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Moyen Orient et Monde - Le point

Qui veut la peau de Salam Fayyad ?

« Un champion de la bonne gouvernance », « l’homme de la lutte contre la corruption », « le penseur palestinien le plus progressiste, le plus innovateur »... Rarement politicien aura été enterré sous une telle avalanche d’éloges. Rarement aussi un Premier ministre aura connu pareille mobilisation contre sa personne. Salam Fayyad part – mais quoi d’étonnant à cela ? –, victime du succès d’une ligne de conduite à laquelle, tout au long de ces six années au pouvoir, il n’a jamais voulu renoncer.
C’est bien vrai que « la marionnette des Américains » bénéficiait de l’appui marqué de l’administration Obama, mais il jouissait aussi de l’estime de l’Union européenne et d’une popularité grandissante en Cisjordanie. Jeudi dernier, Washington se fend d’un inhabituel communiqué affirmant que le chef du gouvernement palestinien, contrairement à la rumeur qui courait dans les grandes capitales, ne comptait pas démissionner. Le lendemain, John Kerry, démarche tout aussi étrange, contactait personnellement Mahmoud Abbas pour lui demander de ne pas accepter le départ de son numéro 2. On a vu, le week-end dernier, le résultat de ces deux initiatives.
Les caciques du Fateh ne pouvaient supporter plus longtemps de voir l’ancien dirigeant du Fonds monétaire international se mettre en travers de leurs ambitions politiques autant que financières, comme le veto qu’il mettait systématiquement à la désignation de l’un des leurs à un poste ministériel ou au transfert à leur profit personnel de fonds secrets. Avec une évidente mauvaise foi, ils ont réussi à lui faire assumer, aux yeux de la rue, la responsabilité de la flambée du coût de la vie dans les territoires occupés et la hausse inquiétante du chômage.
À la grogne des barons est venu s’ajouter un contentieux qui est allé en s’alourdissant entre Fayyad et le président de l’Autorité palestinienne. Le froid entre les deux hommes a culminé le 29 novembre 2012 lorsque, à la suite d’un discours retentissant devant l’Assemblée générale, Abou Mazen obtenait pour la Palestine un siège d’observateur non membre au sein de l’organisation internationale, une démarche à laquelle le cofondateur avec Hanane Achraoui de l’éphémère « Troisième voie » avait tenté en vain de s’opposer, faisant valoir qu’elle serait contre-productive en raison des sanctions que l’État hébreu ne manquerait pas de décréter. De fait, Benjamin Netanyahu décidait aussitôt de geler le transfert des taxes perçues par Tel-Aviv dans les territoires occupés. Quatre mois plus tard, un nouveau clash opposait les deux hommes à propos cette fois de la démission du ministre des Finances Nabil Kassis, un protégé de Abbas, lequel aurait voulu le maintenir à son poste.
En outre, le président du Conseil démissionnaire peut s’enorgueillir de s’être attiré les foudres du Hamas, furieux de le voir refuser de lui octroyer des fonds provenant de la République islamique et de diverses parties arabes, ce qui lui aurait permis de remporter une fois de plus les élections à venir. Comme pour compliquer un peu plus la conjoncture, cette animosité a pour toile de fonds la lutte entre les héritiers de cheikh Ahmad Yassine, l’homme qui a mis sur pied le Mouvement de la résistance palestinienne. Dans cet affrontement fratricide, le clan des « Iraniens » est opposé à celui des partisans de l’option qatarie, tous deux unis contre l’Autorité palestinienne, en nette perte de vitesse depuis quelque temps.
Le grand perdant dans tout cela est à n’en pas douter la cause palestinienne elle-même ou le peu qu’il en reste. Chargé d’expédier les affaires courantes, Salam Fayyad, veulent espérer certains, pourrait demeurer à son poste pour une période indéfinie. Mais qu’il choisisse, demain, de claquer la porte et l’on verra s’effilocher l’appui international et partant l’aide fournie par les principaux donateurs. La gabegie, ce mal endémique dont souffrait déjà l’Organisation de libération, atteint de nos jours un tel degré que la dette publique est estimée à 1,5 milliard de dollars et sans l’injonction in extremis, le mois dernier, d’argent frais, les 150 000 fonctionnaires de l’Autorité palestinienne n’auraient pas pu percevoir leurs salaires, en souffrance depuis de longs mois.
Par contre, le vainqueur de l’actuel micmac est Israël, qui a beau jeu de claironner que, décidément, ces Palestiniens ne sont pas gens fiables et qu’il est difficile, impossible même, de trouver parmi eux des interlocuteurs valables. Aujourd’hui encore moins qu’hier après la mise à l’écart du héros du « fayyadisme », cette doctrine qui prône l’édification d’un État viable, l’assainissement de ses finances et le renforcement de sa sécurité, autant de notions que les principaux intéressés s’acharnent depuis des décennies à mettre à mal. Mais sont-ils réellement intéressés – et par quoi ?...
« Un champion de la bonne gouvernance », « l’homme de la lutte contre la corruption », « le penseur palestinien le plus progressiste, le plus innovateur »... Rarement politicien aura été enterré sous une telle avalanche d’éloges. Rarement aussi un Premier ministre aura connu pareille mobilisation contre sa personne. Salam Fayyad part – mais quoi d’étonnant à cela ? –,...
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