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Moyen Orient et Monde - Reportage

Verviers la mal-aimée face aux démons du radicalisme

La ville belge tente de se débarrasser de son image de « vivier islamiste ».

Verviers est une agglomération belge de 55 000 habitants, proche de la frontière allemande. Ancienne « capitale mondiale de la laine », elle est tombée en déshérence. Valérie Kuypers/AFP

Un spectaculaire coup de filet antiterroriste mi-janvier ; deux jihadistes présumés tués ; des jeunes partis en Syrie : la ville belge de Verviers tente de composer avec les démons du radicalisme tout en refusant l'image de vivier islamiste qui lui « colle à la peau ».
15 janvier 2015... Une semaine après l'attentat de Charlie Hebdo, dans le cadre d'une opération antiterroriste, la police belge lance un assaut contre un appartement de Verviers où sont retranchés trois jihadistes présumés, prêts, selon la justice, à commettre des attaques. Deux sont tués, le troisième interpellé. Les médias du monde entier découvrent un « nid de jihadistes » dans cette agglomération de 55 000 habitants proche de la frontière allemande, ancienne « capitale mondiale de la laine » tombée en déshérence.
Les trois suspects venaient de Molenbeek, quartier défavorisé de Bruxelles, d'où sont originaires plusieurs suspects-clés des attaques du 13 novembre à Paris. Ils se planquaient à Verviers, lieu de passage aux loyers abordables. Mais « l'image nous colle à la peau », déplore Franck Hensch, président du Complexe éducatif et culturel islamique de Verviers, au diapason d'autres acteurs locaux. « On n'a pas attrapé un Verviétois », renchérit Mohammad Bouassam, président de la mosquée Errahma, la plus ancienne de Verviers. Rien n'indique par ailleurs que Abdelhamid Abaaoud, l'instigateur présumé des attentats de Paris mais aussi des projets terroristes de la cellule de Verviers, y ait jamais mis les pieds. « Sans cette opération policière, on n'aurait jamais parlé de Verviers », avance l'imam Hensch.
Pourtant, un mois après l'intervention policière à Verviers, l'État islamique publie une vidéo dans laquelle deux jihadistes belges menacent la France et la Belgique. Deux enfants du coin, Redouane et Lotfi. Au moins trois ou quatre jeunes Verviétois sont partis en Syrie ces dernières années, témoignent les acteurs religieux et associatifs. Une dizaine, selon Malik Ben Achour, échevin (adjoint au maire) chargé des relations interculturelles et des relations sociales. Trente-quatre habitants sont surveillés par les services de renseignements, précise-t-il, dont « un noyau dur de dix plus radicaux potentiellement dangereux ».

Les « mannequins du jihad »
Les départs en Syrie sont d'abord le fait d'une bande d'amis aux profils divers, sans doute radicalisés sur Internet. « Le premier est parti, les autres ont suivi », explique l'imam Hensch. « Du mimétisme », estime l'échevin Ben Achour.
Redouane ? « Très gentil, il travaillait dans la restauration », décrit Mourad, une connaissance. Lotfi ? « Un peu playboy, il avait commencé médecine, puis il est passé par l'armée. » Certains s'étaient pavanés, en armes, sur Facebook. « On les appelait les mannequins du jihad, c'est le héros du quartier pour certains », se souvient l'imam Hensch. Pour le reste, les acteurs de terrain pointent plusieurs facteurs pouvant faire le lit du radicalisme, « comme ailleurs » en Belgique ou en France. Plus de 20 % de chômage, un sentiment de « stigmatisation » des Belges d'origine étrangère. « Une rage de la part de certains jeunes », note Yamina Bounir, de l'association Muslim Rights. « Un problème identitaire fondamental ; ces jeunes ne se sentent pas belges, regrette l'imam Hensch. Il n'y a pas de rêve belge, pas de projet qu'on essaie de construire ensemble. »
Parmi les mosquées de Verviers, la somalienne a fait parler d'elle : son ancien imam est frappé d'expulsion pour des prêches radicaux il y a quelques années. Mais, si une cafétéria située à l'entrée attirait des jeunes, l'impact des prêches reste incertain, remarque l'imam Hensch, car ils étaient en arabe, une langue qu'ils sont nombreux à ne plus maîtriser.
Après le 15 janvier, la mairie a mis en place une cellule de prévention du radicalisme, en soutien aux personnes fragilisées et à l'écoute de celles craignant la radicalisation d'un proche. Mais à une cellule de prévention qui pourrait « aller trop loin, dénoncer le voisin qui a laissé pousser sa barbe ou celui qui écoute le Coran », Yamina Bounir préférerait « la création de lieux de rencontre où les jeunes peuvent s'exprimer ».
Juliette MONTESSE/AFP

Un spectaculaire coup de filet antiterroriste mi-janvier ; deux jihadistes présumés tués ; des jeunes partis en Syrie : la ville belge de Verviers tente de composer avec les démons du radicalisme tout en refusant l'image de vivier islamiste qui lui « colle à la peau ».15 janvier 2015... Une semaine après l'attentat de Charlie Hebdo, dans le cadre d'une opération antiterroriste, la...

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