Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Objets et histoire

Le bottin mondain

L’almanach(k), de l’arabe « al-manakh », était à l’origine un calendrier comportant des indications astronomiques et météorologiques, ainsi que des prédictions. Les premiers almanachs remontent à l’Antiquité, mais c’est surtout à partir de l’invention de l’imprimerie qu’ils prennent leur essor. Nostradamus, avant de traverser les siècles avec ses Centuries, se fait connaître à partir de 1550 comme faiseur d’almanachs et de pronostications. Détournés progressivement de leurs fonctions astronomique et météorologique, ils fournissaient également des informations susceptibles de faciliter la vie quotidienne. Ainsi on pouvait y trouver : les heures des marées ; des conseils relatifs aux travaux des champs et des jardins en fonction des saisons ; les dates des principales fêtes ; des recommandations d’ordre médical ; des conseils de cuisine ; des trucs et astuces pour le quotidien ; des anecdotes ; des illustrations humoristiques, voire des recueils de textes littéraires. L’un des premiers, de François Rabelais (1494-1553) Pantagruéline pronostication, était une parodie de l’astrologie. Au fil du temps, ils deviennent les instruments essentiels de la propagation du savoir populaire et étaient les livres les plus vendus dans les campagnes. C’est pourquoi Henri III, roi de France, est amené, par une ordonnance de l’an 1579, à défendre « à tous faiseurs d’almanachs d’avoir la témérité de faire des prédictions sur les affaires civiles ou de l’État, ou des particuliers, soit en termes exprès, ou en termes couverts »... Le plus célèbre de ces almanachs était celui de Gotha. Nous sommes au XVIIIe siècle : la charmante ville de Gotha, située en Thuringe, au cœur de l’Allemagne, se trouve dans la principauté allemande de Saxe-Gotha. Cette petite principauté est très influente auprès de nombreuses cours européennes grâce à une politique de mariages très active qui vise à consolider ces liens avec les dynasties régnantes. Mais le tableau des arbres généalogiques de la noblesse allemande est tellement compliqué qu’on s’y perd et qu’on risque même de ne plus pouvoir distinguer les vrais des faux nobles – une horreur ! Guillaume de Rothberg publie en 1763, sous l’instigation du duc Frédéric III, un almanach de familles nobles. À partir de ce jour-là, ce bottin utile paraîtra tous les ans pendant presque 200 ans. Il répertorie en trois sections les dynasties régnantes, les nobles un peu moins nobles et enfin le menu fretin de la noblesse. Ce registre était la lecture favorite de la noblesse. Ghislain de Diesbach écrit à ce propos : « L’almanach était devenu le livre favori des cours qui se plongeaient dans sa lecture avec la complaisance de coquettes se mirant dans une glace. »
Avec l’avènement de Napoléon, l’ordre politique en Europe est complètement bouleversé. L’empereur se plaint évidemment que le Gotha mentionne beaucoup trop de princes allemands et pas assez de représentants de la nouvelle noblesse d’Empire. Et puis, la famille impériale des Bonaparte devrait être placée au-dessus des autres dynasties royales, évidemment. À Gotha, on trouve une solution très diplomatique et on édite pendant quelque temps deux almanachs : l’un français et l’autre pour le reste de l’Europe. Après la Première Guerre mondiale, qui provoque une véritable hécatombe parmi les têtes couronnées, l’almanach remet de l’ordre dans tout ça en déterminant qui peut prétendre à quel titre et à quel trône. Mais, en 1945, les troupes soviétiques arrivent à Gotha et détruisent sans état d’âme les précieuses archives de l’almanach. Le chaos menace l’aristocratie européenne...
Heureusement, comme les familles nobles possèdent toutes un exemplaire du précieux bottin, les traces de pedigrees aristocratiques n’ont pas complètement disparu et depuis l’année 2000, le Gotha paraît de nouveau, à Londres cette fois. Il n’est pas seulement l’instrument indispensable pour savoir qui a droit aux titres et honneurs, il sert également à réclamer la restitution des biens spoliés dans les anciens pays de l’Est... Quant à l’expression le Gotha, elle désigne désormais des individus faisant partie d’une certaine élite ou d’un groupe de la haute société. Le Gotha, c’est le gratin du monde politique, culturel ou du spectacle... Eh oui ! Gotha be someone !
Sources principales : www.archive.com; encyclo.voila.fr ; cosmovisions.com
L’almanach(k), de l’arabe « al-manakh », était à l’origine un calendrier comportant des indications astronomiques et météorologiques, ainsi que des prédictions. Les premiers almanachs remontent à l’Antiquité, mais c’est surtout à partir de l’invention de l’imprimerie qu’ils prennent leur essor. Nostradamus, avant de traverser les siècles avec ses Centuries, se fait...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut