Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Objets et histoire

Une dent contre qui ?

Bien que la dent d’un homme fût au Moyen Âge chose du plus haut prix, valant un procès à celui qui la brisait, les méthodes de soins dentaires demeurèrent longtemps rudimentaires et hasardeuses. Jusqu’au XVIIIe siècle, qui vit l’avènement de la prothèse, la profession de dentiste fut l’apanage de charlatans et de pseudoguérisseurs, appelés « arracheurs de dents ». Ils se recrutaient souvent parmi les forgerons qui, en plus d’une poigne solide, montraient une grande dextérité à manier les tenailles. Une bolée de cidre, corsée à la gnôle, servait indistinctement d’anesthésique et de désinfectant. L’arrachage de dents constituait un spectacle public très apprécié, un peu comme les exécutions, dans lequel le praticien exerçait au milieu des foires avec parodies, remèdes et vente de potions miracles. Les arracheurs de dents avaient des compères mêlés aux spectateurs : c’est ce que nous apprend l’abbé Le Vayer, dans une histoire comique, publiée vers 1560, et intitulée le Parasite mormon. Il nous raconte la chétive existence et le triste destin d’un pauvre poète qui, mourant de faim et sans ressources, allait sur le pont Neuf proposer à un charlatan de se laisser arracher deux dents moyennant 10 sous, avec promesse de déclarer hautement aux assistants qu’il n’en ressentait aucun mal. Le Grand Thomas, arracheur célèbre et maître de cet art, officiait sur une scène montée sur des roues sur le pont Neuf, à Paris. Le patient s’asseyait sur une simple chaise, aux barreaux de laquelle il s’agrippait vaille que vaille. Le principal ressort des effets comiques, en pantomime, étant les mésaventures d’autrui et les grimaces, les badauds regardaient l’attraction du même œil amusé que les autres spectacles. L’assistant battait le tambour dès que le client se mettait à brailler de douleur, c’est-à-dire quand le burlesque de la scène menaçait de virer à la tragédie hurlante. Mais ce ban avait un double avantage : les braillements étaient couverts par un roulement énergique qui, fort à propos, rameutait une cohue friande d’émotions fortes. Toute victoire sur une molaire récalcitrante valait à l’arracheur, au moment de saluer le parterre, une belle salve d’applaudissements... Les conceptions sur la médecine dentaire changèrent pour toujours en 1728, quand le chirurgien parisien Pierre Fauchard (qui méprisait les arracheurs de dents, qu’il tenait pour des charlatans) publia son traité de référence : Le chirurgien dentiste. Outre qu’il inventait le terme « dentiste », Fauchard décrivait une série de mesures préventives – la première carte routière de la médecine dentaire – pour conserver une bonne dentition. L’époque voit aussi apparaître la porcelaine qui offre une alternative sans tâche aux prothèses d’antan. Auparavant, les artisans fabriquaient des fausses dents en bois ou plantaient des dents humaines dans des morceaux de mâchoire d’hippopotame. Fauchard a également inventé un bridge à ressort qui permettait de manger sans enlever son dentier pour le poser sur son assiette – ce qui était jadis la coutume à la cour. Cependant, les dents de Fauchard avaient la détestable manie de sauter hors de la bouche de leur possesseur aux moments les plus embarrassants...Avant le XVIIIe siècle, les portraitistes prenaient exemple sur l’Antiquité. « Il fallait être grave, avoir la bouche fermée. Les seules bouches ouvertes dénotaient un côté hautement passionné et grotesque. » Une bouche ouverte est un « trou noir » rabelaisien. Mme Vigée-Lebrun, une artiste française, fit scandale à la cour en peignant un autoportrait où elle souriait largement. « Cette affectation est particulièrement déplacée chez une mère », s’offusquait un article de Mémoires secrets, la gazette de la cour. Pourtant, vingt ans plus tard, les citoyens tiraient fierté d’afficher leurs dents blanches sur les portraits. Quant à Louis XIV, il s’était fait extraire la moitié des dents de la mâchoire supérieure par un arracheur de dents trop zélé qui avait causé tellement de dégâts à son palais que lorsque le roi mangeait de la soupe, celle-ci lui coulait par le nez. Sur son portrait, il a la bouche fermée, mais ses joues affaissées témoignent des brèches qui existent à l’intérieur. Une dent contre qui ? L’arracheur, bien sûr !

Sources principales :
france-pittoresque.com
suite101.com
magazine-histoire.fr
hellocoton.fr
Bien que la dent d’un homme fût au Moyen Âge chose du plus haut prix, valant un procès à celui qui la brisait, les méthodes de soins dentaires demeurèrent longtemps rudimentaires et hasardeuses. Jusqu’au XVIIIe siècle, qui vit l’avènement de la prothèse, la profession de dentiste fut l’apanage de charlatans et de pseudoguérisseurs, appelés « arracheurs de dents ». Ils se...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut