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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’hystérie (suite)

Lorsqu'en 1885, en stage chez Charcot à la Salpêtrière, Freud l'entendit dire à propos de l'hystérie : « C'est toujours la chose génitale, toujours, toujours, toujours », il fut scandalisé. L'importance de la réaction de Freud tient au rejet de la sexualité comme cause. À l'époque, Freud, comme tout un chacun, ne pouvait accepter cette explication. Pourtant, des références en la matière comme Joseph Breuer « c'est toujours une question d'alcôve », et Rudolf Chrobak, gynécologue « Penis normalis, dosim repetatur (pénis normal à dose répétée) » avaient le même point de vue que Charcot. L'hystérie avait pour cause une sexualité frustrée. On n'est pas loin du mythe de l'utérus baladeur.

Ces points de vue n'étaient pas de purs points de vue scientifique au sens où on peut les réfuter. De même, le refus par Freud n'est pas non plus un point de vue scientifique. Car s'il n'était pas encore prêt à entendre cela, il en était surtout écœuré. Aucun point de vue différent du sien ne peut écœurer un chercheur, et le refus de Freud de lier hystérie et sexualité était une pure résistance de sa part. Une résistance subjective à accepter de reconnaître que sa propre sexualité était à l'origine de ses symptômes.

Lorsqu'il sera prêt à reconnaître sa propre sexualité comme cause de ses symptômes, il anoblira l'hystérie : les symptômes de l'hystérie ne sont pas dus à des abus sexuels dans l'enfance, ils sont le produit de fantasmes inconscients dont le noyau est un désir incestueux inconscient. Malgré cela, Freud va se tromper sur la nature de l'objet du désir dans l'hystérie. Ida Bauer ou Dora (dans le texte publié) fut, en 1900, la première grande analyse menée par Freud.

Freud venait donc d'abandonner la théorie de la séduction pour celle du désir inconscient : c'est le désir inconscient qui organise le fantasme de l'hystérique, précisément son fantasme d'être séduite. Si l'hystérique raconte qu'enfant elle a été séduite par son père et si Freud a d'abord cru à la réalité historique de cette séduction, il est clair pour lui – entre 1900 et 1905 (date de la parution de l'article dans Cinq psychanalyses) – que ces scènes de séduction sont le produit du désir de l'hystérique. Autrement dit, si l'hystérique raconte qu'elle a été séduite par son père, c'est tout simplement parce qu'elle désire l'être. Freud a compris qu'il est plus facile pour l'hystérique de penser qu'elle désire son père parce que ce dernier l'a séduite, enfant, que de se confronter avec son propre désir de le séduire. Ce pas franchi par Freud est énorme : avec lui, c'est toute la portée du désir inconscient qui voit le jour et ensuite rien moins que la découverte de la psychanalyse.

Mais, ce pas franchi, Freud est aveuglé par une autre théorie, celle-là précisément qu'il a découverte cachée derrière la théorie de la séduction : la théorie du désir œdipien. Et c'est avec cette théorie qu'il allait écouter Dora. Tout ce que cette patiente lui racontera sera ramené par Freud à son attachement œdipien envers son père. Or, ce n'est pas Mr K., l'ami du père, dont la femme est courtisée et aimée par le père de Dora, qui intéresse la jeune patiente. C'est la femme de Mr K., Mme K. elle-même qui intéresse Dora. Pour ne pas l'avoir compris et pour avoir réduit l'intérêt de Dora à un désir œdipien pour le père, désir déplacé sur Mr K. puis sur Freud lui-même dans le transfert, la cure sera interrompue par la patiente.

Lorsqu'en 1923, Freud se penche à nouveau sur le cas, il reconnaît avoir méconnu l'homosexualité de Dora : ce qui intéresse la patiente, ce qui cause son désir, ce n'est pas Mr K., mais sa femme. Et c'est pour cette raison que la gifle de Dora à Mr K. est devenue légendaire dans la clinique de l'hystérie : au moment où, courtisant la jeune fille et croyant la persuader qu'il ne trompait pas sa femme, Mr K. lui dit : « Ma femme n'est rien pour moi », Dora le gifle et s'enfuit. La gifle et l'arrêt de la cure ont la même signification : ni Mr K. ni Freud n'ont compris ce qui attirait la jeune fille. À ce titre, nous pouvons dire que l'arrêt de la cure est une leçon que peut donner une hystérique à son analyste, de la même manière que la gifle représentait une leçon au courtisan.

Mais Dora est-elle mue par un désir homosexuel vers Mme K. ? Que veut donc Dora ? Que veut la femme hystérique? Que veut la femme ?
Depuis la rectification, apportée par Freud lui-même, en 1923 au cas de Dora, il est devenu classique de considérer que la question de l'hystérique s'énonce ainsi : « Suis-je une femme ou suis-je un homme ? »
Nous verrons cela la prochaine fois.

 

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