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À La Une - Liban

Affaire Okab Sakr : la justice entre en scène

Le député du bloc du Futur, ayant authentifié les enregistrements sur son implication dans les livraisons d’armes en Syrie, tiendra une conférence de presse demain.

Le député libanais Okab Sakr.

L’affaire des enregistrements téléphoniques dans laquelle le député Okab Sakr évoque des livraisons d’armes aux rebelles syriens relève désormais de la justice. Le juge Hatem Madi a demandé hier au bureau chargé des investigations de retranscrire les documents audio fournis par le quotidien al-Akhbar afin que la justice agisse conformément à la loi et aux accords bilatéraux. Cette démarche judiciaire, relevant de la procédure préalable, a servi de motif au gouvernement pour ne pas s’exprimer officiellement sur l’affaire. Ceci n’a pas empêché les milieux ministériels centristes de dénoncer à L’Orient-Le Jour toute ingérence militaire en Syrie, qu’elle soit menée par le courant du Futur ou le Hezbollah. Il reste que la polémique entourant l’affaire semble résorbée par l’ouverture de la procédure judiciaire, d’autant que celle-ci survient après que le député Okab Sakr eut authentifié lundi les enregistrements, en veillant à dédouaner l’ancien Premier ministre Saad Hariri.

 

Cette confirmation, que Okab Sakr développera lors d’une conférence de presse prévue demain, paraît servir autant la majorité que l’opposition.
D’abord, le courant du Futur qui s’est attardé sur le fait que le député ait « agi à titre personnel ». Dans la déclaration publiée à l’issue de sa réunion hebdomadaire, son bloc parlementaire a estimé que « ceux qui appellent aux poursuites judiciaires à l’encontre du député Okab Sakr et à lever son immunité parlementaire doivent avant cela appeler à la poursuite du Hezbollah et de ses cadres, surtout son secrétaire général Hassan Nasrallah, qui a déjà évoqué publiquement et plus d’une fois le rôle militaire du parti en Syrie, où il envoie ses combattants et ses armes (...) pour soutenir le régime dans ses crimes contre l’humanité ».

Fatfat à « L’OLJ » : « Qu’ils poursuivent Hassan Nasrallah ! »
Dans sa déclaration, le bloc du Futur semble ainsi relativiser l’affaire de l’implication de Okab Sakr dans l’armement d’opposants syriens, sans toutefois prendre la défense du député. Mais le député du courant du Futur Ahmad Fatfat précise à L’Orient-Le Jour les nuances de cette prise de position. « Nous ne plaçons pas sur un pied d’égalité Okab Sakr et Hassan Nasrallah », a-t-il affirmé clairement, rappelant que le communiqué souligne la différence entre « ceux qui prennent la défense du bourreau et ceux qui viennent en aide à la victime ». Le député Fatfat insiste en outre sur le fait que Okab Sakr a agi « à titre personnel », en précisant toutefois que « nous ne dénonçons pas ce que ce dernier a fait. Nous estimons uniquement qu’il s’est écarté de la ligne politique du courant du Futur ». La ligne de conduite du Futur, en la personne de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, consiste à « apporter un soutien humanitaire aux opposants syriens, sans intervenir sur le terrain ». Il reste que « le seul parti à intervenir militairement en Syrie est le Hezbollah », a-t-il ajouté, estimant que si l’enquête judiciaire devait aboutir à la décision de lever l’immunité du député, « nous n’appuierons cette décision que si elle s’accompagne de la poursuite judiciaire de Hassan Nasrallah ».
Le député Khaled Daher exprime, quant à lui, une position plus ferme, en saluant « l’appui noble aux révolutions humanitaires contre le régime des assassins ».

