Le président syrien Bachar el-Assad, confronté depuis plus de 15 mois à une révolte populaire réprimée dans le sang, a affirmé mardi que son pays était dans "une véritable situation de guerre", selon l'agence officielle Sana.
"Nous vivons une véritable situation de guerre et toutes nos politiques doivent être mises au service de la victoire", a-t-il déclaré lors de la première réunion du nouveau gouvernement syrien.
Il a d'autre part rabroué les pays qui lui demandent de renoncer au pouvoir en affirmant que l'Occident "prend et jamais ne donne, ce qui est démontré à chaque étape (du conflit)".
M. Assad, dont les interventions sont rares depuis mars 2011, refuse de reconnaître la révolte populaire qui s'est militarisée face à la répression, et l'assimile à du "terrorisme".
Le 3 juin, à l'occasion de la première session du nouveau Parlement, il s'était dit déterminé à étouffer la contestation "à n'importe quel prix", malgré l'isolement croissant de la Syrie et les sanctions adoptées par l'Union européenne et les Etats-Unis.
Plus tôt dans la journée, Burhan Ghalioun, une figure majeure de l'opposition syrienne, a affirmé à l'AFP s'être rendu mardi en Syrie pendant quelques heures, sa première visite au pays depuis plus de deux ans, où il a eu des "discussions avec les révolutionnaires".
M. Ghalioun, membre du bureau exécutif du Conseil national syrien (CNS), la principale coalition de l'opposition dont il a été président, a ajouté que sa visite avait constitué "un appui moral" aux rebelles, dans une déclaration par téléphone depuis la Turquie, juste après sa sortie du territoire syrien. "Cette visite est aussi une sorte de consolation à nos concitoyens qui ont été victimes des massacres et d'assassinats" des forces du régime, a-t-il ajouté.
M. Ghalioun a expliqué qu'il venait d'arriver en Turquie après sa visite en Syrie, où il s'est rendu dans plusieurs zones de la province d'Idleb (nord-ouest), frontalière de la Turquie et bastion rebelle.
Il a aussi souligné "les dangers de la visite, le bombardement ne s'arrêtant jamais. Mais nous avons pris nos précautions et nous nous sommes remis à Dieu".
Mais le régime "s'effrite à tel point qu'il ne parvient plus à contrôler quoique ce soit. Nous avons circulé dans plusieurs zones d'Idleb, et c'est clair que le régime perd le contrôle sur le terrain", a assuré l'ancien chef du CNS.
Ghalioun posant avec des rebelles syriens à la frontière turque.
Abdo/Reuters
Parallèlement, concernant la crise entre Damas et Ankara, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a prévenu mardi que son pays riposterait à toute violation de sa frontière par la Syrie, qui a abattu vendredi "sans aucun avertissement" un de ses avions de combat en Méditerranée.
"Les règles d'engagement des forces armées turques ont désormais changé. Tout élément militaire qui posera un risque et un danger de sécurité à la frontière turque venant de la Syrie, sera considéré comme un cible" militaire, a-t-il déclaré dans un discours au Parlement, où il a violemment condamné le régime syrien.
S'exprimant pendant près d'une heure devant les députés de son parti de la Justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), M. Erdogan a dénoncé un "acte hostile" et une "attaque lâche du régime (du président Bachar) el-Assad" contre la Turquie.
"Ce dernier événement montre que le régime d'Assad est devenu une menace claire et proche pour la sécurité de la Turquie comme pour son propre peuple", a-t-il déclaré. Le Premier ministre a également affirmé que le F-4 Phantom turc avait été abattu en mission d'entraînement dans l'espace international et non dans l'espace syrien, comme l'affirme Damas.
La Turquie, pays membre de l'Otan, ripostera "en temps opportun" et avec "détermination" à la chute de son avion. "L'amitié de la Turquie est précieuse mais son courroux est aussi féroce", a-t-il mis en garde, exhortant le régime syrien à ne pas mettre à l'épreuve les capacités des forces armées turques. "Personne ne doit penser que notre sang-froid (au sujet de cet incident) est un signe d'impuissance", a-t-il continué sous les ovations des députés.
