Rechercher
Rechercher

Culture - Livre

Quand Stéphane Guillon guillo(n)tine ses détracteurs

Dans « Je me suis bien amusé, merci ! » (éditions du Seuil), l’humoriste provocateur raconte, avec sa verve habituelle, ses déconvenues avec France Inter, la radio publique française à qui son « impertinence » était devenue insupportable.

Zéna ZALZAL

 

Un livre qui – autant vous prévenir – n’intéressera que les téléspectateurs de Canal + qui, eux, reconnaîtront en son auteur l’humoriste attitré de Salut les Terriens (une émission de Thierry Ardisson sur la chaîne cryptée française assez suivie au Liban). Et, plus encore parmi eux, les adeptes de l’humour insolent de ce pitre cinglant que d’aucuns taxent de la pire des noirceurs d’âme.
Bon, il est vrai que Guillon ne fait pas dans la dentelle. Plutôt carnassier le clown à la chemise noire (tiens, jouerait-il les antiphilosophes à chemise blanche?!) et aux «yeux tristes qui tombent, tel un Droopy mal embouché, des yeux en couilles de loup», comme il se décrit lui-même. Complétant son propre portrait au vitriol par la description suivante: «Des genoux cagneux, des poils dans les oreilles, des omoplates de lapin et une grosse, très grosse tête par rapport au corps, sans doute le résultat de la haute estime dans lequel il se tient», dit-il avec une autodérision assumée en parlant de lui à la troisième personne. Voilà pour ceux qui lui reprochent de s’attaquer au physique des gens!
Mais un humoriste consensuel, tout gentil, tout doux, qui ménage les susceptibilités des uns et des autres, avouez que cela ne fait pas beaucoup rire. Surtout quand il s’agit de brocarder les politiques. Ce que Guillon ne s’est jamais gêné de faire!
D’ailleurs, ce sont eux qui ont voulu sa tête. En particulier, précise-t-il, Nicolas Sarkozy, que Guillon accuse – justement dans ce livre – d’être à l’origine de son renvoi de France Inter, la radio publique nationale où, durant 2 ans, il a été le roi du portrait radiophonique mordant.
Sévissant durant la tranche d’info matinale, à raison de 3 fois par semaine, entre 2008 et 2010, Guillon dressait le portrait de l’invité de l’émission politique du jour à 5 minutes de son arrivée. Embauché à une époque où le slogan de la radio était «La différence, c’est l’impertinence», le trublion de France Inter faisait de l’insolence avec le dévouement zélé de l’employé modèle. Reconnaissant, toutefois, n’avoir pas eu à trop se forcer «en sale gosse... qui adore allumer un pétard puis assister avec gourmandise au bordel qu’il a déclanché», il se délectait de présenter à sa manière – c’est-à-dire en outrepassant souvent les limites du politiquement correct – les politiciens invités. Ce qui déchaînera entre autres les foudres de deux de ses plus célèbres victimes: Dominique Strauss-Kahn, dont il a été un des premiers à évoquer sa propension au harcèlement sexuel dans une chronique où il qualifiait le patron du Fonds monétaire international de «braguette la plus rapide du PS», et Éric Besson, ex-ministre de l’Intérieur, qui a été l’une de ses plus récurrentes têtes de Turc...
Bref, Guillon sur les ondes, c’était un humour débridé «suivi par deux millions d’auditeurs qu’il fallait à tout prix juguler à un an et demi de la présidentielle. Une raison amplement suffisante pour vous virer», lui soufflera-t-on après son éviction.
Dans Je me suis bien amusé, merci! *, Stéphane Guillon fait le récit de ses deux années et demie passées au sein de France Inter et du pourrissement progressif de ses relations avec les dirigeants de la radio nommés – entre-temps – par... Sarkozy.
Même si les personnages cités et le contexte restent purement franco-parisiens, ce livre – de règlement de comptes certes, mais qui, pour cinglant qu’il soit, ne fait cependant pas dans le hargneux! – reste aussi intéressant que franchement drôle.
On s’amuse beaucoup à la lecture de ses mésaventures radiophoniques brossées avec une verve décapante. On rit de bon (ou plutôt mauvais, en l’occurrence?!) cœur aux saillies ironisantes de l’auteur. Et, malgré le name-dropping qui ne dira rien à la majorité des lecteurs libanais (des noms de personnages-clés des médias dans l’Hexagone), on suit avec intérêt sa description des jeux de rôles, manipulations, conflits d’influence et opportunisme inhérents à toute structure salariale.
Enfin, le récit est émaillé de quelques-uns de ses sketchs les plus corsés et de phrases choc, à l’instar de celles citées dans le cadre ci-joint, que les aficionados de Guillon goûteront pleinement. Car c’est drôle, intelligent, parfois guillo(n)tinant, mais toujours pétillant et divertissant.

*Disponible en librairie.

Zéna ZALZAL
 
Un livre qui – autant vous prévenir – n’intéressera que les téléspectateurs de Canal + qui, eux, reconnaîtront en son auteur l’humoriste attitré de Salut les Terriens (une émission de Thierry Ardisson sur la chaîne cryptée française assez suivie au Liban). Et, plus encore parmi eux, les adeptes de l’humour insolent de ce pitre cinglant que d’aucuns taxent de...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut