Depuis la fin du mandat de Michel Sleiman, le 26 mai 2014, 35 séances parlementaires consacrées à l'élection d'un nouveau président de la République ont été convoquées. Faute de quorum, aucune n'a abouti. Ce mercredi 2 mars a lieu la 36e séance.
Après plusieurs mois de manœuvres, deux candidatures, issues du 8 Mars, se détachent. Face à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, soutenue par le leader du courant du Futur, Saad Hariri, et le président de la Chambre, Nabih Berry, se dresse celle du fondateur du Courant patriotique libre, Michel Aoun, appuyée par le Hezbollah et les Forces libanaises.
A ces candidatures, s'ajoute celle du député du bloc parlementaire de la Rencontre démocratique, Henri Hélou, soutenu par le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt.
Michel Aoun
Avec l'élection présidentielle, Michel Aoun relève, à 81 ans, le dernier défi de sa carrière politique, débutée en 1988 en pleine guerre civile. Lorsque le président de l'époque, Amine Gemayel, le nomme président du Conseil des ministres, le général dirigeait l'armée libanaise depuis quatre ans. A l'époque opposant farouche de la Syrie, qui impose sa tutelle sur le Liban en contrepartie de son soutien aux États-Unis lors de la guerre du Golfe, M. Aoun doit quitter le pouvoir et s'exiler en France en 1991.
C'est sur la toile de fond de cette lutte contre l'occupation militaire et la tutelle politique de Damas que Michel Aoun lance en 1992 sa formation politique, le Courant patriotique libre (CPL), rassemblant pendant plus d'une décennie ses partisans qui agissent clandestinement au Liban. La manifestation géante du 14 mars 2005 contre la tutelle, et le retrait des troupes syriennes qui l'a suivie, marquent son retour sur le territoire libanais.
Mais après avoir été l'une des figures du mouvement ayant conduit à la manifestation du 14 mars, Michel Aoun rompt avec la coalition du même nom en 2005 et signe un mémorandum d'entente avec le Hezbollah en 2006 qui le rapproche des partis réputés proches de Damas. Certains évoquent une trahison, d'autres expliquent qu'il solde les comptes du passé pour bâtir l'avenir.
Le 18 janvier 2016, Michel Aoun renoue avec Samir Geagea, son grand rival au sein de la communauté maronite depuis la guerre civile, alors que le chef des Forces libanaises annonce son soutien à la candidature de l'ex-commandant de l'armée à la présidence.
Voici les proches, les partenaires et les opposants
qui composent l'environnement politique de Michel Aoun
LES NOUVEAUX DIRIGEANTS DU CPL
Gebran Bassil
Il est celui que Michel Aoun a désigné comme son successeur. Marié depuis 1999 à Chantal Aoun, la benjamine des filles du fondateur du CPL, l'actuel ministre des Affaires étrangères a pris la tête du parti en août 2015, après le retrait de la candidature du député Alain Aoun. Âgé de 45 ans, cet ingénieur de formation a déjà dirigé le ministère des Télécommunications, entre 2008 et 2009, et celui de l’Énergie et de l'Eau, entre 2009 et 2013. Seule ombre au tableau, ses deux échecs lors des élections législatives de 2005 et 2009 lors desquelles il a été battu dans sa circonscription natale de Batroun.
Nicolas Sehnaoui
A 49 ans, il est le nouveau vice-président du CPL, chargé des affaires politiques depuis août 2015, à la faveur de l'accession de M. Bassil à la tête du parti et après plusieurs années de militantisme. Féru de nouvelles technologies et cultivant une image de jeune entrepreneur dynamique, cet héritier d'une grande famille d'Achrafieh, à Beyrouth, a été ministre des Télécoms de 2011 à 2014.
Rommel Saber
Propulsé à la vice-présidence du CPL, en charge des affaires administratives, cet homme jusque-là peu connu bien qu'ayant dirigé différents organes du parti, aura la charge de piloter la reconfiguration des instances internes du parti. Responsable pendant plusieurs années d'une société internationale de logistique et de fret, ce Libano-Américain a notamment dirigé les comités de l’éducation et des affaires financières au sein du CPL.
LES CADRES DU PARTI
Ibrahim Kanaan
A 53 ans, le député CPL du Metn, élu en 2005 et réélu en 2009, est l'un des piliers du bloc parlementaire du Changement et de la réforme. Président de la commission des finances et du budget au Parlement, ce juriste de formation a piloté, pour le compte du fondateur du CPL, le rapprochement du parti avec les Forces Libanaises, en multipliant les navettes entre Meerab, quartier général des FL, et Bkerké, siège du patriarcat maronite.
