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Moyen Orient et Monde - Le point

Choisir, disent-ils...

Mohammad Morsi se veut rassurant : « Soyons clairs, dit-il. Nos frères chrétiens ont des droits complets, comme les musulmans. » Les coptes peuvent être tranquilles. Doublement même, puisqu’ils sont qualifiés de « frères » par un frère – l’auteur du propos, ne l’oublions pas, est le candidat des Ikhwane – et que les voici élevés au rang insigne de « partenaires nationaux ».
Ahmad Chafiq veut inquiéter ses concitoyens. « Ils (les Frères musulmans) veulent transformer le pays en un nouveau Liban », accuse-t-il dans une allusion à peine voilée au passé quelque peu tumultueux des héritiers de cheikh Hassan el-Banna.
Le premier des deux candidats à la présidentielle restés en lice au lendemain du premier tour promet un gouvernement d’union nationale, une Constitution élaborée par un panel représentant toutes les tendances et proclame que « l’Égypte appartient à tous ses fils ». Qui a massacré les manifestants chrétiens, les a empêchés d’édifier des églises, leur a interdit l’accès à certains postes ? lance-t-il dans une allusion à peine voilée à l’ancien régime. Et comme preuve de ses bonnes intentions, il a chargé Kheirate el-Chater de prononcer, devant les représentants de la Chambre de commerce américaine, une allocution estampillée de l’étiquette « made in USA », que n’aurait pas désavouée Ronald Reagan.
Le second candidat, pour ne pas être en reste, s’engage devant le même aréopage, transformé en jury, à recourir à la peine capitale s’il le faut et en tout cas à la force brutale pour faire respecter la loi et l’ordre, accuse la confrérie que dirige son adversaire de mettre sur pied une milice armée, défend son statut d’ancien militaire pour relever qu’il est le seul à pouvoir éviter des frictions entre l’institution et le pouvoir civil, et ne demanderait pas mieux que d’avoir à portée de main une chrétienne pour en faire, s’il est élu, sa vice-présidente.
L’exiguïté des résultats de la semaine passée explique, mais en partie seulement, ces clins d’œil appuyés qui s’apparentent à un racolage dont les campagnes électorales sont coutumières. Le représentant des islamistes a obtenu 24,3 pour cent des voix, soit 5,8 millions de votes, contre 23,3 pour cent et près de 5 millions de suffrages pour l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air et dernier chef de gouvernement de l’ère Moubarak. La surprise est représentée par Hamdine Sabahi, proche troisième mais éliminé quand même, avec 21 pour cent et 4,8 millions de partisans. La performance mérite d’être saluée, réalisée par un curieux personnage, au parcours chaotique car ayant emprunté les voies du nassérisme, du populisme et d’une certaine gauche qui a toujours eu intérêt, ces dernières décennies, à avancer le visage dûment masqué, le tout saupoudré d’une pincée ikhwanesque.
Retour à Chafiq. En pleine campagne pour la phase décisive, le septuagénaire a eu droit à ses quinze minutes de surmédiatisation après le saccage d’une annexe de son QG, une modeste villa située dans le quartier cairote de Dokki. Les murs ont été recouverts de tags dénonçant notamment les « fouloul » (résidus), une expression péjorative désignant les anciens du régime déchu. Mais ces temps-ci, le phénomène de rejet s’étend également à l’autre finaliste, surnommé « le barbu », accusé de tous les maux dont on accable les membres du mouvement. Morsi se voit reprocher de n’avoir jamais fait entendre sa voix quand prévalait le principe de « ni guerre ni paix », soit entre 1970 et 1973 du mandat d’Anouar Sadate. Plus répréhensible encore : il a réclamé pour ses deux fils des « green cards » (visas de séjour aux États-Unis) qui leur assurent ultérieurement la possibilité de demander et d’obtenir la citoyenneté US. La démarche jette le discrédit sur son auteur et pourrait lui coûter de précieuses voix dans deux semaines.
Le problème pour l’éphémère Premier ministre du raïs est d’un tout autre ordre. Certes, l’incendie de sa permanence lui a valu, dans un premier temps, l’élan de sympathie auquel traditionnellement ont droit les victimes de la vindicte de l’autre camp. Mais depuis, l’homme de la rue se pose des questions. Et tout d’abord celle-ci : l’incursion de lundi ne serait-elle pas l’œuvre de la partie qui le soutient en sous-main, cette institution militaire précisément, soupçonnée des plus maléfiques intentions, celle notamment de vouloir propulser au sommet un ancien galonné qui veillerait à préserver les avantages qui lui permettent à la fois de maintenir le pays sous sa férule et de rouler en carrosse doré ?
On voit mal comment l’opinion publique pourrait trancher, acculée qu’elle est à choisir entre un Moubarak-bis, ce qui signifierait l’échec du mouvement de la place al-Tahrir, et un extrémiste grimé en défenseur des valeurs démocratiques et républicaines, mais qui ne tarderait pas, craint-elle, à la priver de ces libertés si cher acquises et depuis si peu.
Question subsidiaire : en cas de blocage, à qui serait dévolu le rôle d’arbitre-gardien des institutions ?
Mohammad Morsi se veut rassurant : « Soyons clairs, dit-il. Nos frères chrétiens ont des droits complets, comme les musulmans. » Les coptes peuvent être tranquilles. Doublement même, puisqu’ils sont qualifiés de « frères » par un frère – l’auteur du propos, ne l’oublions pas, est le candidat des Ikhwane – et que les voici élevés au rang insigne de « partenaires...
commentaires (4)

Le chemin de la démocratie est semé d'épines. Mais, il faut le parcourir, la prudence à la main.

SAKR LEBNAN

04 h 07, le 01 juin 2012

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Commentaires (4)

  • Le chemin de la démocratie est semé d'épines. Mais, il faut le parcourir, la prudence à la main.

    SAKR LEBNAN

    04 h 07, le 01 juin 2012

  • Quand, dans les reportages on voit des musulman(e)s dirent que les chrétiens doivent mourir, que les salafistes attaquent et détruisent des lieux saints ou sont enterrés des hommes "saints". Et qu'il existe une milice de la vertue. Si c'est la démocratie que vous voulez pour l'Egypte et la Syrie; je dis NON

    Talaat Dominique

    04 h 58, le 31 mai 2012

  • Les paroles ça ne paie pas de douane. Des bulles en l'air qui, à la fin, n'engageraient même pas celui qui les a exhalées.

    SAKR LEBNAN

    00 h 09, le 31 mai 2012

  • M. Morsi a oublié de dire que les Coptes sont les premiers fils de l'Egypte qui porte leut nom...et merci pour eux,mais ils le savaient déjà...non mais pour qui se prend il pour leur décernerun brevet d'Egyptianité..;il devrait plutôt leur en demander un...

    GEDEON Christian

    19 h 59, le 30 mai 2012

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