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Moyen Orient et Monde - Analyse

Au Moyen-Orient, l’inquiétude perce

La chute du président tunisien sous la pression de la rue constitue un avertissement pour les régimes autoritaires qui dominent le monde arabe, face à des populations en proie à des problèmes souvent proches de ceux des Tunisiens, soulignent des spécialistes.
L'inquiétude perçait hier au Moyen-Orient après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, les gouvernements redoutant le chaos dans le pays et les oppositions appelant à s'inspirer de ce soulèvement populaire.
« Nous sommes inquiets de la situation en Tunisie », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Ramin Mehmanparast. « Nous espérons que les demandes de la nation musulmane tunisienne seront satisfaites grâce à des moyens pacifiques et non violents », a-t-il ajouté. À Abou Dhabi, le gouvernement des Émirats arabes unis a exhorté les Tunisiens à faire preuve de « cohésion, à préserver (leur) unité et à éviter tout ce qui pouvait nuire à la sécurité et à la stabilité » de leur pays. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a, de son côté, fait part de sa solidarité et exhorté la Tunisie à « préserver la sécurité et la stabilité ».
Mais les oppositions à ces régimes ont appelé de leurs vœux une éventuelle contagion. En Jordanie, le Front de l'action islamique (FAI) a appelé « tous les régimes arabes à réexaminer leurs politiques ». « La tyrannie est le principal problème du monde arabe », a insisté le FAI, qui organisait avec les Frères musulmans, les syndicats et des partis de gauche un sit-in rassemblant près de 3 000 personnes devant le Parlement hier après-midi pour « dénoncer la politique économique du gouvernement ». Des députés de l'opposition ont également salué le soulèvement tunisien et averti que tous les régimes oppressifs connaîtraient le même sort. « C'est une leçon pour tous les peuples de la région », a estimé le député Ahmad al-Saadoun, un vétéran de la vie parlementaire.
Une blague qui circule au Caire donne le ton de la « rue arabe » : « L'avion de Ben Ali est arrivé à Charm el-Cheikh (résidence du président égyptien Hosni Moubarak sur la mer Rouge), pas pour y rester, mais pour embarquer plus de passagers ! »
La « Révolution du jasmin » tunisienne « est le premier soulèvement populaire de ce genre qui parvient à renverser un chef d'État dans un pays arabe. Cela peut se révéler une source d'inspiration ailleurs dans la région », estimait Amr Hamzawi, du centre pour le Proche-Orient de la fondation américaine Carnegie. « Les ingrédients que l'on trouve en Tunisie sont aussi présents ailleurs », du Maroc à l'Algérie, de l'Égypte à la Jordanie, qu'il s'agisse du chômage, de la répression policière ou des entraves à la démocratie, souligne-t-il. En Algérie, voisine de la Tunisie, des émeutes meurtrières ont aussi eu lieu en janvier sur fond de hausse des prix de produits alimentaires de base. Un chômeur s'est en outre immolé par le feu jeudi devant un bâtiment administratif de Tebessa, ville algérienne située à 700 km à l'est de la capitale, pour protester contre ses mauvaises conditions de vie, ont rapporté hier le quotidien algérien el-Khabar et la radio publique. Une centaine de jeunes gens ont manifesté à la suite de son décès. En Tunisie, la révolte avait eu pour point de départ la tentative de suicide par le feu, le 17 décembre à Sidi Bouzid, d'un chômeur de 26 ans, Mohammad Bouazizi. En Jordanie, des milliers de personnes ont manifesté vendredi dans plusieurs villes pour protester contre le chômage et l'inflation, mais aussi réclamer la chute du gouvernement. Dès vendredi soir des dizaines d'Égyptiens se sont également joints au Caire à un groupe de Tunisiens qui célébraient devant leur ambassade le départ de Ben Ali après 23 ans de règne. « Écoutez les Tunisiens, c'est votre tour les Égyptiens », scandaient les manifestants. Au Yémen, un millier d'étudiants ont manifesté hier à Sanaa, appelant les peuples arabes à se soulever contre leurs dirigeants et scandant : « Tunis de la liberté, Sanaa te salue mille fois. » Et à Khartoum, des partis d'opposition soudanais ont plaidé hier pour la « fin du régime totalitaire » et demandé la démission du ministre des Finances jugé responsable de la hausse des prix des denrées alimentaires.
L'exemple tunisien montre aussi que le changement peut aussi venir des sociétés arabes elles-mêmes. « Il n'y a pas eu besoin d'une invasion comme en Irak. C'est une énorme leçon pour les régimes autocratiques », souligne également Amr Hamzawi, du Carnegie Center.
Mais même si le message venu de Tunisie est perçu haut et fort dans le reste du monde arabe, son impact à court terme et les risques de contagion restent difficiles à évaluer, soulignent certains spécialistes. Les incertitudes qui pèsent encore sur la transition tunisienne incitent aussi à la prudence, font-ils valoir. « Le message tunisien est très fort. Mais savoir si ce qui s'y est passé peut se reproduire ailleurs, en Algérie ou en Égypte par exemple, reste difficile », estime Amr al-Chobaki, de l'institut al-Ahram du Caire.
Le risque de voir les islamistes tirer profit de changements politiques est aussi largement invoqué par ces gouvernements. Par ailleurs, la capacité d'adaptation des régimes autoritaires arabes pour survivre ne doit pas non plus être sous-estimée, souligne M. Chobaki. La Tunisie, relève-t-il, est un pays où le régime ne laissait « aucune marge à la société civile ou à l'opposition », alors qu'en Égypte le système sait ménager de petites soupapes « qui permettent aux gens de se défouler » et de « retarder une explosion sociale ».
L'inquiétude perçait hier au Moyen-Orient après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, les gouvernements redoutant le chaos dans le pays et les oppositions appelant à s'inspirer de ce soulèvement populaire.« Nous sommes inquiets de la situation en Tunisie », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Ramin Mehmanparast. « Nous espérons que les demandes...

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