Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Révolte

Pas de frappes en Syrie avant les résultats de l’enquête de l’ONU

L’impasse persiste à l’ONU ; l’armée syrienne se repositionne en prévision d’une éventuelle intervention militaire.

Les enquêteurs de l’ONU se sont rendus hier dans la Ghouta orientale, une banlieue de Damas aux mains des rebelles qui aurait été le théâtre le 21 août d’une attaque chimique. Mohammad Abdullah/Reuters

Opposants et partisans d’une intervention dans le conflit en Syrie au Conseil de sécurité de l’ONU débattaient hier d’un projet de résolution britannique ouvrant la voie à un recours à la force contre le régime syrien, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques. Même si une intervention directe de l’OTAN n’est pas à l’ordre du jour selon un diplomate, l’Alliance atlantique a elle aussi jugé qu’un recours aux armes chimiques ne pouvait « rester sans réponse ». Se disant convaincus de la responsabilité du régime de Bachar el-Assad dans cette attaque, Washington, Paris et Londres se sont déclarés prêts à agir, non pas pour le renverser, mais pour le « dissuader » d’avoir de nouveau recours à des gaz toxiques.


Au siège de l’ONU à New York, les ambassadeurs des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité ont tenu des consultations à huis clos sur le projet de résolution qui, selon le gouvernement britannique, doit autoriser « toutes les mesures nécessaires en vertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU pour protéger les civils contre les armes chimiques ». Ce chapitre prévoit des mesures coercitives pouvant aller jusqu’à une opération militaire. En soirée, les ambassadeurs se sont séparés sans accord, Moscou et Pékin rejetant toujours l’option militaire. « Les discussions doivent se poursuivre sur la base des instructions que donneront les capitales », a expliqué un diplomate occidental. Mais il s’est déclaré « pas très optimiste » et a indiqué qu’aucune date précise n’avait été fixée pour une nouvelle discussion. Les États-Unis ont de ce fait estimé que le projet de résolution n’allait probablement pas aboutir. La Russie, alliée fidèle du régime syrien qui a déjà mis son veto à trois projets de résolution sur la crise syrienne, a de son côté affirmé qu’il fallait attendre les résultats de l’enquête des experts de l’ONU.


Comme en réponse pour apaiser Moscou, le gouvernement britannique ne lancera pas d’action militaire en Syrie avant d’avoir eu connaissance des résultats des experts de l’ONU qui enquêtent sur place, selon une motion qui doit être soumise aujourd’hui au Parlement de Londres. « Le secrétaire général de l’ONU doit pouvoir s’adresser au Conseil de sécurité immédiatement après la fin de la mission de l’équipe », indique le texte, ajoutant que « le Conseil de sécurité des Nations unies doit avoir l’opportunité d’avoir ce compte-rendu et tous les efforts doivent être faits pour obtenir une résolution du Conseil de sécurité soutenant une action militaire avant qu’une telle action ne soit prise ».

 

(Lire aussi : Face au grand défi, Assad peaufine une image de sérénité)

 

 

 


Une longue enquête
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, sans se prononcer sur l’opportunité d’une frappe, a indiqué que les experts onusiens avaient besoin de quatre jours pour boucler leur mission, avant de procéder à des analyses et de présenter leur rapport.


Pour le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, une frappe provoquerait une « déstabilisation supplémentaire de la situation », tandis que l’Iran, autre allié de Damas, a jugé qu’une action militaire « serait un désastre pour la région ». Mais dans un communiqué, l’Organisation de la coopération islamique, qui rassemble 57 pays musulmans dont l’Iran, a appelé à « une action décisive » contre Damas. Et la Ligue arabe adoptera, lors d’une réunion la semaine prochaine au Caire, une résolution condamnant le président Assad.


Admettant que l’adoption par le Conseil de sécurité du projet de résolution était « improbable », le chef de la diplomatie britannique William Hague a répété qu’il fallait agir même sans aval de l’ONU face à un « crime contre l’humanité ». Même son de cloche en Australie. Mais les contredisant, l’envoyé spécial de la Ligue arabe et de l’ONU pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, a averti que le feu vert du Conseil de sécurité est nécessaire pour intervenir militairement. Selon un haut responsable américain, les États-Unis écartent une action militaire unilatérale, mais estiment que d’éventuelles frappes pourraient durer plus d’un jour. Le bureau du Premier ministre britannique a assuré que David Cameron et le président américain Barack Obama n’avaient « aucun doute sur la responsabilité du régime » syrien dans « l’attaque chimique » meurtrière. D’ailleurs Washington doit rendre publique cette semaine une partie d’un rapport des services de renseignements étayant la responsabilité du régime. Selon le magazine Foreign Policy, la conviction américaine se base sur des conversations téléphoniques interceptées entre un responsable du ministère syrien de la Défense et le chef de l’unité des armes chimiques. Pour un autre haut responsable américain, si les États-Unis n’interviennent pas, cela enverrait un dangereux signal aux autres régimes disposant de stocks d’armes chimiques, en particulier la Corée du Nord.

 

(Lire aussi : Obama cherche à éviter les erreurs de Bush)


En Europe, la Belgique a dit n’être « pas encore convaincue » du bien-fondé d’une intervention militaire. De même, la Norvège a mis en garde contre une opération unilatérale.


