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Économie - Splendeurs et misères économiques

Dollar : le fardeau exorbitant

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse et fondateur d’Art Trading & Finance - Genève. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

Le Zimbabwe n'est plus ce pays où les prix doublaient quasiment toutes les six heures, ni cette nation où les brouettes étaient utilisées pour transporter des billets de banque.
Ayant vaincu l'hyperinflation, le Zimbabwe est aujourd'hui un pays où règne... la déflation ! Tandis que son taux d'inflation atteignait il y a quelques années le chiffre vertigineux de 80 milliards de pour cent par an, il n'a fait que dégringoler depuis un peu moins d'une année.
Prouesse pour le Zimbabwe ? Plutôt une calamité, car l'évolution des prix est aujourd'hui de -3,30 %, subissant ainsi une des déflations les plus sévères du monde. Le Zimbabwe est donc actuellement en phase d'agonie pour cause d'un déclin malsain de ses prix reflétant une consommation et des investissements en état de mort cérébrale.
Pourtant, la déflation – mal suprême autrement plus insidieux que l'hyperinflation – n'y puise pas ses sources pour des motifs similaires à l'implosion d'une bulle immobilière combinée au déclin démographique sévissant au Japon depuis presque vingt ans. Paradoxalement, cette nouvelle crise affectant le Zimbabwe provient de l'abandon au printemps dernier de sa propre monnaie au profit du dollar américain, adopté officiellement comme seul et unique médium d'échange.
Ayant dû convertir 175 billiards (175 millions de milliards) de dollars zimbabwéens contre 5 dollars américains, la population fut dans un premier temps conquise par ce changement radical dont les manifestations les plus concrètes furent des épiceries à nouveau bien garnies, des prix et des salaires stabilisés et des distributeurs automatiques crachant des billets de 20 dollars américains. Les tristes records de leur économie en matière d'hyperinflation, cas d'école pour tous les étudiants en sciences économiques, semblaient appartenir à d'autres temps et ce, grâce à une conjoncture de croissance inédite pour ce pays.
Jusqu'à ce que les Zimbabwéens – et leurs dirigeants – se rendent compte que la dollarisation de leur économie impliquait nécessairement une perte de souveraineté car leur Banque centrale nationale était dans l'incapacité d'imprimer des dollars américains. Sans ce privilège de création monétaire lui permettant de renflouer une économie encore fragile, le gouvernement Mugabe dut donc se résigner à regarder – impuissant – les commerces baisser leurs prix afin d'attirer les chalands et les entreprises réduire leurs investissements afin de compenser leurs pertes.
Cercle vicieux induit par une spirale exacerbée par la flambée du billet vert, notamment vis-à-vis du rand sud-africain, partenaire commercial principal du Zimbabwe. En effet, la dégringolade du rand par rapport au dollar américain (désormais « monnaie officielle » du Zimbabwe) a achevé ce qui restait de la production nationale du pays, inondé par des marchandises sud-africaines rendues soudainement très compétitives par l'envolée de la devise américaine.
La vulnérabilité de l'indexation d'une monnaie nationale au dollar est donc très largement amplifiée et démultipliée lorsque la devise directrice s'apprécie, comme le fait le dollar vis-à-vis de la quasi-totalité des devises des nations émergentes (ou en développement) depuis quelques mois.
La marge de manœuvre des économies africaines les plus importantes est de ce fait aujourd'hui devenue inexistante car leurs réserves fondent à vue d'œil à force de défendre leur monnaie nationale, ou tout simplement car elles ont lié leur sort à une devise qui ne fait que s'apprécier.
La liquéfaction des prix des matières premières et des produits pétroliers – souvent seules ressources de ces pays – induit en outre une pénurie dramatique de dollars à laquelle sont même confrontées les compagnies internationales implantées localement. La hausse des taux d'intérêt américains préfigure donc l'effondrement de multiples économies africaines, aujourd'hui dans l'incapacité de trouver suffisamment de dollars pour s'acquitter de leurs dettes ou payer leurs importations de denrées alimentaires pour nourrir leur population !

Le Zimbabwe n'est plus ce pays où les prix doublaient quasiment toutes les six heures, ni cette nation où les brouettes étaient utilisées pour transporter des billets de banque.Ayant vaincu l'hyperinflation, le Zimbabwe est aujourd'hui un pays où règne... la déflation ! Tandis que son taux d'inflation atteignait il y a quelques années le chiffre vertigineux de 80 milliards de pour cent...

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