Alain Aoun
En se présentant à l'été 2015 face à Gebran Bassil lors des élections internes visant à désigner le successeur de Michel Aoun à la tête du CPL, le député de Baabda a cristallisé les voix dissonantes au sein du parti contestant le chef de la diplomatie libanaise. Cet épisode s'est achevé par son désistement en faveur de M. Bassil. Il siège, pour le compte du parti, au sein de la commission parlementaire sur la nouvelle loi électorale.
Pierre Raffoul
Pilote des différentes sections du parti sur le territoire libanais, le coordinateur général du CPL est l'un des symboles de la première génération des militants de Michel Aoun. Après avoir combattu au sein du Tanzim, une organisation paramilitaire ayant soutenu l'armée libanaise durant la guerre civile, il s'est naturellement rapproché de M. Aoun. Il s'exile au début des années 90 en Australie, d'où il coordonnera, avec d'autres, l'activité du parti à l'étranger.
Michel de Chadarevian
Le conseiller diplomatique de Michel Aoun et responsable des relations diplomatiques du CPL est présent lors de toutes les rencontres avec les représentants de pays étrangers. Ancien grand sportif, dirigeant de la Francophonie pongiste internationale, il a été le coordinateur général des Jeux francophones qui se sont déroulés à Beyrouth en 2009.
Antoun Souhaid
Apparaissant principalement au moment des élections au sein des universités auxquelles le parti attache une grande importance, le responsable de la section jeunes du CPL, toujours en première ligne des rassemblements organisés par le mouvement, a également la tâche de réunir et de construire une nouvelle génération de militants.
Salim Jreissati
Donnant lecture des communiqués du bloc parlementaire du Changement et de la réforme à l'issue de ses réunions hebdomadaires, l'ancien ministre du Travail, entre 2012 et 2014, est l'un des grands avocats du barreau de Beyrouth qui a notamment été membre du Conseil constitutionnel.
Ziad Abs
Ancien responsable de la jeunesse et des affaires estudiantines, arrêté à une trentaine de reprises entre 1990 et 2005, année au cours de laquelle il a participé à la coordination de la mobilisation du CPL durant la période dite de la "Révolution du Cèdre", ce cadre du parti, implanté dans le quartier d'Achrafieh, a participé aux négociations ayant précédé la signature du document d'entente entre le CPL et le Hezbollah.
LES RESPONSABLES DE MÉDIAS
Elias Bou Saab
A 48 ans, le ministre de l’Éducation nationale est, avec Gebran Bassil, l'un des deux ministres représentant le CPL au sein du gouvernement présidé par le Premier ministre Tammam Salam. Devenue la coqueluche des élèves avec ses décisions d'accorder des jours fériés en raison des mauvaises conditions météo, le mari de la chanteuse Julia Boutros et fondateur de l'université américaine de Dubaï a également contribué financièrement à la création de la chaîne de télévision OTV et de la station de radio Sawt el-Mada, qui relaient la voix du CPL.
Roy Hachem
A 54 ans, le président du conseil d'administration d'OTV, la chaîne de télévision du parti créée en 2007, est l'époux de Mireille Aoun, l'aînée des filles de Michel Aoun, qui a été élue dimanche 28 février au sein du conseil politique du CPL. Sous la houlette de cet ingénieur en télécommunications de formation, préférant la discrétion à la lumière, OTV est devenu le porte-voix incontournable des militants du CPL.
Jean Aziz
Présentateur d'une émission politique sur la chaîne OTV, dont il est le directeur de la rédaction, et chroniqueur pour le quotidien libanais Al-Akhbar, proche du Hezbollah, il a été nommé conseiller média de Michel Aoun.
L'ALTER EGO
Chamel Roukoz
Comme l'a illustré le rassemblement organisé en son honneur, le 15 octobre 2015, à l'occasion de son départ à la retraite, celui qui a dirigé pendant sept ans les très respectés commandos de l'armée libanaise s'est forgé une popularité évidente, particulièrement chez les sympathisants du CPL qui voient en lui une réincarnation du général Michel Aoun. Lequel pousse sa nomination en tant que prochain commandant en chef de l'armée. Marié depuis 2011 avec Claudine Aoun, la fille cadette du leader maronite, cet homme de 57 ans, discret et posé, originaire de Tannourine, dans le caza de Batroun, est intensément sollicité par les partisans du CPL pour franchir le pas et se lancer dans une carrière politique.
