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Liban - Éclairage

Les dossiers électoral et salarial risquent de torpiller la réunion de Baabda aujourd’hui

Le Conseil des ministres aujourd’hui risque de ne pas se tenir, non seulement à défaut d’entente entre ses composantes sur les dossiers d’actualité, mais pour éviter un débat qui promet d’être explosif. Hier soir en effet, les contacts se sont intensifiés pour trouver une issue au financement de l’échelle des salaires d’une part et à la formation d’un comité de supervision des élections d’autre part. Une réunion se serait tenue à cette fin en fin d’après-midi entre le Premier ministre Nagib Mikati et les ministres Mohammad Fneich, Ali Hassan Khalil et Nicolas Nahas, rapportée par notre correspondante Hoda Chédid. Non seulement cette réunion n’aurait abouti à aucun consensus, mais elle a été suivie par la publication par le Grand Sérail à 19h d’une annexe insérant à l’ordre du jour du Conseil des ministres la nomination d’un comité de supervision des élections. Une seule clause était prévue jusque-là, le financement de l’échelle salariale. Mais celle-ci n’est pas près de se dénouer, les milieux du Grand Sérail ayant exprimé leur refus d’en débattre avant l’arrêt de la grève des syndicats, qui dure depuis un mois. Donc, aucun débouché n’est visible, ni sur le dossier électoral ni sur le dossier salarial. Il est probable que la réunion prévue à Baabda dans l’après-midi n’ait pas lieu, faute de quorum.


Ce louvoiement semble avoir imprégné même les avis juridiques, divisés sur la question électorale. Ainsi, le ministre de la Justice Chakib Cortbawi a transmis hier au Conseil des ministres l’avis du Haut-Conseil consultatif sur la formation d’un comité de supervision des législatives sur la base de la loi n˚25/2008. Selon l’avis de cette instance, dont la compétence est exclusivement consultative, la loi de 2008 a été mise en place pour régir les élections de 2009, sans aucune intention de prolonger sa mise en œuvre aux législatives suivantes. « Le Haut-Conseil consultatif trouve que la loi n°25/2008 a été rédigée pour une seule opération électorale », selon cet extrait de l’avis de l’instance en date du 8 février dernier.


Cet avis se base sur plusieurs arguments, puisés dans le texte de la loi en question, précisément des deux articles relatifs à la formation d’un comité de supervision : l’article 12 énonce que « les membres (du comité) sont nommés par le Conseil des ministres, sur la base de la proposition du ministre, dans un délai maximum de 2 mois à partir de la date de ratification de la loi » ; l’article 13 ajoute que « le mandat des membres du comité de supervision commence à la date de la décision du Conseil des ministres relative à leur nomination et s’achève six mois après la fin du scrutin ».
Faisant remarquer qu’il n’existe « aucun autre texte » relatif à la création du comité de supervision, dans la loi de 2008, le Haut-Conseil consultatif a relevé « le défaut de dispositions relatives à la nomination d’un nouveau comité de supervision ». En plus de la lecture exégétique du texte de loi de 2008, le Haut-Conseil consultatif s’est basé sur les travaux préparatoires de la loi de 2008, afin d’en dégager l’intention du législateur. La formation d’un comité de supervision des élections, telle que prévue dans la loi de 2008, est inspirée en effet du projet du Comité national chargé (à l’époque) d’élaborer la loi électorale. C’est en relevant les passages de ce projet non retenus dans la loi de 2008, que le Haut-Conseil consultatif a cherché à prouver l’intention du législateur de limiter au scrutin de 2009 la compétence du comité de supervision. Parmi les passages que le législateur a choisi d’exclure du texte de 2008, « le mécanisme relatif à la création d’un nouveau comité de supervision » ; certaines fonctions du comité de supervision, comme « le travail pour développer la culture démocratique et renforcer l’éveil électoral », ou encore la publication d’un rapport annuel ; le législateur de 2008 a refusé d’allouer une part du budget de l’État au financement du comité de supervision. En 2009 en effet, ce financement avait été inclu dans le budget alloué aux législatives. Tous ces éléments seraient indicateurs de la volonté du législateur de limiter aux législatives de 2009 la création du conseil de supervision.


Mais cela suffit-il à étendre cette limite temporelle à l’ensemble de la loi électorale de 2008 ? Si le comité de supervision est prévu pour un scrutin, cela signifie-t-il pour autant que la loi dans son ensemble l’est aussi ? C’est sur ce point que les membres du Haut-Conseil consultatif sont divisés. La décision de cet organe, prise à la majorité et non à l’unanimité, se base sur « le principe de l’unité du texte, principe fondamental qui suppose une lecture de la législation comme une unité complémentaire et indivisible », a fait remarquer le ministre de la Justice dans sa lettre adressée au Conseil des ministres. Le Haut-Conseil consultatif se serait basé sur cette lecture pour affirmer que l’applicabilité de la loi de 2008 se limite à l’échéance de 2009. Mais dans les milieux juridiques, le recours au principe de l’unité de texte pour trancher l’applicabilité de la loi est contestable. Ce principe s’appliquerait en effet aux alinéas d’un même article, et non au corps de la loi dans son ensemble. En outre, la durée d’application de la loi ne peut être fixée que par un article spécifique et express, ce qui n’est pas le cas de la loi de 2008.


D’ailleurs, trois membres du Haut-Conseil consultatif se sont opposés à l’avis émis. Deux membres dissidents ont estimé que le vide juridique est inadmissible. Même si la loi de 2008 n’a pas prévu de mécanisme de création d’un comité de supervision post-2009, la loi reste en vigueur jusqu’à son abrogation formelle. La troisième opinion dissidente a jugé inutile le débat sur la formation d’un comité de supervision, puisque le décret de convocation du corps électoral a déjà été publié.


Dans sa lettre au Conseil des ministres, le ministre Cortbawi a mis en garde contre le risque que les divisions politiques s’étendent aux avis juridiques. Il a tenu à préciser surtout que « l’affaire de la loi électorale dépasse l’avis juridique pur et relève surtout de la sphère politique ». Pourtant, le ministre a avalisé l’avis de la majorité des membres du Haut- Conseil consultatif, tout en évitant de fournir une réponse catégorique sur l’obligation de poursuivre la procédure préalable à la tenue des législatives. « Le Parlement reste la seule autorité habilitée à résoudre l’affaire de la loi électorale », s’est-il contenté d’affirmer...


Et si aucune loi n’est élaborée, et si l’on concède que la loi de 2008 a autoproclamé (implicitement) son terme, le vide juridique reste inadmissible. Ce principe, martelé par d’éminents constitutionnalistes, n’est pas sujet à interprétation.

 

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commentaires (1)

Ce mot " TORPILLER " revient si souvent dans les articles. Je me demande si tous ont acquis des sous-marins ! DYNAMITER aurait été un mot plus adéquat et à la portée...

SAKR LEBNAN

09 h 46, le 21 mars 2013

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Commentaires (1)

  • Ce mot " TORPILLER " revient si souvent dans les articles. Je me demande si tous ont acquis des sous-marins ! DYNAMITER aurait été un mot plus adéquat et à la portée...

    SAKR LEBNAN

    09 h 46, le 21 mars 2013

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