Après des années de tractations, un trio de compagnies occidentales (Total, Statoil et BP) et leur alliée azérie Socar ont confirmé hier le choix de TAP pour exporter le gaz issu de la seconde phase de développement du gisement de Shah Deniz, qu’ils exploitent en mer Caspienne.
TAP relaiera le gazoduc transanatolien Tanap, et ira de la frontière gréco-turque jusqu’à l’Italie, via l’Albanie et l’Adriatique. Il a été finalement préféré au projet rival Nabucco Ouest, desservant les Balkans et l’Europe centrale, au tracé plus long (1 300 km contre 870) et donc plus coûteux.
Cette décision, largement attendue, a été saluée à Bruxelles comme un virage historique pour le marché gazier européen, car elle permettra à l’UE, très dépendante du gaz russe, de diversifier ses approvisionnements en important du gaz azéri à partir de 2019.
C’est « une étape importante dans le renforcement de la sécurité énergétique de l’Union européenne », s’est ainsi félicité le président de la Commission, José Manuel Barroso.
Le président du gazier russe Gazprom, Alexeï Miller, a estimé hier que le projet Nabucco était « enterré » après le choix de TAP pour le gisement Shah Deniz en Azerbaïdjan.
Mais pour Andrew Neff, analyste basé à Moscou du cabinet IHS, « TAP est le meilleur résultat que Gazprom pouvait espérer, (...) car le marché albanais ne compte pas vraiment, et la Grèce n’est pas non plus un marché majeur », alors que Nabucco Ouest aurait directement empiété sur les marchés d’Europe centrale très dépendants du groupe russe.
En outre, la capacité de TAP est bien faible par rapport à la force de frappe de Gazprom : 10 milliards de mètres cubes par an, alors que le groupe russe a écoulé l’an dernier 140 milliards de mètres cubes en Europe (soit près du tiers de la consommation gazière de l’UE). Et M. Neff doute que sa capacité soit augmentée ultérieurement, vu l’état de la demande gazière en Europe.
L’Agence internationale de l’énergie avait prévenu début juin que la demande européenne de gaz, en recul depuis 2011 sous l’impact de la crise et des difficultés des centrales, tomberait l’an prochain à 499 milliards de mètres cubes, un plancher depuis 2002, avant d’opérer une très lente remontée.
De plus, Gazprom a lancé son propre projet de gazoduc à travers le « corridor méridional européen ». Baptisé South Stream, il lui permettra de viser directement l’Europe du centre et de l’Ouest, et aura une capacité très importante (63 mds de m3/an).
Ainsi, pour Andrew Neff, « le gaz azerbaïdjanais va diversifier les sources d’approvisionnement, mais ne va pas réduire la dépendance au gaz russe ».
Le plus gros souci pour Moscou pourrait plutôt venir de la politique commerciale de Shah Deniz. BP s’est dit ouvert à des contrats indexés sur les prix de marché (ou « spot » ) du gaz naturel, là où Gazprom défend bec et ongles des contrats de long terme adossés sur les cours du pétrole, plus onéreux. Cela devrait donner de nouveaux arguments aux clients de Gazprom, qui ont déjà arraché des rabais au cas par cas, pour revoir leurs conditions.
Malgré cela, l’agence de notation Fitch estime que le choix de TAP « limitera le risque de pressions baissières sur le prix du gaz » en Europe, alors que l’alternative Nabucco « aurait pu avoir (au moins) un impact modeste sur les prix en raison de sa capacité supérieure » et de son tracé.
Au final, le principal perdant de l’affaire semble donc Nabucco Ouest, beaucoup voyant dans le choix de TAP son arrêt de mort. Même si Gazprom le considère comme enterré, ses promoteurs disent rechercher de nouveaux fournisseurs, mais l’autrichien OMV, son principal artisan, n’y croit plus vraiment.
(Source : AFP)
Grâce à L’Amérique, Europa aura toujours le choix....
16 h 09, le 29 juin 2013