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Liban - Rencontre

Amine Gemayel : Je refuse le désespoir et le Liban a les moyens d’évoluer vers l’avenir

En recevant le président Amine Gemayel au siège de l’ordre des journalistes, le président Élias Aoun et les membres du conseil de cet organisme avaient l’impression d’accueillir un vieil ami. Impression confirmée d’ailleurs par M. Gemayel lui-même qui, en retraçant rapidement les grandes épreuves du Liban, a rappelé que bon nombre des journalistes présents étaient déjà à l’œuvre.

Le chef des Kataëb avec le président de l’ordre, Élias Aoun (dr), et le vice-président, M. Nassereddine.

L’instant était donc à la fois plein d’émotion et de nostalgie, mais les exigences de l’actualité ont vite repris le dessus et le débat a glissé vers la loi électorale, les alliances politiques et les déplacés syriens, permettant au chef des Kataëb de confirmer sa ligne politique distincte qui, selon lui, est dans la pure tradition de ce parti.


Le siège de l’ordre des journalistes a donc connu depuis le matin une activité inhabituelle. Tout le monde était mobilisé pour accueillir le prestigieux visiteur, le président Amine Gemayel. Devant une quinzaine de journalistes qu’il connaît pour la plupart depuis des années, le chef des Kataëb a commencé par exprimer sa foi dans le Liban et son espoir pour un avenir meilleur. Il a, à cet égard, rappelé les grandes crises traversées par le pays depuis 1943 (48, 58, 67, 69, 75, etc.), ajoutant que le Liban s’en était toujours sorti. Tout autre pays, a ajouté Amine Gemayel, aurait pu s’effondrer après chacune de ces épreuves, mais le Liban, lui, est resté et il restera encore. M. Gemayel a reconnu que la situation actuelle est difficile, mais que le pacte national, « qui est à l’origine de notre entité et de notre Constitution, est encore valable, même s’il y a actuellement des tentatives pour en faire une lecture nouvelle ». « En réalité, a-t-il précisé, tout le monde est d’accord sur le principe du pacte de 43, mais c’est sur son application qu’il y a des divergences. Chacun l’interprète donc à sa convenance et souhaite le tailler à sa mesure. Dans ce sens, le conflit aujourd’hui dépasse la loi électorale, mais je refuse de voir la bouteille à moitié vide, d’autant que certains veulent nous pousser au désespoir. Je reste convaincu que le Liban a les moyens de résister et d’évoluer vers l’avenir... »


Au sujet des législatives, Amine Gemayel a précisé que bien qu’étant une loi ordinaire, la loi électorale est très importante car elle détermine le sort politique des candidats, des partis et des communautés pour les quatre prochaines années. Il est donc normal qu’il y ait un débat à ce sujet. Selon lui, les discussions sont donc nécessaires et constructives, d’autant que c’est la première fois que les Libanais doivent s’entendre sur une loi électorale sans intervention étrangère, alors qu’au cours des années précédentes, il fallait se rendre à Taëf, Doha ou ailleurs. Il a estimé que toutes les formules sont intéressantes, rappelant que le projet initial des Kataëb était celui des 50 circonscriptions présenté avec les Forces libanaises, mais qu’il n’a pas obtenu l’aval des autres parties, c’est pourquoi on en est revenu au projet dit grec-orthodoxe, lequel, par souci de précision, a été avancé pour la première fois par l’ancien ministre et député Edmond Naïm avant d’être repris par le Rassemblement orthodoxe présidé à l’époque par Loutfallah Khlat, puis par la Ligue maronite.


Le président Gemayel a expliqué que la loi de 1960 est une injustice flagrante pour la communauté chrétienne, puisqu’une grande partie des députés chrétiens est choisie par les communautés chiite et sunnite. Selon lui, ce projet n’est nullement un prélude à la division du pays en trois tiers, selon les trois grandes communautés, tout comme il n’est pas un retour au système de la moutassarrifiah, bien qu’entre 1861 et 1921 (l’époque de la moutassarrifiah) le Liban ait connu une période de stabilité.


