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Liban - Débat

250 intellectuels invitent Ahmadinejad à s’abstenir de considérer le Liban comme un avant-poste dans sa « bataille universelle »

À l'occasion de la visite du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, aujourd'hui, au Liban, près de 250 personnalités politiques, journalistes, universitaires, intellectuels et cadres supérieurs ont adressé au chef de l'État iranien une lettre ouverte dans laquelle ils lui rappellent que le Liban est un « pays de soutien », l'invitant à s'abstenir de considérer le Liban comme un avant-poste dans sa « bataille universelle » et mettant en garde contre l'émergence d'une « question chiite » au Liban et au M-O.

Nous craignons l’émergence d’une « question chiite » au Liban et au Moyen-Orient, souligne la lettre ouverte à Ahmadinejad.  Sharif Karim/Reuters

Quelque 250 personnalités politiques, intellectuels, journalistes, cadres supérieurs et membres de professions libérales ont adressé au président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, une lettre ouverte, à l'occasion de sa visite au Liban, à partir d'aujourd'hui, l'invitant à ne pas transformer le Liban en « avant-poste dans sa bataille universelle » contre Israël et les États-Unis, et rappelant par la même occasion qu'il avait été convenu au niveau des États arabes que le Liban serait un « pays de soutien » (et non de confrontation) dans le conflit avec Israël. Voici le texte quasi intégral de la lettre ouverte adressée à Ahmadinejad :
« Vous entamez une visite dans notre pays à l'invitation de notre président de la République, et nous espérons que votre visite constituera un appui à notre État souverain et indépendant, et à notre formule de coexistence, comme l'a été la visite de votre prédécesseur, le président Mohammad Khatami, qui avait laissé un impact très positif au niveau de tous les Libanais. Il reste que le devoir d'hospitalité nous impose aussi de faire preuve de sincérité et de franchise.
« La première chose que nous désirons relever dans le cadre de cette franchise est qu'une faction libanaise puise depuis longtemps sa force en vous pour faire face à l'autre faction ainsi qu'à l'État. Cela ravive, malheureusement, dans notre mémoire des aventures absurdes auxquelles se sont livrées plus d'une faction libanaise pendant plusieurs décennies. En outre, vous vous engagez sur la même voie que ceux qui vous ont précédé dans l'immixtion dans nos affaires internes, cette ingérence externe n'ayant pas pu être camouflée par les grands slogans ou les déclarations de bonne intention.
« À en croire certaines informations, vous placez votre visite sous le slogan de "l'appui au Liban dans la confrontation avec Israël et les États-Unis". Nous nous attendons à entendre de votre part des propositions visant à armer notre État et à lui accorder d'autres aides en vue de cet objectif que vous avez défini. À notre avis, votre soutien à l'État combiné à l'aide en armes et en argent que vous continuez à apporter à une faction interne revient à reprendre d'une main ce que vous donnez de l'autre. De ce fait, nous estimons que ce que vous pouvez donner de mieux au Liban, compte tenu de votre relation spéciale avec la résistance islamique, est de tenter de convaincre cette résistance de se placer sous la coupe de l'État. Le reste, ce sont des détails.
« Puisqu'il est question de confrontation avec les États-Unis et Israël, nous attirons votre attention sur le fait que vos propos portant sur "le changement de la physionomie de la région à partir du Liban", "la défaite des États-Unis sur la terre du Liban", et "l'éradication d'Israël par la force de la résistance islamique au Liban" ne reflètent en aucune façon le souci de préserver le Liban, de même qu'ils sont irréalistes. De tels propos donnent en outre l'impression que votre visite est celle d'un commandant supérieur qui inspecte ses premières lignes au front. Vous ne faites que réitérer le comportement des pays arabes pendant des décennies, lorsqu'ils ont transformé notre pays en seul terrain de confrontation avec Israël. Sauf que ces pays ont fini par réviser leur position et ont classé notre pays comme "pays de soutien" et non pas comme un "pays de confrontation". Quant à vous, vous ne semblez pas prêt à réviser votre position et vous insistez à nous considérer comme un avant-poste dans votre bataille universelle. »
Et de poursuivre : « Nous ne sommes pas de ceux qui cherchent à se débiner des impératifs du conflit arabo-israélien ou du soutien aux droits des Palestiniens. Personne au Liban n'a d'ailleurs une telle intention. Mais il est de notre droit de définir notre rôle à la lumière de notre perception concernant notre intérêt national, comme le font les pays qui se respectent, dont le vôtre. Nous définissons notre rôle et notre intérêt national en nous basant sur quatre points fondamentaux en tête desquels figure la sauvegarde de notre formule unique de coexistence, laquelle constitue notre message dans le monde et notre contribution à la stabilité internationale. Nous sommes également attachés au slogan "le Liban d'abord", non pas pour faire face à une quelconque partie, mais plutôt en réaction à notre stupidité passée qui consistait à accorder la priorité à tout au détriment de l'intérêt du Liban. Nous sommes aussi attachés au slogan "l'État d'abord" qui est notre seule voie nous permettant de construire un avenir stable pour tout le monde. Enfin, nous sommes attachés à tous nos engagements arabes et internationaux, dont notamment l'initiative arabe de paix et la résolution 1701, pierre angulaire de la sauvegarde du Liban. »

La question chiite
Et le document d'ajouter : « Nous craignons l'émergence d'une "question chiite" au Liban et au Moyen-Orient, à l'instar de la "question d'Orient" au début du siècle dernier, du fait de votre tendance à vouloir mettre la main sur la composante chiite dans certains pays arabes, dont le Liban. La franchise sur ce plan est de loin préférable au mutisme qui serait observé au sujet d'une affaire qui est unanimement ressentie dans notre région. Les chiites libanais sont une composante essentielle de notre société. Ils sont un partenaire vital dans notre "patrie définitive". Ils étaient les premiers à proposer de faire état de cette pérennité dans notre Constitution. Leur souci de préserver leur libanité n'est pas plus faible que le souci de toute autre composante du pays. C'est ce qu'ont prôné leurs leaders en différentes circonstances lorsqu'ils les ont qualifiés de "fenêtre culturelle ouverte sur le monde", comme le soulignait l'imam Moussa Sadr, ou lorsqu'ils les ont appelés à "s'intégrer totalement dans leur pays et à ne pas se laisser entraîner dans un projet propre à eux", comme l'a recommandé l'imam Mohammad Mehdi Chamseddine. Ces appels nobles sont en conformité avec l'essence de leur présence dans ce pays, au-delà des considérations politiques et des calculs conjoncturels. »
En conclusion, le document prône l'établissement de « relations d'État à État » entre les deux pays, soulignant que c'est « le droit international qui est garant de la souveraineté des États ».
Quelque 250 personnalités politiques, intellectuels, journalistes, cadres supérieurs et membres de professions libérales ont adressé au président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, une lettre ouverte, à l'occasion de sa visite au Liban, à partir d'aujourd'hui, l'invitant à ne pas transformer le Liban en « avant-poste dans sa bataille...

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