SES RELATIONS AVEC LES AUTRES LEADERS POLITIQUES LIBANAIS
Sleiman Frangié
La course à la présidentielle a gravement distendu les relations entre le chef du courant Marada et Michel Aoun, pourtant membre du même groupe parlementaire. "Comment (Michel Aoun) peut-il s'allier avec le responsable de la mort de mon père?", s'est interrogé Sleiman Frangié, dans des propos rapportés le 1er février dernier par le quotidien local As-Safir, au sujet de l'alliance entre Michel Aoun et Samir Geagea. M. Frangié accuse le leader des FL d'être l'un des responsables de l'assassinat de son père Tony, de sa mère Véra et de sa petite sœur Jihane, en 1978 à Ehden, au Liban-Nord.
Samir Geagea
Tournant la page d'une rivalité meurtrière vieille de deux décennies, le chef des FL a annoncé le 18 janvier son soutien à la candidature de Michel Aoun à la présidence. Un rapprochement spectaculaire qui brouille les lignes aussi bien au sein du 8 que du 14 Mars, amorcé en réalité depuis plusieurs mois, notamment avec la signature d'une déclaration commune d'intentions. Reste à savoir si ce rapprochement préfigure une alliance électorale qui pourrait se matérialiser lors des prochaines élections municipales et législatives.
Amine Gemayel
Deux mois avant que le fondateur du CPL ne transmette la direction de son parti à son gendre, Gebran Bassil, l'ancien chef de l’État quittait la présidence du parti Kataëb, laissant la place à son fils Samy qui a renvoyé dos à dos MM. Aoun et Frangié, annonçant le refus de son parti d'élire un candidat porteur du projet du 8 Mars. Candidat non déclaré à l'élection présidentielle, Amine Gemayel se présente comme un recours face au blocage persistant de l'échéance.
Hassan Nasrallah
Le 29 janvier, le secrétaire général du Hezbollah a réaffirmé son appui à la candidature à la présidence de Michel Aoun, malgré l'émergence de celle de Sleiman Frangié. Son soutien au fondateur du CPL ne s'est jamais démenti depuis la signature du document d'entente entre le parti chrétien et le parti chiite en 2006. Depuis 10 ans, les rencontres entre les deux leaders, dont les convergences sur les plans local et régional se renforcent, sont régulières.
Nabih Berry
Le 2 février dernier, le président de la Chambre, qui soutient officieusement la candidature à la présidence de Sleiman Frangié qualifiait l'annonce du soutien de Samir Geagea à la candidature de Michel Aoun, de "manipulation". Les relations du président de la Chambre avec Michel Aoun n'ont jamais été chaleureuses, au point que le fondateur du CPL a dit de lui en 2009 qu'il était "l'allié de son allié", à savoir le Hezbollah qui, de son côté, s'est efforcé ces dernières années d'aplanir les différends entre les deux hommes.
Saad Hariri
Alors qu'il avait entamé, en 2014, un dialogue avec Michel Aoun, laissant la porte ouverte à un soutien à sa candidature à la présidentielle, le leader du courant du Futur a finalement annoncé son soutien à la candidature de Sleiman Frangié, s'imposant ainsi comme le principal faiseur de roi.
Walid Joumblatt
S'il a un candidat officiel, Henri Hélou, le leader druze a salué à la fois l'initiative de Saad Hariri pour la candidature de Sleiman Frangié et l'accord de Meerab scellant le soutien de Samir Geagea à la candidature de Michel Aoun.
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commentaires (9)
Michel Aoun promet le changement? Il devra d'abord prouver qu'il est un "homme neuf" malgré son lourd passé. Il lui faudra aussi mettre à distance les membres de sa propre famille pour rompre avec ces traditions claniques qui ulcèrent les libanais et qu'il a si souvent dénoncées : car les fonctions politiques ne s'héritent pas; elles se méritent. La mise sur orbite de ses 3 filles et de leurs époux n'augure rien de bon dans ce domaine. Il se murmure pourtant que Mireille Aoun est pressentie pour faire partie du prochain gouvernement... Ce serait là une erreur majeure. Là où ses partisans voient un homme "issu du peuple", on découvrirait un spécimen de plus d'une caste politique obsédée par son auto-reproduction et son bien-être économique. D'autres avant lui sont tombés dans ce travers alors même qu'ils se targuaient de n'être pas nés avec une cuillère d'argent dans la bouche et qu'ils représentaient des symboles aux yeux de leurs compatriotes. N'est pas Fouad Chehab qui veut? Moi je dis : qui veut peux!
Marionet
11 h 58, le 01 novembre 2016