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Culture - Rencontre

De la sainteté à travers un roman polyphonique de Carmen Boustani

Deuxième ouvrage fictionnel, puisé toutefois au cœur même de la réalité, d’une essayiste qui a voué aussi le plus clair de son temps à l’enseignement supérieur. « Un ermite dans la grande maison »* (Karthala, 268 pages) de Carmen Boustani lève le voile sur la notion et la conception de la sainteté à travers un roman à trois voix.

Carmen Boustani. Photo Michel Sayegh

Sanglée dans un tailleur noir à la veste aux ourlets satinés, le regard pétillant, les bijoux aux oreilles et au cou discrets, Carmen Boustani respire une élégante austérité. Comme pour accompagner, en toute simple gravité, ce second opus qu’elle présente au 20e Salon du livre.
Parfum de sainteté et de révélation, où la phrase-clef est cette pensée du légendaire ermite de Deir Hrach: «L’essentiel est de rester en Dieu et non en soi-même.» Un texte hagiographique métissé d’une histoire de personnages aux démêlés sentimentaux et sociaux au quotidien.
Un livre qui a pour couverture une aquarelle de Jean Khalifé et dont le thème fondamental est une évocation de la vie du père Antonios Tarabay, reclus de la vallée de Kadicha, touché par la grâce de Dieu et appelé à une vie de prière, de méditation et de sainteté. Mais aussi d’incroyables bontés pour tous les innombrables personnes venues chez lui en quête de réponses à des interrogations qui les dépassent. Comme une source de chaleur qui éclaire, réchauffe et réconforte. Comme une lumière et une sérénité irradiantes qui se déversent sur tous ceux qui s’en approchent. Une vie d’humilité, de simplicité, de solitude, de dépossession. Loin des vanités, du consumérisme et de l’agitation.
C’est en termes choisis et avec beaucoup d’émotion que Carmen Boustani évoque la naissance de ce livre. «Je suis allée durant seize ans chez lui au Christ-Roi où il résidait, car il était déjà atteint de la maladie de Parkinson. Je le visitais et il me parlait. Cette fascinante rencontre avec le “habis” a eu un effet bouleversant sur moi. Quelque chose en moi dès lors a changé. J’étais certes croyante mais, depuis, il y a un effet indéfinissable. Ses yeux étaient comme un morceau du ciel...»
Et l’auteure de La Guerre m’a surprise de se lancer dans la rédaction d’une biographie à peine voilée du révérend père. À travers des textes écrits sur le tempo de la confidence ou d’un journal où on révèle la part inaliénable de soi, sont répertoriées les occupations d’un parcours dans la main des anges. Un parcours dédié à l’obéissance, à la pauvreté et à la chasteté.
Né en 1911 à Tannourine, Gabriel, le futur «abouna» Antonios, décide à dix-sept ans de se consacrer à la vie ecclésiastique. Il choisit dès lors l’ordre des moines maronites mariamites dont la maison-mère se trouve à Notre-Dame de Louaizé, à Zouk Mosbeh. Et s’égrènent les modestes activités où le moine s’assoit sous un caroubier, dort sur un tapis en poils de chèvre avec un morceau de bois en guise d’oreiller. Avec diverses fonctions (éleveur de poules et de vers à soie au noviciat, diacre, économe, directeur spirituel des moines étudiants) qui le mènent dans ce Liban profond, de Feytroun à Becharré.
«Le Très-bas», pour reprendre le titre de l’ouvrage consacré à saint François d’Assise, par Christian Bobin (comme pour souligner les antipodes des choses!), étonne, éblouit, séduit et méduse par sa force intérieure. Qui le conduit à voir et à lire, en toute transparence, la pensée et la vie des autres. Phénomène charismatique, un des plus grands dons du ciel, quand le voyant ne veut absolument rien de ce monde...
Et c’est cela que Carmen Boustani tente de mettre en valeur. Cette vie frugale et retirée, entièrement vouée au Créateur. Connaissant et prévoyant, par intuition, par sentiment ou pressentiment, n’ignorant rien des choses terrestres. Avec, pour tableau de fond, la découverte d’un pan gardé secret d’une sœur défunte (dont elle dépouille les lettres et les mots épinglés sur un journal pour en faire justement ce livre!), les combats d’une voisine divorcée et les battements de cœur de la narratrice (d’une coquetterie toute féminine) pour un archéologue dont elle s’éprend.
Écrit sans sophistication, en petites phrases courtes, presque nerveuses, saupoudrées parfois d’une imperceptible poésie, ce livre est un témoignage. Sur un homme dont le dossier pour être béatifié est œuvre pressante, et sur la vie libanaise.
Vie libanaise en prise avec la guerre, avec des piques et des pointes sans acrimonie, avec un retour sur l’histoire du pays du Cèdre à travers le parcours du saint homme. Mais il s’agit surtout là du portrait d’un enfant de la montagne. Un enfant à la vocation religieuse précoce et qui n’a voulu, comme unique et précieux trésor, que l’amour du Très-Haut.

* L’auteure signera son livre, « Un ermite dans la grande maison » (édition Karthala, 268 pages), ce soir, samedi 9 novembre, à 19h, au stand de la librairie Le Point.
Sanglée dans un tailleur noir à la veste aux ourlets satinés, le regard pétillant, les bijoux aux oreilles et au cou discrets, Carmen Boustani respire une élégante austérité. Comme pour accompagner, en toute simple gravité, ce second opus qu’elle présente au 20e Salon du livre.Parfum de sainteté et de révélation, où la phrase-clef est cette pensée du légendaire ermite de Deir...

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