Selon les spécialistes, les raids éventuels seront menés avec des missiles Tomahawk embarqués sur des navires croisant en Méditerranée et/ou des chasseurs-bombardiers opérant hors de l’espace aérien syrien. Ils visent à envoyer un message au régime, pas à anéantir ses capacités militaires et à donner un avantage décisif à la rébellion lancée il y a plus de deux ans. Selon un responsable de l’opposition syrienne, Ahmad Ramadan, une possible frappe est une « question de jours » et parmi « les cibles éventuelles » figurent des aéroports, bases militaires et dépôts d’armes. Des discussions ont eu lieu selon lui à ce sujet entre opposants, rebelles et « pays alliés ».

 

(Eclairage : Comment contourner le Conseil de sécurité sur la Syrie)

 


Cimetière des envahisseurs
Face au bruit de bottes, le pouvoir syrien, qui a démenti tout recours aux armes chimiques et accusé les rebelles, a prévenu que son pays serait le « cimetière des envahisseurs » en cas d’intervention militaire, assurant détenir « des moyens de défense qui vont surprendre ». Il a également accusé les Occidentaux « d’inventer » des prétextes pour attaquer. Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Meqdad, a été plus loin, reprochant à l’Occident d’avoir encouragé les rebelles à utiliser du gaz sarin à plusieurs reprises.

 

(Reportage : Damas, entre craintes et espoirs)


Sur le terrain, face aux menaces occidentales, l’armée syrienne a commencé à se repositionner ces dernières 48 heures, notamment à Damas, Homs et Hama, avec « des dizaines de sièges de commandement militaire et de commandement de brigades évacués pour se replacer ailleurs », selon une ONG syrienne. En outre, l’ambassadeur syrien à l’ONU, Bachar Jaafari, a affirmé hier que des dizaines de soldats avaient inhalé des gaz toxiques et a demandé à l’ONU d’enquêter sur ces nouveaux incidents « odieux ». M. Jaafari a demandé à M. Ban de prolonger la mission des experts de l’ONU.


Par ailleurs, les rebelles ont affirmé hier avoir tiré des roquettes katiouchas sur le centre de Damas, précisant qu’il s’agit de « représailles » à l’attaque chimique. Ils ont également tiré des obus de mortier sur le bâtiment des Renseignements aériens dans le secteur des Abbassides, sans faire de victimes. Enfin, deux employés du Croissant-Rouge, ainsi qu’un nombre indéterminé de civils dont des enfants, ont été tués par un obus de mortier devant les locaux de l’organisation.

 

 

Voir aussi notre dossier

Repères : vers une intervention militaire étrangère en Syrie
Opposants et partisans d’une intervention dans le conflit en Syrie au Conseil de sécurité de l’ONU débattaient hier d’un projet de résolution britannique ouvrant la voie à un recours à la force contre le régime syrien, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques. Même si une intervention directe de l’OTAN n’est pas à l’ordre du jour selon un diplomate,...

commentaires (5)

MAIS QUELLE ENQUÊTE ET QUELS RÉSULTATS !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

10 h 00, le 29 août 2013

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • MAIS QUELLE ENQUÊTE ET QUELS RÉSULTATS !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 00, le 29 août 2013

  • UNE TELLE "LACUNE" AURAIT ÉTÉ IMPARDONNABLE !

    SAKR LOUBNAN

    08 h 47, le 29 août 2013

  • Je vais y aller, j'y vais, j'hésite, j'y vais plus, mais j'y vais quand même...c'est la valse à mille temps. Le Poutine a mis un sacré patacaisse, les opinions publiques sont échaudées par les merveilleux printemps arabes, et les formidables expériences irakiennes et afghanes, le choix entre la brute et les truands est tout sauf évident...bref, c'est le bordel...mais vous inquiétez pas, çà aura quand même permis aux spéculateurs pétroliers d'engranger de mirifiques bénéfices...derrière chaque guerre ,cherchez le spéculateur.

    GEDEON Christian

    08 h 23, le 29 août 2013

  • Les lecteurs voudront bien m'excuser. J'ai oublié de mentionner que les centaines d'enfants exterminés au gaz sarin étaient des "takfiris" et des "terroristes".

    Halim Abou Chacra

    04 h 23, le 29 août 2013

  • Un très grand bruit autour d'une certitude : le régime nazi de Damas a effectué un bombardement chimique sur la Ghouta le mercredi 21 août tuant des centaines d'hommes, de femmes et surtout d'enfants. Les services de renseignement occidentaux ont intercepté les communications relatives à cette opération avant et après sa réalisation et aucun doute n'est possible sur la responsabilité du dit régime. Le lâche Obama se trouve coincé avec ses lignes rouges franchies cette fois d'une manière extrêmement flagrante. Le monde entier se demande ce qu'il va faire devant l'inénarrable barbarie. Au milieu de tout ce brouhaha, une question s'impose. Le régime nazi a-t-il avisé son allié super stratégique, le Hezbollah, qui combat à ses côtés, d'une action aussi grave ? Bien sûr que non. Mais alors qu'est-ce que c'est cette alliance sinon une des plus grandes aventures irresponsables de l'histoire et dans laquelle le Hezbollah fait figure de l'allié trompé et méprisé ?

    Halim Abou Chacra

    04 h 12, le 29 août 2013

Retour en haut