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À La Une - liban

Attentat contre la Blom à Beyrouth : ce qu'en dit la presse libanaise

Les principaux journaux semblent unis dans leur appel à protéger le secteur bancaire mais divisés sur la mise en cause du Hezbollah.

Une puissante explosion s'est produite dimanche 12 juin 2016 près du siège de la Banque du Liban et d'Outre-Mer (Blom Bank), l'une des plus importantes du pays, dans la région de Verdun, à Beyrouth. REUTERS/Mohamed Azakir

Au lendemain de l'attentat qui a visé dimanche soir le siège de la Banque du Liban et d'Outre-Mer (Blom Bank) à Beyrouth, une première contre le secteur bancaire qui constitue le pilier de l'économie libanaise, la presse semble unie dans son appel à protéger ce secteur mais divisée sur la mise en cause du Hezbollah.

Le fait qu'une banque soit visée intervient en effet dans un contexte particulier. Depuis l'adoption du "Hezbollah International Financing Prevention Act of 2015" (Hifpa 2015), voté fin décembre par le Congrès américain, les banques libanaises sont sous pression.

L'application des sanctions américaines contre le parti chiite et ses soutiens financiers implique en effet la fermeture des comptes liés au Hezbollah. Mercredi dernier, le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a confirmé lors d'une interview accordée à la chaîne américaine CNBC qu' "environ cent comptes bancaires liés au Hezbollah selon l'OFAC (le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain)" avaient été clôturés ou "gelés", tout en précisant que "de par la loi (...), les banques ont l'obligation de fermer (ces) comptes immédiatement sans besoin d'autres formalités". Des déclarations qui ont provoqué l'ire du bloc parlementaire du Hezbollah qui s'en est à nouveau pris au gouverneur de la banque centrale et à la BDL : "La dernière prise de position du gouverneur de la Banque centrale est ambiguë et suspecte. Elle traduit une tendance à soustraire la politique monétaire des garde-fous de la souveraineté nationale et, par conséquent, nous la rejetons en bloc et dans ses détails".

Ci-dessous, une revue de presse des principaux journaux libanais au sujet de l'attentat d'hier.

 

"La solidarité avec les banques, un devoir national"
La situation après l'attentat contre la Blom Bank ne sera plus comme avant l'attaque, lance d'emblée le quotidien an-Nahar, proche du 14 Mars. "Les répercussions sur le secteur bancaire, le plus résistant de l'économie libanaise, ne tarderont pas à apparaître à l'ombre de pressions locales et internationales déstabilisant le travail de ce secteur", écrit le quotidien. Pour an-Nahar, l'attaque est "clairement un message aux banques". Le choix de la Blom n'était pas un hasard, poursuit le journal, cet établissement étant celui qui applique le plus les sanctions américaines contre le Hezbollah. Le but pour an-Nahar est d'"attiser le conflit entre le secteur bancaire en général et le Hezbollah" qui avait haussé dernièrement le ton contre les banques.

Pour Nayla Tuéni, rédactrice en chef d'an-Nahar, "l'attentat profite à beaucoup de parties, ennemis et frères. Tous ont intérêt à semer le chaos au Liban et à détruire son économie à travers la déstabilisation du secteur bancaire". Mme Tuéni appelle à "mettre en échec ce plan visant à affaiblir le secteur qui a aidé et aide encore le Liban à résister". Et de conclure : "Si les sanctions américaines contre le Hezbollah ont nui aux relations internes avec les banques, l'exagération dans l'attaque contre ce secteur sert les intérêts d'Israël en premier lieu (...) La solidarité avec les banques libanaises, qu'elles soient victimes ou bourreaux, est un devoir national et une résistance financière afin de prévenir que le toit ne s'effondre sur la tête de tous, dont le Hezbollah". 


(Voir : Attentat contre la Blom Bank à Beyrouth : les images)


"Un nouveau 7 mai"
Si le quotidien an-Nahar ne met pas directement en cause le parti chiite dans l'attentat conte la Blom, le quotidien al-Moustaqbal, organe du Courant du futur de Saad Hariri, n'y va pas par quatre chemins. Le journal souligne ainsi que le "message explosif a été précédé par des messages envoyés par le biais des médias et d'autres messages mis en ligne pointant le doigt vers le Hezbollah". Le dernier message en question, poursuit al-Moustaqbal, est parvenu à travers "un rapport publié par l'agence iranienne Fars deux heures avant l'attentat et contenant une menace claire d'un nouveau 7 Mai, attribuée à un proche du Hezbollah".

