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Culture - Bipod 2016

En avant, marche sous le signe de Sisyphe...

Pieds nus, en jeans, t-shirts et vêtements « casual », ils sont, dans leurs mouvements agiles et fluides, la métaphore même de la vie. Entrez dans la ronde pour un moment de plaisir et de réflexion. Il s'agit du spectacle de la compagnie de danse suisse Alias. Un spectacle certes un peu long et redondant, mais qui en dit plus qu'il n'en a l'air...

Photo Jean-Yves Genoud

Dix-huit jeunes gens, garçons et filles confondus, dans le vent. La scène comme une rue passante à sens unique...
La lumière chute graduellement sur leurs corps bien rodés à aller dans tous les sens. Des corps qui sont là pour représenter, en toute (fausse) simplicité, toute traversée humaine. Une énigme. Pour soi et pour les autres. Où allons-nous ? Que faisons-nous ? Nous sommes tous jetés sur la route de la vie, dans le sillage de Sisyphe qui roule sa bosse et sa pierre. Dans un inlassable et perpétuel recommencement.
Sous la férule du chorégraphe Guilherme Bothelho et dans l'écrin sonore de la musique électro répétitive (souvent assourdissante, parfois à la présence discrète) du Mexicain Murcof, les danseurs, en un groupe disséminé, divisés en cohortes solitaires, envahissent et traversent de part en part (direction de gauche à droite !) l'aire scénique nue.
Comme des escargots, des tarentules ou des quadrupèdes ployant l'échine, ces danseurs se redressent lentement, passent, repassent, glissent, culbutent, se vautrent, marchent, roulent, rampent, courent, flânent, musardent, rêvassent, rarement s'arrêtent, s'élancent, se côtoient, se frôlent, s'écartent, tanguent comme des toupies, font la course avec des jambes d'acier comme des gymnastes...
Toute la panoplie du mouvement, en un rythme changeant et varié, est adroitement exploitée. Et exposée.

 

(Lire aussi : « La chorégraphie de masse, une question de détails »)

 

Sous une pluie horizontale
Flot humain qui s'ébranle en un flux à la fois prévisible et imprévisible. Comme cette pluie horizontale (traduction du titre Sideways rain qui fait le haut de l'affiche du spectacle) que l'on voit battre les vitres et les paysages. Les corps, comme des gouttes d'eau dans la marée humaine ou des lettres jetées sur le papier, sont l'essence et la texture de cette métaphore de la vie. La vie, jamais claire, toujours insaisissable, irrémédiablement en fuite.
Car comment expliquer le sens d'une vie ? À chacun sa vérité, sa part de soleil et ses coins sombres. Comme les eaux d'une rivière qui coule restent mystérieuses. Et nul, dixit Héraclite, ne se baignera deux fois de suite dans la même eau... C'est cette vision qu'offrent ces jeunes sous les spots. À la fois libres et embourbés. Lestes et emportés par le courant.
Représentation ni gaie ni triste, mais surtout empreinte de ce débordement d'agitation habilement orchestrée et mise sur rails pour une cohérence et perception expressive. Pour des questionnements existentiels qui dépassent les êtres. La danse n'a certes pas de réponses, mais elle peut offrir un reflet à lecture multiple. Danse et vie sont si intimement liées.

 

Telle une poudre d'ailes de papillons
Et ce regard n'a pas échappé au chorégraphe qui a ajouté ces fils qui scintillent et font barrière ou confortent comme autant de liens, ténus et complexes, entre les êtres. Comme pour vouloir expliquer ce que les corps voudraient omettre de dire ou escamoter. Et pourtant, toute l'éloquence est dans cette fresque mouvante, mobile, innervée d'énergie...
Fresque subtile comme happée par un vent invisible mais laissant des traces, telle une poudre d'ailes de papillons que rien n'emprisonne. Des traces qui marquent par une certaine grâce et une certaine poésie le passage en flash, lent ou précipité, rangé ou désordonné, de ces gens qui tournent comme des images dans l'œil d'une lanterne magique. Toutefois, malgré la dynamique motrice sans faille qui l'anime constamment, le spectacle est un peu long. Car il use, même s'il y a un grain de fantaisie, jusqu'à la corde une même idée pourtant explicite dès le départ.


Sideways rains de la compagnie suisse Alias se donne ce soir aussi au théâtre al-Madina à 21h.

 

 

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