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Moyen Orient et Monde - Décryptage

L’ère de stabilité des pays du Golfe a pris fin

L'attentat survenu au Koweït, hier, loin de créer la surprise, apparaît comme l'aboutissement naturel de l'attitude laxiste des autorités officielles.

Les secours évacuent les cadavres après l’attentat-suicide, hier, contre la mosquée chiite al-Imam al-Sadeq dans la capitale koweïtienne. STR/AFP

Depuis près de trois ans, la montée des courants sunnites radicaux dans un pays, le Koweït, où la composante chiite représente un tiers de la population totale est très palpable. Les dernières élections parlementaires du 27 juillet 2013 avaient montré un renforcement du poids des islamistes sunnites avec l'élection de 7 députés, seuil maximal atteint jusque-là, sur une représentation totale d'une cinquantaine de sièges parlementaires.

Par ailleurs, une des figures du salafisme, le Koweïtien cheikh Shafi al-Ajmi, n'a jamais été arrêté au Koweït où les cellules dormantes de l'État islamique (EI) sont nombreuses. Cet homme est impliqué dans le massacre des Syriens chiites du village de Hatla près de Deir ez-Zor, en Syrie (juin 2013), et il figure sur la liste noire aux États-Unis des personnes accusées de financer les organisations comme le Front al-Nosra et l'État islamique.
Interpellé par les autorités koweïtiennes en août 2014 à son retour d'Arabie saoudite, il avait aussitôt été relâché sans faire l'objet de poursuites. Or, il semble que des personnes comme ce cheikh, très impliquées dans le terrorisme en Syrie et faisant partie du réseau de soutien de l'EI au Koweït, aient fini par rompre la trêve non déclarée avec les autorités officielles qui ferment l'œil depuis trop longtemps sur le rôle actif de ces obscures personnalités dès lors qu'elles ne représentaient pas une menace pour la stabilité intérieure.

Mais l'attaque sanglante contre un lieu de culte des Koweïtiens chiites remet en cause ce modus vivendi dans un pays extrêmement fragile sur le plan sécuritaire et où aucune action visant à neutraliser les cellules d'el-Qaëda ou des jamiiyya (associations) qui financent les groupes armés en Syrie n'a été entreprise. Cet attentat vient prouver une nouvelle fois que l'ère de stabilité des pays du Golfe a pris fin.

Stratégie de déstabilisation
L'EI poursuit donc une stratégie de déstabilisation telle qu'elle a été mise en œuvre par el-Qaëda après l'intervention américaine en Irak. Il s'agissait à l'époque de semer les graines d'un conflit intercommunautaire pour unir la composante sunnite autour du projet d'Abou Moussab al-Zarqaoui. Aujourd'hui, l'EI intervient avec la même logique dans des pays où il dispose de véritables relais à plusieurs niveaux : des réseaux de soutien dans les milieux salafistes, dans les cercles proches du pouvoir, ou bénéficie d'une complicité au sein de services de police ou de l'armée. Qu'il s'agisse d'une adhésion à la matrice idéologique du groupe ou de convergences politiques de circonstances, ces soutiens de nature différente participent au final à renforcer la présence locale de l'EI.
C'est le cas de la Tunisie, de la France où près de 1 200 Français ont pu se rendre en Syrie et regagner le territoire français sans être arrêtés. C'est enfin le cas du Koweït, où le clivage sunnites-chiites est politisé depuis près de dix ans.

Avec le début des révoltes en 2011, les chiites du Koweït ont affiché leur solidarité avec ceux de Bahreïn, victimes d'un processus d'exclusion politique, économique et sociale, et ont exprimé à plusieurs reprises leurs craintes d'une marginalisation face à la montée des courants salafistes. Quels que soient les considérations et calculs politiques qui expliquent le laxisme des autorités koweïtiennes à l'égard des mouvances les plus radicales, cette attitude a permis à l'EI de se constituer une base locale et de lancer une dynamique de déstabilisation générale qui échappe désormais à tout contrôle.

La concomitance des attentats de Tunis et du Koweït frappe les esprits, perpétrés tous les deux un vendredi de ramadan dans deux pays où la situation sécuritaire est précaire et où l'EI dispose de cellules dormantes. Le massacre du Koweït devrait en tout cas avoir une profonde résonance.

 

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