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Liban

« La réforme existe-t-elle en dehors de la laïcité ? » : l’exemple des tribunaux sunnites, présenté par al-Moufaqqira al-Qanouniya

Confondre la réforme du système au Liban avec la lutte pour la laïcité porte préjudice au changement escompté. Associer en effet réforme et mouvements laïcs, c’est présumer que seule l’abolition des institutions religieuses existantes est susceptible d’initier cette réforme. Or, si la réforme est l’évolution vers une garantie plus solide des droits naturels, celle-ci ne saurait s’effectuer dans la perspective d’imposer à l’autre un mode de penser, aussi libéral fut-il.

La Moufaqqira al-Qanouniya (agenda juridique), observatoire et centre de recherche juridique, a repéré en effet, dans les couloirs des tribunaux chériés sunnites, des femmes pratiquantes, voilées, attachées aux institutions religieuses, mais en même temps conscientes des failles de ces institutions et surtout déterminées à les combler.
Conviées à la dernière conférence en date de la Moufaqqira, elles ont démontré que la réforme existe en dehors de la laïcité. « L’objet de cette conférence est de montrer qu’il existe des initiatives citoyennes, sur la scène religieuse, non calquées sur les discours des dignitaires », a affirmé le sociologue Samer Ghamroun, modérant le débat.


D’abord, l’exemple de l’association Islah Zat el-Beyn, que préside l’avocate Maha Fatha depuis 13 ans. Cette association prend en charge les dossiers de divorce soumis à la justice, avant leur examen par le juge. Le juge doit réconcilier les époux à la première audience, « mais faute de temps et d’effectif (près de 30 juges chériés dans tout le Liban, NDLR) », il n’exploite pas en profondeur la voie de la réconciliation, a affirmé Maha Fatha. « Laissez-nous venir vous aider... », auraient lancé les femmes d’Islah Zat el-Beyn aux juges. Alors que ceux-ci se sont montrés d’abord réticents à cette demande, « sous prétexte que leur assistance devait faire l’objet d’une loi », une circulaire a été finalement émise à cette fin. Qualifiant aujourd’hui de « très aisée » la relation des femmes de l’association avec les juges, Maha Fatha a fait remarquer que le juge « se prononce rarement avant de nous avoir consultées ». Elle a insisté enfin sur l’esprit de travail de l’association : « En tant que citoyennes, nous n’approchons pas avec hostilité les autorités. Au lieu de les critiquer, nous leur tendons la main. »


De son côté, Rand Sakr, membre de l’association plus récente, Irchad wa Islah (Orientation et réforme), a longuement expliqué comment « la solution est possible à travers la religion, c’est-à-dire sans influencer négativement les tribunaux chériés ». « Si Électricité du Liban est critiquable, faudrait-il pour autant en réclamer la fermeture ? s’est-elle interrogée avec le sourire. Nous nous impliquons dans la réforme des tribunaux, à commencer par les détails logistiques (favoriser une ambiance plus accueillante) jusqu’à œuvrer pour la réouverture de l’Institut de formation des juges chériés, ou encore la création d’un mécanisme de juge-fantôme – un observateur qui évalue le cours du procès et le jugement rendu... »
Évoquant elle aussi « l’attitude très encourageante des juges », elle a affirmé que « les femmes ont l’obligation d’améliorer le système et le pouvoir d’entrer aux tribunaux, de critiquer et de demander des comptes ». Elle a rappelé le récit du calife Omar et d’une femme, Sayda Chifaa, chargée d’observer les litiges tranchés par le calife. Critiqué par elle pour avoir voulu fixer, par une loi, une limite maximale à la dot (pourtant illimitée dans la charia), il a répondu, devant un public stupéfait : « Omar a eu tort et la femme a eu raison. »


Le juge chérié Abdel Aziz Chafeï, présent à l’audience, a tenu des propos qui rejoignent cette approche. « Quelles que soient ses convictions personnelles ou religieuses, le juge reste un juge, c’est-à-dire indépendant et intègre. » Si l’existence de juges corrompus, « qui vont jusqu’à prononcer un jugement sous condition d’obtenir les faveurs de la plaignante », a été évoquée sans tabous, un juge civil a pris la parole pour souligner que ces vices « inconcevables » rongent tout le système judiciaire, civil et religieux. Terrain de lutte commun. Au moins, le dialogue aura été initié entre terrain laïc et terrain religieux.

 

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commentaires (2)

Une analyse qui n'en est pas une. Mêler l'huile et l'eau est quasiment impossible... Droit civil pour tous les citoyens. Les religions uniquement spirituelles...

SAKR LEBNAN

13 h 19, le 17 mars 2013

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Commentaires (2)

  • Une analyse qui n'en est pas une. Mêler l'huile et l'eau est quasiment impossible... Droit civil pour tous les citoyens. Les religions uniquement spirituelles...

    SAKR LEBNAN

    13 h 19, le 17 mars 2013

  • L'instauration d'un droit civil pour tous .... semble une nécéssité moderne... .

    M.V.

    09 h 52, le 17 mars 2013

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