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Culture - Rencontre

Le monde arabe vu du balcon de Tomás Alcoverro

« L’histoire à travers mon balcon », en langue espagnole (éditions Destino, 330 pages), est le quatrième ouvrage de Tomás Alcoverro, le plus Libanais des Barcelonais, correspondant au Moyen-Orient de longue date de « La Vanguardia ».

Le journaliste observateur sur son balcon.

Confortablement installé au cœur de Hamra, ce journaliste chevronné, à la plume d’écrivain racé, prête une oreille attentive au pouls de la rue et à la vie du monde arabe par la lorgnette de son balcon, véritable baromètre et observatoire du quotidien d’une société aujourd’hui agitée et en mutation.
À peine rentré d’un périple en Égypte, de la place Tahrir au Caire, l’auteur d’El decano a toujours la verve d’un discours enthousiaste. Et de commenter, avec sagacité, ce printemps arabe qui a certes fleuri avec une déroutante exubérance mais dont on attend encore plus clairement toujours les fruits.
Les cheveux blancs de neige, le regard pétillant derrière ses lunettes, le français fluide avec un accent métissé d’un délicieux ibérisme, Tomás Alcoverro, à 71 ans, est un homme de culture. Et d’observations, comme La Bruyère. L’air du temps, ça le connaît (il en détecte d’ailleurs l’odeur et l’humeur) et les travers de ses contemporains, leurs indifférences ou leurs excentricités ne passent pas sous sa plume comme de l’eau coulée sur du marbre.
Ses livres, chroniques douces-amères du cours des événements et des faits qui émaillent le quotidien au Moyen-Orient, dépourvus d’analyses politiques, sont tous nés de la compilation de ses articles publiés (plus de 8000 au total). Pour ne pas déroger à ce principe sacré d’écrivain-journaliste, impénitent chasseur d’images et d’idées, témoin sur le vif de la vie, gardien vigilant d’un style jamais expéditif, son dernier opus est un pertinent reflet de ces grands chambardements qui ont secoué des régimes sclérosés depuis des lustres.
De la rébellion aux pieds des pyramides aux remous de Damas, en passant par Chypre, le Las Vegas des rives méditerranéennes, le tapis volant suspendu sur Bagdad, les pénombres à déchiffrer de Qom, Ispahan et Téhéran, Bahreïn et sa place «emperlée», on s’arrête sur Beyrouth.
Beyrouth sentie, observée, auscultée, analysée, décrite, vécue par le biais de ce balcon inondé de lumière qui surplombe les toits des immeubles et la rue passante du «Commodore»... De Hamra, «dernier bastion de la diversité» souligne Alcoverro, le style se fait élégant et traduit des émotions pour faire vivre des tranches de vie, des personnages et des paysages. Parfaitement libanais.
Mais on l’a compris, cela n’est qu’un mince prétexte, une métaphore, pour parler plus amplement du pays du Cèdre, de son évolution, de sa réalité, de son inépuisable vitalité et énergie, de sa mouvance sociale.
Et défilent, tels les grains d’un chapelet, les images, les impressions et les découvertes qui vont des profondeurs de la Kadisha aux espoirs de Chebaa, en passant par la jetée d’Alexandre le Grand à Saïda, au mythe d’Adonis, aux minuscules îles d’el-Mina face à Tripoli, au téléphérique de Jounieh touchant les nuages tout en traversant une forêt de béton sur des versants aujourd’hui à peine boisés.
Si le côté duplicata touristique a le vent en poupe dans ces pages, la vie nocturne (nommément «Sky Bar» et les soirées organisées par Eleftériadès) et la liberté dont jouit Beyrouth ne sont pas non plus ignorées par la plume incisive, non sans une pointe d’humour et de lyrisme, de Tomás Alcoverro.
Sans jouer de la coquinerie ou de la provocation (sexe, plaisir et came sont évoqués sans ambages), cette promenade à travers l’espace libanais inclut les portraits et les commentaires concernant des personnages qui sortent parfois du rang. Haïfa, sirène sensuelle du monde arabe en tête d’une ribambelle de «bimbos» peu chatouilleuses de pudeur, et Jimmy le «stripper» font figure d’audace dans une région faussement voilée et bâillonnée par les tabous et les interdits. La culture figure en bonne place aussi: la peinture avec Amin el-Bacha, la poésie avec Khalil Gibran et Pedro Barros, le cinéma avec Youssef Chahine. Reste aussi quelques découvertes et originalités amusantes tels Dario, l’ermite de la Vallée Sainte, ou ce palais délirant construit à l’image d’Alhambra à Jezzine.
Un livre qui sera incessamment traduit en arabe et qui témoigne, avec acuité et style, du rayonnement de la liberté et de la culture d’un pays. Dernière pirouette de Tomás Alcoverro: «Je suis sidéré, dit-il, qu’en un espace géographique si réduit, de 10452 km2, se soient accumulées, depuis l’Antiquité, un si grand nombre d’histoires et de mythes qui ont secoué le monde. Le Liban, c’est comme une île de la Méditerranée, mais ce n’est pas une île. Il veut être une île, mais il ne le peut pas...»
Confortablement installé au cœur de Hamra, ce journaliste chevronné, à la plume d’écrivain racé, prête une oreille attentive au pouls de la rue et à la vie du monde arabe par la lorgnette de son balcon, véritable baromètre et observatoire du quotidien d’une société aujourd’hui agitée et en mutation. À peine rentré d’un périple en Égypte, de la place Tahrir au...

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