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Culture - Collectionneurs

Farouk Abillama, passionné de peinture libanaise moderne

Il vit et travaille à Londres. Dans la finance, en bon Libanais qui se respecte. Et, heureusement d’ailleurs. Car la passion de Farouk Abillama est coûteuse. Une femme ? Non ! Pire qu’une maîtresse exigeante, ce sont les œuvres des grands maîtres de la peinture libanaise qui mobilisent, depuis une dizaine d’années, le temps libre, l’esprit et les ressources de ce collectionneur de 36 ans.

Farouk Abillama entre un « Portrait de jeune fille » signé Gemayel et une nature morte de Georges Cyr.

Il a hérité son goût de l’art de son père. Et l’amour du Liban coule naturellement dans ses gènes. Deux facteurs conjugués qui pourraient expliquer la passion – dévorante – que voue Farouk Abillama à la peinture moderne libanaise des années 40 à 70.
« Il y a des gens qui ont la passion du jeu, des femmes, de l’alcool, moi j’ai celle de la peinture libanaise », affirme ce jeune homme, dénué de tout vice apparent, pour justifier cette frénésie qui s’empare de lui chaque fois qu’il repère une belle œuvre à acquérir. Ou, devrait-on dire, à conquérir. Car – et il ne s’en cache pas ! – il y a chez lui une dimension de chasseur : une sorte de montée d’adrénaline qui le submerge à chaque « nouvelle recrue » en vue. La peinture convoitée devient alors son obsession, la pièce indispensable à sa collection...jusqu’à ce qu’il l’ait obtenue. « Et cela, après maints palabres, voyages, échanges avec les propriétaires – en général des particuliers qui n’ont pas besoin ou envie de s’en séparer – pour les convaincre de me la céder », précise-t-il, avec le sourire jubilatoire du conquérant.
On n’entrera pas dans des interprétations freudiennes, mais une fois acquis, l’objet de sa convoitise va sagement rejoindre sa collection de près de 80 toiles entreposées dans l’appartement familial beyrouthin – un quasi-musée envahi par une accumulation de pièces artistiques orientales parmi lesquelles Farouk Abillama a accroché quelques-unes de ses peintures préférées.
Comme ces huiles étonnamment avant-gardistes, abstraites et aux couleurs vives de Saliba Doueihy, qu’il vénère par-dessus tout, ces portraits de « fellah » et de Bédouine, ou cette scène de baigneuses « renoiresques » de César Gemayel, ou encore cette Nature morte aux deux poissons de la période cubique (1956) de Georges Cyr, l’un des rares artistes non libanais de sa collection. Sauf que ce peintre français s’était installé au Liban en 1934, où il avait acquis une certaine renommée.
Des œuvres parmi de nombreuses autres signées : Youssef Hoyek, Rachid Wehbé, Jean Khalifé, Farid Aouad, Yvette Achkar, Chafic Abboud, Paul Guiragossian...Et qui constituent le trésor pictural – et dans une moindre mesure sculptural – de ce collectionneur insatiable. Lequel les garde, « délibérément », loin de lui, à Beyrouth, où il ne vient que deux fois l’an à l’occasion des fêtes, « pour rester sur ma faim et me motiver à en acquérir de nouvelles », dit ce jeune homme dont la projection du bonheur est « une retraite sereine entouré de mes tableaux ! »

Gemayel et Zogheib à l’IMA
En attendant, Farouk Abillama met toute son énergie et son temps libre à enrichir sa collection. Ce qui lui vaut parfois des aventures, péripéties et autres coïncidences surprenantes que ce passionné égrène avec exaltation. Comme cette heureuse histoire qui lui est survenue dans le sud de la France où, ayant appris qu’un particulier d’origine libanaise avait peut-être des toiles de la période libanaise moderne, il s’était rendu sans la moindre idée de ce qu’il pouvait trouver. « Je m’étais dit qu’à défaut de trouver une pièce intéressante, je pourrais toujours passer un week-end agréable dans la région et, pour cela, j’avais réservé une voiture décapotable. Par un concours de circonstances, je me retrouve – fulminant ! – dans un break. Je vais chez ce monsieur qui me reçoit dans un salon défraîchi, où je n’aperçois aucune œuvre de valeur. Une heure de conversation plus tard, je m’apprêtais à prendre congé, déçu, lorsqu’il m’entraîne dans sa bibliothèque et me dévoile un florilège de tableaux de Cyr, Guiragossian et Zogheib. Je suis retourné avec cinq nouvelles acquisitions que j’ai pu transporter sur-le-champ grâce à mon...break. »
Idem pour une toile de Saliba Doueihy qu’il ira dénicher, lors d’un voyage d’affaires dans le Connecticut, via un ami d’un cousin du peintre qui avait vécu aux États-Unis.
Sollicité par l’Institut du monde arabe à Paris, qui prépare pour mars ou avril 2012 une grande exposition sur le thème du « Nu au Moyen-Orient », il a accepté de prêter quelques-unes de ses toiles, dont une Baigneuses de Gemayel et trois autres huiles de Khalil Zogheib. Ce dernier, « un artiste autodidacte, était, en fait, barbier à Dbayeh. La peinture était son loisir et il est mort dans la misère. Aujourd’hui, il est considéré comme le peintre naïf libanais de l’époque », indique ce collectionneur, pas vraiment spéculateur, vu le choix des artistes qu’il choisit. « Beaucoup sont considérés comme obsolètes et ne battent pas spécialement des records aux enchères », convient-il. « Ils n’en restent pas moins, à mes yeux, les maîtres de la peinture libanaise moderne », déclare ce collectionneur dont le rêve ultime, l’idéal absolu, serait d’ « acheter, comme Peggy Guggenheim, une toile par jour ».
Il a hérité son goût de l’art de son père. Et l’amour du Liban coule naturellement dans ses gènes. Deux facteurs conjugués qui pourraient expliquer la passion – dévorante – que voue Farouk Abillama à la peinture moderne libanaise des années 40 à 70. « Il y a des gens qui ont la passion du jeu, des femmes, de l’alcool, moi j’ai celle de la peinture libanaise »,...

commentaires (2)

- - Quand vous parlez de Farouk Abillama , je ne peux pas m'empêcher de penser au Prince Farouk Abillama qui fut un grand Ambassadeur du Liban à Paris de 1983 à 1988 , à une période où le pays du Cèdre traversait une période très difficile ! Paix à ton âme Mir Farouk .

JABBOUR André

06 h 47, le 05 janvier 2012

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Commentaires (2)

  • - - Quand vous parlez de Farouk Abillama , je ne peux pas m'empêcher de penser au Prince Farouk Abillama qui fut un grand Ambassadeur du Liban à Paris de 1983 à 1988 , à une période où le pays du Cèdre traversait une période très difficile ! Paix à ton âme Mir Farouk .

    JABBOUR André

    06 h 47, le 05 janvier 2012

  • Le parcours de Farouk est tout à fait passionnant et il fait partie des personnes qui travaillent à la conservation et à la sauvegarde du patrimoine artistique libanais. Bravo!

    Zeina Saleh Kayali

    02 h 55, le 05 janvier 2012

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