Amine Gemayel a affirmé être ouvert à toutes les propositions à condition qu’elles assurent une représentation chrétienne équitable. Il a aussi rassuré ceux qui redoutent des divergences au sein d’un même camp à cause des débats électoraux, en assurant que ces débats ne sont pas en train d’éloigner les partenaires et que les députés Samy Gemayel et Ahmad Fatfat sont en contact permanent, tout comme les commandements du 14 Mars. M. Gemayel a aussi fermement rejeté les accusations de manœuvrer pour gagner du temps, invitant le président de la Chambre Nabih Berry à convoquer une réunion parlementaire pour soumettre le projet grec-orthodoxe au vote et ainsi les différentes parties seront mises au pied du mur.


Il a aussi critiqué le gouvernement qui a présenté un projet alors que ses différentes composantes ne sont pas d’accord entre elles, ajoutant que la façon dont ce projet aborde le système proportionnel est un pas avancé vers le principe des trois tiers (chiite, sunnite et chrétien). M. Gemayel a encore affirmé que même si le député est élu sur une base confessionnelle, une fois au sein de l’hémicycle, il devient le représentant de tout le Liban et vote des lois pour tous les Libanais. « Il y a donc un brassage », a insisté le chef des Kataëb qui a proposé la création d’une « dix-neuvième communauté », celle des laïcs, pour permettre à ceux qui ne veulent pas figurer sur les listes communautaires de se présenter aux élections.


Le président Gemayel est revenu sur la déclaration de Baabda, précisant qu’elle consiste finalement dans l’adoption d’une neutralité positive face aux événements régionaux, politique qui avait été prônée par les Kataëb depuis longtemps et qui leur avait valu des attaques féroces. Il a insisté sur le fait que la neutralité positive est dans l’esprit du pacte de 43, et chaque fois que le Liban a abandonné cette politique pour entrer dans celle des axes, il y a eu des troubles internes. À la question de savoir pourquoi la déclaration de Baabda n’est pas appliquée, il a répondu que c’est aussi le cas des lois et c’est pourquoi des tribunaux sont créés.


Au sujet des déplacés syriens, Amine Gemayel a révélé avoir envoyé une délégation Kataëb depuis le début de l’arrivée des déplacés à Wadi Khaled pour évaluer les besoins. « Le parti a d’ailleurs très rapidement tiré la sonnette d’alarme sur la question, en vain. Ce n’est que très récemment que l’État et le gouvernement ont commencé à s’occuper de ce dossier qui devient de plus en plus inquiétant. » Il a ainsi souligné le fait que la Turquie a fixé un plafond de 500 000 déplacés au-dessus duquel elle ne peut plus en accueillir. Le Liban devrait donc avoir une attitude plus responsable à ce sujet.


L’ancien président a enfin rejeté les doutes émis concernant ses prises de position, affirmant que, depuis le début, il a refusé que le Liban soit entraîné dans les développements en Syrie. Ce n’est pas du centrisme, a-t-il précisé, mais une attitude nationale et il faut beaucoup de courage pour l’adopter dans un tel contexte. Pourtant, aujourd’hui, tout le monde tient ce langage alors que les deux camps se sont impliqués dans un conflit qui les dépasse...
Au final, le chef des Kataëb a préféré qualifier sa position d’ « engagée pour le Liban », insistant sur le rôle pionnier de son parti dans plusieurs domaines et précisant qu’il a toujours été aux premières lignes pour défendre le pays et qu’il en a payé le prix fort.

L’instant était donc à la fois plein d’émotion et de nostalgie, mais les exigences de l’actualité ont vite repris le dessus et le débat a glissé vers la loi électorale, les alliances politiques et les déplacés syriens, permettant au chef des Kataëb de confirmer sa ligne politique distincte qui, selon lui, est dans la pure tradition de ce parti.
Le siège de l’ordre...

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