Selon ce rapport de l'agence Fars, cité par al-Moustaqbal, "la confrontation est devenue quasi certaine entre le Hezbollah et les banques". Toujours selon ce rapport, "le Hezbollah veut que cette confrontation soit uniquement avec lui, sinon nous serons face à des réactions prévues et imprévues". Dans ce document, poursuit al-Moustaqbal, il est question d'une mise en garde contre "l'effondrement du secteur bancaire, premier résultat de l'effondrement politique". "Si l'entourage du Hezbollah n'était pas exclu de cette confrontation et si cette dernière n'était pas directe avec le parti chiite, nous serions à la fin face à un nouveau 7 mai, et peut-être un nouveau 25 mai (anniversaire de la libération du Liban-Sud, ndlr)".

 

(Lire aussi : Ils ont dit... en réaction à l'explosion devant la Blom Bank)

 

"Le Hezbollah, la première victime"
Le quotidien as-Safir, proche du Hezbollah, rejette pour sa part en bloc la mise en cause du parti chiite dans l'attentat,estimant que "rien n'est plus facile que cette supposition immédiate". Pour as-Safir, il s'agit de "l'explication simpliste qui répond à l'appel des instincts latents sans effort d'étude plus approfondie des motifs de cette attaque suspecte".   
Selon le quotidien, la partie qui se tient derrière cet attentat voulait en premier lieu "investir dans le conflit opposant les banques au Hezbollah dans le but d'agrandir le fossé entre eux et de placer le parti chiite dans le collimateur et de pointer les accusations contre lui". Le journal met en garde contre les répercussions d'un tel plan sur la scène locale, notamment l'exacerbation des tensions confessionnelles et politiques qui pourraient mener au conflit que le Liban a jusque là réussi à éviter".

Pour l'éditorialiste d'as-Safir, Talal Salmane, les organisateurs de l'attentat ont un but précis : "Frapper l'économie libanaise et en faire assumer la responsabilité au Hezbollah de sorte que les Libanais voient dans le parti chiite une menace contre leur vie quotidienne".
"Les victimes de cet attentat sont le Liban et toutes ses institutions, politiques, militaires, financières et sociales, donc tous les Libanais", poursuit M. Salmane. Selon lui, "le vide au sein du pouvoir, et non seulement à la tête de l'Etat, aide celui qui veut nuire au Liban à frapper n'importe quelle cible (...) dans le but de déclencher l’explosion. Il lui sera alors facile d'accuser le Hezbollah d'être le responsable d'une telle situation alors qu'il en est la première victime".

"Encore une fois, nous pouvons affirmer que cet attentat contre une des plus grandes banques du Liban est, de par ses conséquences, plus dangereux que n'importe quelle attaque menée par les missionnaires de la mort qui appartiennent à Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique)", écrit encore M. Salmane. Selon lui, "les accusations qui vont fuser contre le parti chiite rendront service à l'organisateur et l'instigateur de l'attaque qui a choisi son but avec beaucoup de précision et d'hypocrisie : d'une part il sera innocent et d'autre part son crime contre le Liban mènera à un conflit interne nuisible au pays et à tous les Libanais".


"Couvrir les suspects"
Même son de cloche de la part du quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, qui met sur le tapis l'hypothèse d'une cinquième colonne qui veut tirer profit des tensions actuelles pour semer la discorde. "Alors que le Hezbollah est entré en confrontation avec le secteur bancaire (...), une tierce partie a décidé en ce moment précis de mener un attentat terroriste contre la Blom Bank afin de placer le parti chiite sur le banc des accusés dans une tentative de l'encercler par la discorde, après les sanctions", écrit le quotidien.

Dans son éditorial de lundi, le journaliste Ali el-Amine estime que "puisque l'identité de l'accusé a été préétablie, il est logique que les adversaires de cet accusé soient également suspectés d'être derrière cet acte criminel". "Ne pas prendre cette hypothèse sérieusement en considération dans l'enquête, que ce soit par la direction de la banque, les responsables ou les services de sécurité, reviendrait à couvrir les suspects".

 

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Au lendemain de l'attentat qui a visé dimanche soir le siège de la Banque du Liban et d'Outre-Mer (Blom Bank) à Beyrouth, une première contre le secteur bancaire qui constitue le pilier de l'économie libanaise, la presse semble unie dans son appel à protéger ce secteur mais divisée sur la mise en cause du Hezbollah.
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