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Moyen Orient et Monde - Crise des migrants

Les réfugiés coincés en Grèce en attendant que l’UE décide de leur sort

Une ONG grecque, Mazi gia to Paidi, et Stefan Lehne, expert du Carnegie Europe sur les relations entre l'UE et les États membres, décryptent, pour « L'Orient-Le Jour », la situation de crise en Grèce.

Lundi , à l’ouest du village grec d’Idomeni. Photo Reuters

La crise humanitaire en Grèce a mis l'Europe au pied du mur. Déjà extrêmement déboussolé par l'arrivée massive de migrants et réfugiés clandestins sur ses îles, le pays est devenu en quelques semaines une sorte de « zone de quarantaine » de l'Europe. La fermeture de la route migratoire des Balkans, suite notamment à la décision de la Slovénie de ne plus laisser passer de réfugiés par son territoire, a rendu la situation intenable et ne résout en rien le problème, d'après la chancelière allemande Angela Merkel. L'Union européenne espère pouvoir compter sur la Turquie. Si son plan réussit, et que les détails de l'accord sont finalisés demain, lors du prochain sommet à Bruxelles, la réadmission en Turquie de tous les migrants arrivés clandestinement en Grèce sera alors lancée. En échange, les Européens s'engageraient à accepter un demandeur d'asile syrien sur leur territoire pour chaque réfugié syrien arrivé sur le sol turc. Si « beaucoup de détails sont en suspens », comme le rappelle à L'Orient-Le Jour Stefan Lehne, chercheur au Carnegie Europe, l'UE « espère arriver à un plan plus complet la semaine prochaine ». Non seulement la Turquie réclame « 3 milliards d'euros de plus que les 3 milliards déjà promis par l'Union européenne », mais Ankara « souhaite également que le chapitre de son adhésion (à l'UE) s'ouvre par la même occasion », poursuit le chercheur. Selon lui, les négociations promettent d'être « très compliquées ». La semaine dernière, à Genève, le haut-commissaire de l'Onu aux Droits de l'homme a fait part de ses « graves inquiétudes » face au projet d'accord entre l'UE et Ankara, et a jugé « illégales » les futures expulsions collectives. Plusieurs membres des 28 ainsi que de nombreuses ONG ont notamment pointé du doigt d'éventuelles compromissions avec le régime du président turc Recep Tayyip Erdogan, loin de faire l'unanimité, et ce particulièrement sur la question des droits de l'homme. « Je ne suis pas très confiant quant au plan UE-Turquie, car il est assez controversé et pourrait ne pas fonctionner », juge Stefan Lehne.

 

(Lire aussi : En Grèce, le secteur touristique veut faire oublier les réfugiés)

 

«Ensemble pour les enfants »
Pendant ce temps, les tergiversations stratégiques de l'UE, totalement désaccordée, continuent de faire payer un lourd tribut à une Grèce entièrement livrée à elle-même. « J'ai l'impression que l'UE essaie de faire de la Grèce un grand hot-spot (centre d'enregistrement et de sélection des migrants, NDLR). Pour l'instant, la population se montre serviable et généreuse envers les migrants, mais quand on parle du gouvernement, c'est une autre histoire », estime de son côté Maria Hatzinikolaki, directrice des programmes et des levées de fonds de l'ONG Mazi gia to Paidi (Ensemble pour les enfants). Créée il y a plus de 20 ans, l'association vient en aide aux plus vulnérables, les enfants malades, exclus socialement ou vivant au sein de familles à problèmes. Mais depuis que la crise des réfugiés a pris une ampleur considérable sur le territoire grec, l'ONG a dû s'adapter en lançant de nombreuses initiatives afin de venir en aide aux jeunes migrants. « Nous avons reçu une grande donation de chaussures neuves récemment. Les réfugiés en ont besoin puisqu'ils passent leur temps à marcher, et qu'ils sont tout le temps trempés », raconte Mme Hatzinikolaki. Plus de 25 000 paires leur ont été offertes. Avec une équipe réduite, l'ONG n'a pas d'employés fixes au sein des camps, mais s'y rend autant que possible pour distribuer le matériel reçu. À Athènes aussi, le manque de structures est criant. « Le gouvernement n'est pas organisé du tout. Les réfugiés qui attendent le bus pour Idomeni (principal camp à la frontière avec la Macédoine), sur le port du Pirée ou sur la place Victoria, sont livrés à eux-mêmes », poursuit-elle. Seuls quelques volontaires ou quelques employés de Médecins sans frontières (MSF) s'y rendent. « Les réfugiés dorment à même le sol et beaucoup d'enfants tombent malades », témoigne Maria Hatzinikolaki.

 

(Lire aussi : Tusk aux migrants économiques : « Ne venez pas en Europe »)

 

Solidarité grecque
À Idomeni, la situation serait « tragique ». Avec plus de 12 000 réfugiés sur le site, les conditions sont déplorables. « Ils vivent dans des tentes, et il pleut tout le temps, les enfants restent trempés. Il y a de la boue partout et pas de sanitaires », raconte-t-elle. Seuls quelques réfugiés peuvent passer la frontière, si leurs papiers sont en règle : « Si un réfugié dit qu'il vient de Damas, les gardes ne le laissent pas passer car "il n'y a pas de bombardements" ». Seule une poignée d'entre eux, prouvant qu'ils viennent de zones de guerre, obtiendraient la permission de poursuivre leur périple vers l'Europe du Nord.Mazi gia to Paidi peut compter sur la solidarité grecque pour tenter d'atténuer les souffrances des réfugiés. Mais aucune aide du gouvernement ne leur parvient. Seuls des dons privés de citoyens et d'entreprises, ainsi que des dons de l'étranger, lui permettent de poursuivre ses activités, achetant, au besoin, les produits qu'elle n'a pu trouver gratuitement. « La solidarité des Grecs est impressionnante. Chaque semaine, nombreux sont ceux qui répondent à nos appels de dons et apportent ce qu'ils peuvent, comme de la nourriture ou des vêtements. Il y en a aussi qui se portent volontaires pour aller les distribuer dans les camps », confie Maria. « Au final, ce sont des enfants comme les autres. Ce qui est impressionnant, c'est de constater que, malgré le fait qu'ils aient connu la guerre et l'exil, ils nous sourient, jouent volontiers avec nous et sont enclins à communiquer », conclut-elle.

 

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