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Liban - Reportage-Presse

Au Liban, des opposants syriens "sur le qui-vive"

Le regard constamment à l'affût, Modab parle toujours à voix basse jusqu'à se faire pratiquement inaudible lorsqu'il prononce le nom de Bachar el-Assad, écrit Isabelle Dellerba correspondante de Libération.fr

Alors que personne ne sait comment la situation va évoluer en Syrie, les opposants à Damas se montrent relativement discrets, tandis que la plupart des Libanais préfèrent faire profil bas.

Cet opposant a fui la Syrie depuis trois semaines mais, même dans ce café branché du centre-ville de Beyrouth, il a encore peur d’être épié par les «moukhabarat», les services de renseignements syriens. «Vous savez que nous ne sommes pas en sécurité au Liban, nous devons faire attention», explique-t-il, avant de filer comme une ombre vers un autre rendez-vous.

Le pays du Cèdre est un refuge par défaut : facilement accessible mais peu sûr. Sous tutelle syrienne jusqu’en 2005, il a été l’objet d’un étroit maillage sécuritaire de Damas pendant vingt-neuf ans. Les soldats sont partis mais pas les hommes de l’ombre. La Syrie compte aussi de nombreux alliés locaux, au premier rang desquels le Hezbollah, qui dirige l’actuelle majorité parlementaire. «Je suis constamment sur le qui-vive, confie un jeune opposant arrivé en janvier. Je n’ai aucune envie de disparaître

Fin février, un premier cas de «disparition suspecte» alerte les organisations de défense des droits de l’homme. Jassem Meri Jassem, ouvrier syrien, est arrêté à Beyrouth par les services de renseignements de l’armée alors qu’il distribue des tracts appelant à des manifestations pour une démocratisation du régime baasiste. Le 25 mai, il doit être relâché au poste de police de Baabda, près de la capitale, mais il disparaît. Ses deux frères, venus le chercher, ne donnent plus signe de vie non plus. Quand sa femme appelle sur son portable, une voix inconnue lui répond : «Ils ont emmené Jassem en Syrie.» Depuis, la famille est sans nouvelles.

«Bizarre». Plus récemment, le 26 mai, le Conseil syrien des droits de l’homme signale la disparition de Chibli Ayssami, 87 ans, l’un des fondateurs du parti Baas. Cet opposant au régime, réfugié à l’étranger, était en vacances au Liban. Parti se promener, il n’est jamais rentré. «L’histoire est bizarre, tempère un analyste libanais. Il est très âgé. Je ne pense pas qu’il représentait une menace sérieuse pour le régime.» Une affaire «bizarre», mais qui alimente la psychose déjà réelle dans les milieux de l’opposition syrienne au Liban. «Les moukhabarat m’ont promis de me retrouver et de me tuer, explique un cyberactiviste entré illégalement au Liban, sans visa et dans l’impossibilité d’en ressortir. J’ai changé d’appartement, je ne donne ma nouvelle adresse à personne, je prends le maximum de précautions mais je ne peux pas faire grand-chose d’autre», lâche-t-il, résigné.

«La situation au Liban est, comme toujours, complexe et floue, estime Nadim Houry, directeur de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch à Beyrouth. «D’un côté, beaucoup d’opposants arrivent à travailler d’ici. Mais le pays n’ayant pas de politique officielle vis-à-vis des réfugiés syriens, leur statut reste très précaire.» Les autorités ont notamment laissé entrer des milliers de réfugiés. Quelques-uns ont été arrêtés, l’immense majorité n’a pas été inquiétée. La gestion de la crise syrienne semble se faire au coup par coup, sans ligne officielle tant le sujet est explosif au Liban. La division des élus locaux entre partisans et adversaires du régime de Bachar el-Assad empêche toute entente nationale.

Profil bas. Alors que personne ne sait comment la situation va évoluer en Syrie, les opposants à Damas se montrent relativement discrets, tandis que la plupart des Libanais préfèrent faire profil bas. Ainsi, le 24 mai, l’unique réunion de soutien aux manifestants syriens organisée à Beyrouth par des ONG et des militants des droits de l’homme a dû se tenir dans un vieil entrepôt après le refus d’une cinquantaine d’hôtels.

Depuis l’attentat contre des Casques bleus italiens, le 27 mai, qui a fait 6 blessés, beaucoup redoutent que le régime syrien, aux abois, ne mette en œuvre ses menaces de déstabilisation régionale et n’utilise une fois de plus le Liban pour faire parvenir ses messages à des Occidentaux un peu trop pressants.

Cet opposant a fui la Syrie depuis trois semaines mais, même dans ce café branché du centre-ville de Beyrouth, il a encore peur d’être épié par les «moukhabarat», les services de renseignements syriens. «Vous savez que nous ne sommes pas en sécurité au Liban, nous devons faire attention», explique-t-il, avant de filer comme une ombre vers un autre rendez-vous.
Le pays du Cèdre est...

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