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Moyen Orient et Monde - Le point

La nature et les hommes

Pour dénoncer l’opposition, ils recourent à la même rhétorique. Les contestataires de la place Taksim ? Aux yeux de Recep Tayyip Erdogan, au mieux des voyous, au pire des terroristes. Les auteurs des attaques « absurdes, illégitimes » contre sa présidence ? Des « fouloul » (résidus) du régime honni de Hosni Moubarak, à en croire Mohammad Mohammad Morsi Issa el-Ayyat (tel est son nom entier). Critiqués l’un et l’autre, pour des raisons différentes, ils invoquent d’une même voix le verdict des urnes afin de justifier leur gestion de la chose publique, inspirée si l’on suit leurs hagiographes de la stricte charia. Tous deux, il est vrai, se sont appuyés, pour se hisser au pinacle, sur une formation politique à l’idéologie religieuse : pour le premier, le Parti de la justice et du développement (AKP) inspiré des enseignements de Fethullah Gülen ; le Parti de la liberté et de la justice pour le second, héritier des Frères musulmans de Hassan el-Banna.


Là s’arrête la comparaison entre le Premier ministre de Turquie et le président de la République égyptienne. Car pour le reste, tout les sépare, le style autant que leur rapport avec leurs concitoyens et que les résultats, ces derniers dictés par l’environnement dans lequel ils évoluent. Un an après son élection, l’Égyptien poursuit une glissade qui, à moins d’un improbable miracle, semble inexorable, quand la dérive du Turc aura mis une bonne douzaine d’années avant de se déclencher – et encore, subsiste la possibilité qu’elle s’arrête bientôt si l’on veut croire que les événements des deux semaines passées n’auront été qu’une éruption passagère.


À première vue toutefois, le jugement d’une certaine vox populi, au Caire comme à Ankara, après une période où elle semblait acquise mais « avec les réserves d’usage », se fait sévère. Hier encore, ce n’était pas uniquement les « Anatoliens » et les islamistes qui soutenaient leur héros; c’était aussi des jeunes, des membres des professions libérales, des hommes d’affaires, des professeurs d’université, des étudiants. Ceux-là ruminent désormais leur désenchantement face à la répression féroce que viennent de connaître les jeunes écologistes, face aussi à une islamisation qui n’a nul besoin de se faire rampante et à un ralentissement de la croissance, avec un PIB de 3 pour cent en glissement annuel au premier trimestre de l’année en cours.


On conviendra aisément, au vu de ce dernier chiffre, que bien des pays européens se contenteraient de moins. L’Égypte surtout, qui en est à mendier ces malheureux 4,8 milliards de dollars que le Fonds monétaire international rechigne toujours à lui accorder, qui doit se contenter de l’aumône qatarie et qui ne sait pas où trouver l’argent nécessaire pour assurer le surplus de blé dont la population a grandement besoin. Et ne parlons pas démographie : quand le chef du gouvernement turc plaide pour une famille de trois enfants, le nombre d’habitants sur les bords du Nil s’accroît d’un million tous les neuf mois...


Trop islamiste pour certains, pas assez pour d’autres, Morsi se retrouve progressivement lâché par les salafistes dont le parti, al-Watan, détient avec des groupuscules alliés un quart des 508 sièges de l’Assemblée nationale et qui ne lui pardonnent pas de n’avoir toujours pas imposé, comme promis, la charia. Pour l’instant toutefois, nul n’entrevoit la possibilité pour ces ultras de scier la branche sur laquelle ils sont perchés. Plus sérieusement, le risque pour le chef de l’État, il faut le chercher du côté de sa maladresse dans sa direction des affaires. Samedi dernier, le New York Times publiait un éditorial d’une exceptionnelle sévérité, intitulé : « A Judicial Travesty ». Il y condamnait les peines de prison infligées par la Cour criminelle du Caire à 43 employés d’ONG, dont 16 Américains, accusés de vouloir détruire l’Égypte. Trois jours plus tard, le président désignait dix-sept nouveaux gouverneurs, dont un tiers d’islamistes, en tête desquels figure Adel Mohammad el-Khayat, nommé à la tête du gouvernorat de Louxor. Étrange choix quand on pense que ce haut fonctionnaire est un ancien cadre de la Gamaa islamiya de triste mémoire depuis une attaque en 1997, à ...Louxor, au cours de laquelle avaient été massacrées 62 personnes, dont 58 touristes. Erdogan ne craint pas, lui, d’être abandonné par ses amis puisque son parti détient la majorité au Parlement.


Pourquoi l’islam politique et économique réussirait-il – en dépit de quelques dérapages – sur les bords du Bosphore et échouerait-il sur les rives du Nil ? Parce que, diront les spécialistes, les causes, plus que religieuses, sont humaines, géographiques en d’autres termes, puisque c’est la nature du sol qui détermine le caractère. Robert D. Kaplan l’a dit l’an dernier, dans un ouvrage* dont on ne saurait trop recommander la lecture : tôt ou tard la géographie se venge.

« The Revenge of Geography – What the Map Tells Us About Coming Conflicts and the Battle Against Fate » – éd. Random House, 403 pages.



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commentaires (1)

Un echec d'erdo le 3ââzîîmm sonnerait le glas des ikhwans de tout bord, de Tunisie à l'egypte, aussi bien qu'à la Lybie hésitante, et si vous remarquez bien , ils ont annoncé tous la fin du régime laic de Bashar en quelques semaines, si R.D Kaplan parle de revanche du géographique, on serait tenté de dire que c'est en définitive le peuple qui se venge, ce phénomène se voit au Brésil en ce moment, le religieux n'est pas exclus dans ce pays 6 eme puissance économique mondiale, mais la classe moyenne pense qu'il est temps de faire entendre sa voix, mondial de foot ou pas. Et puis ne serait il pas que des compositions greffées de gouvernements expérimentaux testés par la gouvernance mondiale qui provoqueraient ce rejet quasi simultané.? Les décalages entre gouvernements et peuple se font sous toutes les latitudes.

Jaber Kamel

14 h 41, le 20 juin 2013

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Commentaires (1)

  • Un echec d'erdo le 3ââzîîmm sonnerait le glas des ikhwans de tout bord, de Tunisie à l'egypte, aussi bien qu'à la Lybie hésitante, et si vous remarquez bien , ils ont annoncé tous la fin du régime laic de Bashar en quelques semaines, si R.D Kaplan parle de revanche du géographique, on serait tenté de dire que c'est en définitive le peuple qui se venge, ce phénomène se voit au Brésil en ce moment, le religieux n'est pas exclus dans ce pays 6 eme puissance économique mondiale, mais la classe moyenne pense qu'il est temps de faire entendre sa voix, mondial de foot ou pas. Et puis ne serait il pas que des compositions greffées de gouvernements expérimentaux testés par la gouvernance mondiale qui provoqueraient ce rejet quasi simultané.? Les décalages entre gouvernements et peuple se font sous toutes les latitudes.

    Jaber Kamel

    14 h 41, le 20 juin 2013

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