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Culture - Mois de la francophonie - Spectacles

« La Voix est libre » et se fait entendre à Beyrouth

Vendredi 22 et samedi 23 mars, le théâtre Montaigne de l’Institut français accueille le « Festival Jazz nomades – la Voix est libre », des concerts-spectacles réunissant « la fine fleur des improvisateurs français, musiciens, danseurs, acrobates », selon son directeur Blaise Merlin. En mettant l’accent sur la jeune génération qui « se joue allègrement des étiquettes de type jazz, rock, musiques actuelles, traditionnelles ou contemporaines ».

Blaise Merlin : « Comprendre l’autre c’est d’abord entendre son chant, pouvoir sentir son rythme. »

L’invité du Mois de la francophonie de ce week-end c’est donc le Festival Jazz nomades – la Voix est libre. Organisé chaque année au théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, il porte l’étendard des artistes inclassables et vise ainsi à faire tomber les murs entre jazz, littérature, poésie, théâtre, slam et chanson.
Blaise Merlin, son fondateur et directeur artistique, en raconte les origines. «Le festival a vu le jour entre les deux tours de la présidentielle de 2002 (avec Le Pen au second tour), dans un climat où l’on a ressenti la nécessité de vivre des moments de joie et de partage essentiels face à un système basé sur un modèle unique de production et de diffusion, qu’il soit culturel, “agriculturel” , économique ou religieux. Cette ambiance d’insurrection joyeuse, aussi électrique qu’éclectique, a continué à enflammer nos soirées, côté scène et côté public (où il n’est pas rare de voir les spectateurs se lancer dans un concert de cris d’animaux). En 2007, nous avions organisé le festival la veille, le lendemain et le surlendemain du second tour de la présidentielle en invitant le poète martiniquais Édouard Glissant qui, en plein débat sur l’identité nationale, résumait : “Nous devons enfin comprendre que notre unité passe par une infinité de diversités, et il faut les assumer toutes”.»
Mais l’impulsion du festival, la vraie, a sans doute germé en lui durant son enfance. Lui qui a grandi dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, «au son de langues et rythmes venus du monde entier», aime-t-il à raconter. Un quartier qu’il compare à un «théâtre du monde» où partout «nous faisions jeu de toutes voix, sur ces trottoirs où la vie se réinvente à chaque coin de rue, les rythmes se créolisent, les accents valsent et se culbutent, et aux Bouffes du Nord, où je m’émerveillais devant les artistes indiens, asiatiques et sud-africains conviés par Peter Brook.»
En programmant des lieux «parallèles», il a découvert que des artistes de tous horizons pouvaient partager ces richesses par l’invention de langages en prise directe avec la cité. «Entre une uniformisation à marche forcée et les replis identitaires qu’elle provoque en retour, il existe une zone de “libre-étrange”, une infinité de trajectoires et de rencontres qu’il est urgent de laisser s’épanouir, sans quoi la notion même de “libre expression” se verrait peu à peu vidée de sens... et d’expressivité! Ainsi, d’une rencontre à l’autre, le festival s’est-il ouvert à tous les arts de la scène, mais aussi à des scientifiques portant un éclairage essentiel sur des questions vitales de diversité, en tant que condition et finalité essentielle de toute forme de production matérielle et immatérielle, physique et métaphysique, culturelle et “agriculturelle”!»
Comme son directeur fondateur le note si bien, le festival, qui affiche complet depuis 2007, est peu à peu passé du statut de «repaire» à celui de «repère », le public, les professionnels et la presse plébiscitant son caractère «unique» et «exemplaire», son ambiance particulière, son rôle précurseur face aux enjeux culturels de la mondialisation. «Mais alors même que le festival s’exporte dans de nombreuses villes en France et à l’étranger, que ses créations sont reprises par les institutions, les pouvoirs publics ne semblent pas encore prêts à offrir une large reconnaissance à des formes de création et de diffusion innovantes, sensibles aux surgissements et aux tremblements d’un paysage culturel en pleine mutation. Face aux critères esthétiques et économiques abscons, de systèmes à bout de souffle, nous opposons la joie, l’invention et la vitalité vécues depuis dix ans dans notre festival, où la prise de risque est pourtant permanente!»
