Le réseau de Ksara démantelé, mais la menace persiste

Le Liban l'a échappé belle. L'explosion qui a eu lieu à Ksara près de Zahlé le 31 août aurait pu être le début d'une longue série d'attentats, d'autant qu'elle avait une forte coloration confessionnelle. Mais la Sûreté générale en charge de l'enquête a réussi à démanteler le réseau qui planifiait ces opérations terroristes, même si tous ses membres n'ont pas encore été arrêtés. Et pour cause, le chef présumé, qui a été identifié grâce aux aveux des suspects arrêtés, serait un cadre de l'Armée du Fateh, proche de l'ex-Front al-Nosra, surnommé Abou el-Baraa et installé en Turquie. Les aveux recueillis par la Sûreté générale et dont les grandes lignes ont été publiées dans un communiqué officiel de ce service montrent que ce réseau avait planifié toute une série d'attentats dans plusieurs régions du pays, principalement peuplées de sunnites et de chiites pour causer un maximum de victimes et provoquer un véritable affrontement entre ces deux communautés.

Le plan diabolique a donc été découvert, sachant que les suspects arrêtés ont révélé qu'ils avaient des difficultés à transporter les explosifs dans les lieux qu'ils souhaitaient prendre pour cibles en raison des mesures de sécurité. D'une part, ces aveux sont rassurants parce qu'ils montrent que les dispositions prises par les différents services sont efficaces, mais de l'autre, ils constituent une nouvelle preuve de la menace qui continue de peser sur le Liban.

Alors que la classe politique continue de se livrer à des polémiques interminables et jusqu'à présent stériles, le Liban reste une des cibles potentielles des terroristes. Les aveux des membres du « réseau de Ksara » le montrent et viennent corroborer des informations sécuritaires transmises aux services libanais par des dirigeants du FBI et de la CIA. Selon ces informations, avec le resserrement de l'étau autour d'eux à Raqqa et Idleb en Syrie, les terroristes de Daech et de l'ex-Front al-Nosra (Fateh al-Cham, selon la nouvelle appellation officielle) vont vouloir fuir la Syrie et l'Irak vers le Liban ou la Jordanie probablement. Mais le Liban, avec sa frontière relativement poreuse, sera forcément plus facile d'accès, les terroristes pouvant s'y infiltrer à travers les camps de réfugiés syriens autour de Ersal, et à partir de là se procurer de faux papiers qui leur permettront de se déplacer dans le pays.

Certes, il ne faut pas s'imaginer que ces terroristes comptent s'infiltrer au Liban massivement, car ils seraient alors facilement décelés et arrêtés. Mais en s'y introduisant au compte-gouttes, il serait difficile pour les services de sécurité de les repérer. C'est d'ailleurs dans ce cadre qu'il faut placer les pressions des services libanais sur les différentes organisations palestiniennes installées dans le camp de Aïn el-Héloué, pour qu'elles soient vigilantes et ne laissent pas ce camp se transformer en abri pour les terroristes. De fait, ces dernières semaines, de nombreux Palestiniens recherchés par les autorités libanaises se sont livrés à la justice. Cette démarche initiée par les organisations palestiniennes est l'indice de leur volonté de coopérer avec les services. Mais cela ne signifie pas que la menace est désormais écartée. Le Liban est considéré comme étant au cœur de la zone à risques. L'instabilité politique ainsi que la polarisation du conflit interne entre les sunnites et les chiites le rendent encore plus vulnérable et constituent un environnement favorable pour les fauteurs de troubles qui se fondent dans le climat confessionnel et en profitent.

Aujourd'hui, la communauté internationale, États-Unis en tête, ne veut pas d'une déstabilisation du Liban, pour ne pas ajouter un nouveau problème à tous ceux qui existent déjà et qui ne sont pas résolus, et surtout pour ne pas provoquer une nouvelle vague de réfugiés qui, cette fois, ne pourraient plus bénéficier de l'accueil en terre libanaise. Mais si la situation en Syrie devait être mise sur les rails de la solution et si le flot des réfugiés était circonscrit, le Liban pourrait être pris pour cible par les terroristes fuyant la Syrie, sans que la communauté internationale fasse quoi que ce soit pour le protéger. C'est donc aux Libanais d'assumer leurs responsabilités et de prendre les mesures qui s'imposent pour éviter que leur pays ne devienne le dernier asile des terroristes, à un moment où cela n'intéressera plus personne.

Il faut se rappeler à cet égard que la guerre civile a ravagé le pays pendant de nombreuses années avant que « la troïka arabe » de l'époque (le Maroc, l'Arabie saoudite et l'Algérie) ne décide de parrainer une solution qui se concrétisera par la suite à travers l'accord de Taëf... Pour l'instant, les dirigeants libanais estiment que la guerre en Syrie n'est pas près de se terminer, et ils ne font aucun effort pour sortir de l'impasse politique, incapables de régler les dossiers les plus mineurs. Mais s'ils n'y prennent pas garde, les développements régionaux pourraient s'accélérer et le Liban se retrouvera alors seul face aux « cellules dormantes » qui auront eu pleinement le temps de s'incruster et éventuellement de se développer. Selon une source sécuritaire, les services et les forces armées sont conscients de ces dangers, mais ils ne peuvent agir efficacement sans un climat politique apaisé...

Pour mémoire
Les indices révélés par l'explosion sur la route de Zahlé