Une crise pendant laquelle la diplomatie européenne aura étalé son essence, en forme d'inexistence. Un encéphalogramme qui serait totalement plat, n'étaient-ce quelques soubresauts pour la forme. Dans un élan dont l'histoire ne se souviendra pas, Catherine Ashton aura déclaré qu'il est « absolument essentiel d'avancer comme cela est nécessaire ». Du côté de Paris, où fut prise la Bastille, en attendant de tirer les leçons d'une incompréhension totale de l'essence même des développements révolutionnaires proche-orientaux, l'on s'est accroché aux branches, Michèle Alliot-Marie affirmant qu'il lui « paraît essentiel de rappeler ce que sont nos principes, les principes de notre politique étrangère, qui consistent à ne pas vouloir décider à la place des peuples, mais à les soutenir et à les encourager ».
Pour l'opposition laïco-bloggeuro-barbue égyptienne, l'essentiel tenait en un mot, le seul peut-être vers lequel converge cet attelage hétéroclite, un mot adressé à Moubarak : dégage !
Dix-huit jours durant, le régime a refusé de lâcher sur l'essentiel. Jusqu'au moment où l'essentiel devint inévitable. D'autant plus inévitable que Moubarak avait perdu l'appui essentiel des États-Unis, qui avaient évacué du Caire leur personnel diplomatique « non essentiel ».
Et dire qu'il y a quelques semaines seulement, Le Caire était encore l'un des alliés essentiels des États-Unis au Proche-Orient... Qu'il y a quelques jours encore, l'ONU saluait en Moubarak « l'un des acteurs essentiels dans la recherche de la réconciliation » interpalestinienne.
Selon les observateurs, pour qu'un autocrate ait encore une chance, dans cette région, de rester sur son trône, il est essentiel qu'il apparaisse aux yeux de son peuple comme un défenseur authentique de la nation, et non comme une marionnette entre les mains des puissances extérieures.
L'essentiel, hier soir, c'était ce cri de joie qui fit frémir les étoiles dans le ciel de Tahrir.