette séquence banale de tous les jours, on en connaît plein qui témoignent de l'incompréhension dans les couples. Le mari a estimé que sa femme, en disant «Ah des cerises», lui demandait de lui en acheter. Et il a répliqué comme si cela était le cas. La femme, elle, n'a rien demandé, elle a juste exprimé sa joie de voir des cerises.

Par ailleurs, pourquoi encore l'hystérie. Le mot Encore que j'ai choisi dans le sous-titre n'est évidemment pas dû au hasard. En reprenant le titre donné par Lacan à son séminaire de 1972-1973 pour parler de la sexualité féminine, j'ai tenu à conclure ces articles sur l'hystérie par ce que l'hystérie exprime le plus : son désir de jouissance Autre et son rejet de l'orgasme.
Si nous examinons bien le visage de sainte Thérèse d'Avila en extase, tel que sculpté par Gian Lorenzo Bernini (1647-1652, église Santa Maria Della Vittoria à Rome), sculpture reprise par Lacan pour la première de couverture de son séminaire, et si nous comparons aux visages des femmes hystériques hypnotisées et abandonnées aux bras de Charcot à la Salpêtrière, la similitude est grande. Les deux sont en extase. Les deux jouissent. En contemplant le visage de sainte Thérèse, on comprend « qu'elle jouit sainte Thérèse, ça ne fait pas de doute », nous dit Lacan.

Jusque-là, on « ramenait la mystique à des affaires de foutre », ajoute Lacan. En effet, comme on l'a déjà vu, pour Charcot l'hystérie est toujours liée à la chose génitale, pour Breuer à des histoires d'alcôve et pour Chrobak, gynécologue qu'a connu Freud, «Penis normalis, dosim repetatur » (les relations sexuelles répétées guérissent l'hystérique). Ces affirmations des collègues de Freud eurent, au départ, un effet de «nausée» sur lui. Sa résistance contre leur contenu sexuel était encore grande. Il lui a fallu un temps relativement long pour découvrir ses propres désirs sexuels refoulés et admettre, d'une part, la justesse de leur contenu et, d'autre part, que la nausée ressentie au départ était un sentiment de lutte contre ces mêmes désirs.

Seulement, si la découverte de la cause sexuelle des symptômes hystériques s'est avérée juste, Freud n'a pas abordé la question de la jouissance de la femme, ni ce qu'elle veut.
«Que veut la femme?» est restée pour Freud un mystère, mystère qu'il laissait volontiers aux poètes. La femme veut jouir d'une Jouissance Autre, sans savoir ce qu'est cette jouissance. Elle sait que «la femme a le privilège de la jouissance et l'homme a la malédiction de la décharge, cette jouissance restant informulable, multiple et sans contenu» (Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut, Le nouveau désordre amoureux, Paris, Seuil, 1977). Dans le Tantra, l'orgasme est décrit comme «un bref éternuement de reins ».

Nous savons qu'une très grande part des maris souffrent d'éjaculation précoce et qu'après l'orgasme, ils tournent le dos à leur femme et s'endorment. L'hystérie conteste cela depuis des milliers d'années, mais on s'est trompé sur les motifs qui la pousse à la rébellion. Les problèmes sexuels pour lesquels les couples consultent, autant chez la femme que l'homme, ne sont pas les vrais motifs de la consultation. La frigidité, la dyspareunie (douleur à la pénétration) chez la femme ainsi que l'éjaculation précoce, l'impuissance ou le fantasme du vagin denté chez l'homme sont autant de symptômes dont le but est de fuir devant le danger. Celui de la Jouissance féminine, cette Jouissance Autre, cette extase quasi mystique dont ne connaît rien. La femme hystérique pressent que la Jouissance potentielle qu'elle porte en elle peut la conduire à sa perte, et elle a besoin d'un homme pour avoir le courage d'y aller. Voilà pourquoi elle le provoque, et nullement pour le châtrer comme on dit.
«La jouissance féminine peut commencer par une chatouille et se terminer par un incendie», dit Lacan. Qui ajoute: «Les enfants sont le bouchon de la jouissance féminine.» Avoir un mari et avoir des enfants rassure la femme hystérique: elle ne brûlera pas sur le bûcher de la Jouissance Autre, comme ses ancêtres brûlées par l'Inquisition.

 

 

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