Pour les deux soirées beyrouthines, au programme condensé, il affirme, mi-figue, mi-raisin, avoir suivi le célèbre précepte d’Orson Welles: «Ayons les goûts les plus simples au monde, contentons-nous du meilleur!» Plus sérieusement, il ajoute: «J’ai tenté de réunir la fine fleur des improvisateurs français, musiciens, danseurs, acrobates... en mettant l’accent sur la jeune génération qui se joue allègrement des étiquettes de type jazz, rock, musiques actuelles, traditionnelles ou contemporaines, avec les fondamentaux qui sont les nôtres: ouverture et exigence, liberté et transversalité.» Il a également tenu à organiser, en parallèle au programme principal, un «after» librement concocté par les artistes eux-mêmes et ouvert à la rencontre tous azimuts, dans le cadre moins institutionnel du Métro al-Madina!
Pour ce premier voyage à Beyrouth, à l’invitation de l’Institut français, il souhaitait parvenir à concentrer douze ans de festival dans ses valises afin de faire découvrir ses plus belles «perles» au public libanais. Il a néanmoins tenu à «venir en amont du festival pour découvrir la scène locale et la vivre de l’intérieur en vue de futures rencontres». «Comprendre l’autre, c’est d’abord entendre son chant, pouvoir sentir son rythme. Chaque rencontre, chaque création qui émane du festival, est le fruit d’une maturation, d’une complicité, d’un voyage, d’une amitié, d’un échange ou d’une confrontation vécue et partagée avec chacun des participants. Beyrouth est connu pour être un haut lieu d’expérimentations humaine et culturelle, qui a su résister à tous les dérapages ou collisions. Je pense que c’est dans ces “cités-monde” que se joue l’avenir de l’humain, dans son unité et sa diversité. Tout ce qui, dans la rencontre entre deux vies, deux cultures, deux univers, peut tendre vers la création plutôt que vers la destruction passe par des savoirs et des langues en perpétuel mouvement. Qu’elle soit musicale, culinaire, chorégraphique, éthique, spirituelle, la “partition” ne sera jamais figée, elle restera toujours à écrire, à inventer et à improviser ensemble. “Je est un autre” et, dans l’art de l’improvisation, qui est avant tout celui de la rencontre, notre partition c’est l’individu en face de nous, notre partition c’est nous.»
Merlin réfute les étiquettes. Mais ses rendez-vous sont généralement «axés sur la recherche pure et dure». Explications: «J’entends et je ressens chaque jour un peu plus l’urgence de laisser le “chant libre” à des formes de création et de diffusion non formatées par des standards industriels ou institutionnels, qui soient en prise directe avec la vie de la cité, sensibles aux surgissements et aux tremblements d’un paysage culturel en pleine mutation. Je ressens l’urgence de me laisser porter par artistes et scientifiques conscients du souffle positif, puissant et imprévisible du choc des civilisations. L’urgence de défendre une liberté d’expression qui demeure libre et expressive, loin des clivages entre musique populaire ou savante, traditionnelle ou urbaine, avec ou sans paroles, loin d’une culture standardisée par les modes et le mensonge publicitaire.»
Les artistes qui le touchent au plus profond, dit-il, sont ceux qui sont capables de lâcher prise tout en restant eux-mêmes, ceux qui savent se mettre à nu en échappant à tout contrôle d’identité, de genre ou de destination. «Ils nous aident à devenir ce que nous sommes au plus profond de nous, dans la joie et le désir de défricher nos atlas intérieurs, de nous offrir les plus belles recettes pour assumer nos racines et les ouvrir aux autres. » Et de lancer: «“L’uni-formé-ment”: l’humanité sera “poly-gammes” ou ne sera pas!»
Au final, s’il fallait envoyer un message au public libanais pour l’inviter à assister aux soirées Jazz nomades Beyrouth, ce serait: «Quand la Voix est libre... la Loi est «vibre», alors profitons-en. Quand les artistes reprennent le pouvoir, c’est pour mieux nous en libérer!»
Ainsi soit-il...
L’invité du Mois de la francophonie de ce week-end c’est donc le Festival Jazz nomades – la Voix est libre. Organisé chaque année au théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, il porte l’étendard des artistes inclassables et vise ainsi à faire tomber les murs entre jazz, littérature, poésie, théâtre, slam et chanson. Blaise Merlin, son fondateur et directeur artistique,...

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