M. Erdogan a ajouté que son pays continuerait de soutenir le peuple syrien jusqu'à la chute de la "dictature cruelle" du régime baassiste. "Le peuple syrien est notre frère. La Turquie soutiendra le peuple syrien de toutes les manières nécessaires jusqu'à ce qu'il se sauve de l'oppression, du massacre, de ce dictateur sanguinaire et de sa clique".
Le Premier ministre turc s'est déchaîné contre le régime
de Damas. Adem Altan/AFP
Parallèlement, l'Otan, réunie à la demande de la Turquie qui a invoqué l'article 4 du traité de l'Alliance prévoyant que tout pays membre peut porter une question à l'attention du Conseil quand il estime que son intégrité territoriale ou sa sécurité est menacée, a jugé mardi "inacceptable" la destruction de l'avion turc et exprimé son "soutien et sa solidarité" avec Ankara.
Sur le terrain, des combats d'une violence inédite se déroulaient mardi autour de positions de la Garde républicaine syrienne dans la périphérie de Damas. L'armée syrienne affrontait depuis 04H00 (01H00 GMT) des rebelles à 8 km du centre de la capitale, à Qadsaya et al-Hama, autour de positions de la Garde républicaine, corps d'élite chargé de la sécurité de Damas et de ses banlieues, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Ce développement est important car il s'agit des combats les plus violents dans cette zone, et qu'ils se rapprochent du coeur de la capitale", a indiqué le président de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. "C'est la première fois que le régime a recours à l'artillerie lourde dans des combats aussi proches de la capitale", a-t-il ajouté.
Selon lui, les combats, qui ont débuté il y a plusieurs heures, se poursuivaient en milieu de journée, et les rebelles ont "fait exploser un canon de l'armée à l'entrée de Qadsaya". "Ces banlieues abritent des casernes de troupes très importantes pour le régime à l'instar de la Garde républicaine. C'est là aussi où habitent des familles d'officiers", a-t-il dit.
Par ailleurs, l'armée a pris d'assaut le quartier de Barzé à Damas avec des véhicules militaires lourds.
Le bilan des violences en Syrie s'alourdit sans cesse à mesure que s'intensifient les bombardements de l'armée contre les bastions rebelles, avec 95 morts lundi, en majorité des civils, a indiqué l'OSDH. Parmi elles figurent quatre membres d'une même famille qui ont été "exécutés par balles et par des couteaux" à Deraa (sud).
La situation est aussi particulièrement difficile à Homs, où des habitants ont lancé un appel au secours, se disant victime d'"une purification ethnique", et accusant le régime alaouite de viser les quartiers sunnites.
La répression a fait, avec les combats, plus de 15.000 morts en plus de 15 mois selon l'OSDH.
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commentaires (5)
Yâ ilâhi haïdal Soûry ou Yâ ilééhé haïdass Soûréh ! En dialecte libanais pur jus : c'est le cri d'épouvante qui s'élève parmi eux chaque fois que la menace d'un déferlement "baassyrien" se précise à nouveau. C'est à se demander quels Syriens ils avaient bien pu fréquenter. En tous cas, tout ceci n’est que tout à fait compréhensible et humain après tout le mal que ces "baassyriens" ont fait aux Libanais Sains ; mais certainement pas aux autres Libanais "Malsains" qui avaient par contre entièrement collaboré, "eux" ; ya hassértééhh ! Pour ce qui est d'une éventuelle réconciliation avec la Syrie, il faut y adhérer même si, ce faisant, on se sépare de quelques bons amis…. Pour que le débat reste un tant soit peu objectif, l'objection selon laquelle une réconciliation avec la Syrie achèverait de rendre illusoire tout renforcement de l’indépendance du Liban est hélas, il faut l’admettre, tout à fait irréfutable ! Mais même sans cette réconciliation avec la Syrie, il faut admettre que cette indépendance est d'ores et déjà écornée. Les atteintes à l'indépendance, c'est lors des événements précédents de leur propre histoire que les Libanais les avaient consolidés et avaient choisi de ne point les éliminer ; les condamnant du même coup à des alliances dures à géométrie variable rendues indispensables.... La réconciliation avec la Syrie ne les rendra ni plus ni moins aisés à éviter ; yâ waïylééhh !
Antoine-Serge KARAMAOUN
04 h 33, le 27 juin 2012