Le Hezbollah se garde prendre position sur l'attentat contre la Blom Bank à Verdun. Il continue ainsi à faire l'objet des soupçons en attendant les résultats de l'enquête menée par les services de renseignements des FSI, à la demande du procureur général près le tribunal militaire, Sakr Sakr. Ce silence alimente toutefois la confusion et l'inquiétude chez certains observateurs, dans la mesure où il tranche avec les condamnations exprimées par la quasi-totalité des forces politiques du pays.
De toute évidence, l'attentat a visé la stabilité financière et sécuritaire du pays. Mais il comporte des messages multidirectionnels et n'est pas à dissocier des développements en Syrie, puisqu'il s'est produit à un moment charnière où la communauté internationale étudie les possibilités d'un compromis politique nécessaire pour la fin des opérations militaires – alors qu'il est question d'une escalade militaire qui pourrait avoir des effets secondaires sur le Liban pour forcer un tel compromis – dans le cadre d'une réunion à Moscou regroupant Vladimir Poutine, Ban Ki-moon et Staffan de Mistura.
Dans ce cadre, l'attentat serait lié à une volonté de la part de certaines parties au conflit de se garder une place à la table des négociations qui leur préserverait leur rôle et leur influence. Des contacts seraient en effet menés à l'heure actuelle pour intégrer l'Iran au groupe international qui planche sur le dossier syrien dans le but de débloquer la présidentielle au Liban. Une proposition qui se heurte encore à la résistance de pays arabes et de puissances internationales, dont les États-Unis. Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif devrait se rendre à Paris les 20 et 21 juin, une semaine avant l'héritier en second du trône saoudien, Mohammad ben Salmane, qui sera le 27 juin dans la capitale française.
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Pour un diplomate, cependant, l'attentat de Verdun ne changera rien à la position des banques, car celles-ci n'ont qu'un seul choix, celui d'appliquer les sanctions, dans l'intérêt du Liban et de sa réputation à l'étranger, ainsi que pour protéger le secteur bancaire, la livre et la stabilité. Le Liban ne peut pas sortir de la finance mondiale, et ignorer les sanctions américaines conduirait à le transformer en pays paria sur le plan financier, avec toutes les répercussions que cela aurait sur la livre et sur la stabilité monétaire.
Dans les cercles diplomatiques, l'on se félicite de la manière avec laquelle le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, gère ce dossier pour protéger les banques et préserver la stabilité monétaire, économique et financière du pays. Les concertations sérieuses au Grand Sérail entre Tammam Salam, Riad Salamé, Joseph Torbey, Ali Hassan Khalil et Chadi Karam, au lendemain de l'attentat, auraient donné leurs fruits : la situation est retournée au calme, tout le monde ayant comme priorité d'empêcher l'escalade et de préserver la stabilité. Même le Hezbollah n'a pas intérêt à poursuivre l'escalade. Au contraire, la BDL, les banques et le parti chiite coordonneront leur action pour traverser l'étape à venir avec le moins de dégâts possible, le Liban ne pouvant faire face à des sanctions qui visent à combattre le terrorisme. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, devrait d'ailleurs s'exprimer prochainement sur cette question.
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Inutile de dire que le blocage institutionnel a contribué à fragiliser la scène interne. L'ambassadeur du Liban à Washington avait déjà prévenu en 2014 que des sanctions étaient à l'étude. Si le Liban avait un chef de l'État, il aurait agi très tôt pour contenir ces pressions. Or la réaction libanaise est venue trop tard, après la loi imposant les sanctions. L'attentat de Verdun devrait pousser les leaders libanais à se hâter d'élire un président de la République pour qu'il y ait un pouvoir politique en bonne et due forme, et un gouvernement productif, loin de la fonction du pyromane à laquelle se trouve désormais cantonné Tammam Salam au sein de son cabinet.
Pour en revenir à la Blom Bank, nul n'a intérêt à poursuivre l'escalade. Le dossier a été retiré de la scène médiatique et politique. C'est désormais au secret que la BDL, les banques et le Hezbollah poursuivront leurs concertations pour gérer la prochaine étape. La stabilité financière et sécuritaire est en effet une ligne rouge et ne saurait être remise en question en raison d'un seul événement. Le ministre de la Défense Samir Mokbel insiste, dans ce cadre, sur le fait que la sécurité est sous contrôle et qu'il n'y a pas de raison pour s'inquiéter.
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commentaires (8)
"Inquiétant" ? Que nenni ! Rien : Thé - Eau - Zed, même.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
19 h 44, le 18 juin 2016