Annie Kurkdjian version 2013 reste donc fidèle aux précédentes. Mais avec un nouveau twist. Ses vingt-deux toiles exposées à la galerie Art Circle portent éminemment son empreinte, sa griffe. Toujours atypique. Toujours aussi révoltée. Toujours aussi en guerre contre le monde qui l’entoure. Elle qui semble dotée d’un miroir grossissant à travers lequel elle zoome sans complaisance sur les bestialités et les aspérités de la vie.
L’artiste cultive donc une hypersensibilité à l’égard du monde, et ses personnages atypiques, monstrueux et difformes en témoignent. Il y a là « des syphilitiques, des rois fous, des marionnettes, des ventriloques, un cracheur de sang, le pape, un masturbateur obèse, un aliéné qui mord un canard, des prisonniers qui tournent en rond et une femme portant un chapeau à carreaux et qui ose enfin jeter un regard derrière elle, à travers ses épaules voûtées », énumère l’artiste. Tout ce beau monde représente, en somme, « l’orgie de Beyrouth ». L’on reconnaît aussi l’artiste elle-même, dans un autoportrait où elle se trouve recroquevillée par terre, un carnet de croquis à la main, sa chevelure flamboyante ruisselant sur son dos. « Ma peinture, c’est mon style à moi. C’est moi-même (ou la personne que je prétends être), la peau dans laquelle je vis, mon séjours en enfer, ma rédemption, mon paradis », affirme Kurkdjian dont l’humour espiègle transparaît dans ses œuvres. Où elle s’amuse à disséquer les grands travers et les petites mesquineries de ses contemporains. Avec ce goût de rire de tout, surtout de ce qui ne s’y prête guère.
Dans son langage pictural qui se situe entre l’expressionnisme et le surréalisme, Kurkdjian 2013 marque une certaine évolution dans la manière d’utiliser ses couleurs monochromes. Dans un style de plus en plus épuré, contrastant avec la noirceur du contenu.
Entre le noir et le gris, Kurkdjian a introduit une dimension immaculée. Comme si la pureté des couleurs, virant presque à l’argenté, servait à dénoncer le vice décrit dans ces acryliques (sur bois ou sur canevas) ou ces mixed media sur papier.
Une œuvre originale et provocatrice donc et dont le thème principal reste le corps humain, dont les membres sont mutilés, manipulés, dévorés, exagérés ou minimisés à outrance.
Titulaire du prix Jouhayna Baddoura 2012, mention spéciale du Salon d’automne du musée Sursock en 2011, Annie Kurkudjian, l’artiste spécialiste en figures anthropophages et autophages, poursuit ses compositions picturales où l’humanité, plus spécifiquement beyrouthine (selon elle), jaillit à vif.
Je suis méchant, hein ? Je critique de la sorte maintes oeuvres de grands artistes, Picasso inclus... Jamais Picasso le Classique... le moderne à la main dans la poche... Que Dieu ait pitié de son âme !
08 h 18, le 24 février 2013