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Lifestyle - Société

L’embarras du Bhoutan moderne pour son art phallique ancestral

La préservation de la culture nationale est l’un des quatre piliers du « Bonheur national brut », un indicateur de développement inventé dans les années 70.

La culture bhoutanaise est très influencée par les valeurs bouddhistes. Adrees Latif/AFP

Au royaume himalayen du Bhoutan, le phallus, symbole ancestral peint sur les murs des maisons pour éloigner les esprits maléfiques, commence à se faire rare dans la capitale aspirant à plus de modernité. La disparition de ce motif traditionnel, que l’on croise encore partout à la campagne, souligne les profonds changements en cours dans un pays qui a réussi pendant des siècles à préserver sa culture de l’influence extérieure. En effet, les premiers touristes étrangers n’arrivèrent qu’en 1974 et la télévision fut bannie jusqu’en 1999, de crainte de l’impact des valeurs occidentales sur un pays n’ayant jamais été colonisé, en dépit de sa position vulnérable entre l’Inde et la Chine.
À la périphérie de Thimphu, Tshewang Nidup est fier de ses pénis de deux mètres peints de chaque côté de la porte d’entrée de sa maison. « Le pénis est devenu un symbole important parce nous pensons qu’avec le phallus, le diable sera écarté », résume cet homme de 46 ans, père de six enfants. Il sert aussi de protection contre l’infertilité.
L’origine du phallus dans la culture bhoutanaise provient d’une figure mythique appelée Drukpa Kunley, connu sur le nom de « Divin fou ». Ce sage tibétain aurait parcouru le pays en séduisant des femmes et en se battant contre le diable aux XVe et XVIe siècles. Considéré comme un saint national par les Bhoutanais, il aurait été doté d’un membre magique lui permettant de s’envoler dans les airs ou cracher du feu. « Il est venu et a dompté les démones en utilisant son pénis », assure M. Nidup, pieux bouddhiste et coauteur d’un ouvrage sur les proverbes bhoutanais. « Il méditait et produisait une chaleur interne qui transformait son phallus en une chaude barre de fer qu’il utilisait pour les brûler. » Mais à Thimphu, où les constructions d’appartements et de centres commerciaux sont en plein boom, les attitudes à l’égard de cette imagerie populaire ont changé. « Je pense que les gens ici se sentent un peu embarrassés », estime Dasho Karma Ura, chercheur au sein du Centre d’études bhoutanaises. « En ville, les gens sont beaucoup plus influencés par ce qui se ferait en Occident. Or ils ne voient ce genre d’images nulle part ailleurs. »
La préservation de la culture nationale est l’un des quatre piliers du « Bonheur national brut », un indicateur de développement inventé par l’ancien roi dans les années 70 et préféré au « produit national brut », fondé sur la croissance économique. Les Bhoutanais doivent être habillés en tenue traditionnelle dans les bureaux du gouvernement, la méditation a été introduite dans les écoles publiques et les festivals religieux sont largement encouragés.
Selon M. Ura, le changement d’attitude sur le phallus reflète l’écart croissant entre les jeunes et les vieux, entre les citadins et les ruraux. Mais environ 70 % des Bhoutanais vivent toujours à la campagne, et dans de nombreux villages, des phallus en bois continuent d’être utilisés lors de festivals religieux ou plantés dans les champs pour protéger le bétail. « En général, les gens ne réalisent qu’après coup ce qu’ils ont perdu. La culture du Bhoutan, influencée par les valeurs bouddhistes, est quelque chose de très précieux qu’il faut préserver », estime ce chercheur.
                       (Source : AFP)
Au royaume himalayen du Bhoutan, le phallus, symbole ancestral peint sur les murs des maisons pour éloigner les esprits maléfiques, commence à se faire rare dans la capitale aspirant à plus de modernité. La disparition de ce motif traditionnel, que l’on croise encore partout à la campagne, souligne les profonds changements en cours dans un pays qui a réussi pendant des siècles à...

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