Silence et avantage du Hezbollah
De son côté, le Hezbollah garde le silence sur l’affaire, même si le contenu des enregistrements a été révélé par le quotidien al-Akhbar, connu pour sa proximité avec le 8 Mars, particulièrement le parti chiite. Les milieux proches du parti rejettent cependant « cette logique de rapprochement entre le Hezbollah et Okab Sakr ». Deux éléments joueraient en faveur du parti chiite : d’une part, il a toujours veillé à démentir sa présence militaire en Syrie (les décès de combattants du Hezb en Syrie ont été situés dans le cadre de la protection de villages chiites syriens aux frontières avec le Liban); d’autre part, le Hezbollah disposerait de « preuves matérielles de l’implication militaire du député Okab Sakr en Syrie ». Et cette implication « a certainement bénéficié du soutien matériel de l’ancien Premier ministre Saad Hariri et du courant du Futur », selon les sympathisants du Hezbollah, qui doutent du fait que le député ait fait cavalier seul dans cette affaire.

La teneur des enregistrements
Une question reste de rigueur en ce qui concerne la procédure ayant permis l’obtention des enregistrements. Rappelons que la semaine dernière, al-Akhbar a révélé la teneur de plusieurs enregistrements dans lesquels le député Okab Sakr parle avec un commandant rebelle qui lui réclame des armes, avec un marchand d’armes non identifié puis avec un responsable rebelle chargé de la distribution des armes. Dans l’enregistrement rendu public jeudi, Okab Sakr parle avec un commandant rebelle de la province d’Alep (nord de la Syrie) qui lui demande d’urgence des armes : « Que Dieu te protège. Tu dois nous aider. Je ne sais pas quoi te dire mais ce qui est sûr c’est qu’après Dieu, il n’y a que toi. » Dans le deuxième enregistrement rendu public vendredi, le député insiste auprès d’un marchand d’armes non identifié : « Nous avons besoin d’armes automatiques, de munitions pour (les mitrailleuses russes) PKC, de roquettes antichars, de bombes et d’armes de qualité pour Alep, sa province et la province d’Idleb. Nous devons répondre à cette demande le plus tôt possible. » Dans un troisième enregistrement rendu public vendredi, le député parle avec un responsable rebelle chargé de la distribution des armes dans le centre de la Syrie : « Je vais donner les directives aux gars pour augmenter au maximum les quantités d’armes. »


Dans la dernière conversation de samedi, le député affirme à son interlocuteur Louaï Moqdad, qui selon le journal est un porte-parole de l’Armée syrienne libre (ASL) et un ami personnel du parlementaire : « Ça rend fou le président Hariri, il veut que la victoire aboutisse, il n’arrive plus à dormir. Il suit la situation heure par heure, minute par minute, seconde par seconde. Il veut que le combat aboutisse. Il n’y a pas de place pour un échec. »

De « la source » derrière les enregistrements
En marge de ces enregistrements, des explications sont données sur la source qui les a procurés. Selon le quotidien, celle-ci serait « un ancien compagnon de Okab Sakr, qui avait travaillé avec lui pour l’armement des rebelles syriens à partir d’une des trois unités aménagées en Turquie pour suivre les affaires de l’opposition ». Il aurait décidé de s’écarter du député « lorsqu’il a pu témoigner de l’hystérie de ce dernier, mû par la seule volonté de faire tomber le régime syrien et peu soucieux de soutenir la population ».


« Le député a vandalisé la révolution par ces agissements fous », ajoute le quotidien, citant cette même source, tout en imputant au député « la responsabilité de la mort de civils ». Mais rien n’est révélé sur ces détails dans les enregistrements en question, que le quotidien a titrés « Hariri-Sakr en flagrant délit ».
Dans cette affaire assimilée par certains milieux du 8 Mars à l’affaire Samaha-Mamlouk, une question se pose sur l’identité de la source en question et les moyens techniques d’écoute des conversations du député de l’opposition. Interrogée sur ce point par L’OLJ, une source du 8 Mars a estimé que la proximité du Hezbollah et du quotidien en question ne suffirait pas à justifier un quelconque rôle du parti de Dieu dans l’obtention des enregistrements. Les milieux proches du Hezbollah ne cachent pas leur indignation face à la question sur une possible implication des services de renseignements de l’armée. Ces derniers « ne travaillent pas pour al-Akhbar... », ont-ils vertement répondu.

 

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