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Culture - Bipod 2015

« Gerro, Minos and him », comme Dieu les a créés

Salle à moitié pleine au Madina, hier soir, où se donne « Gerro, Minos and him » d'Aloun Marchal, de Simon Tanguy et de Roger Sala Reyner, à la fois chorégraphes et danseurs, fesses et pénis carrément à l'air. Les corps dans une liberté native. Moment délicieusement irrévérencieux et débordant de facéties.

Déchaînement corporel masculin, libératoire et conflictuel, comme dans l’arène d’un combat.

Scène... nue pour trois hommes compères depuis les années d'études à Amsterdam. Il n'y a rien à voir et tout à voir dans ce spectacle hors norme, excentrique, drôle, disjoncté et déjanté.


Trois mecs, trois lurons, trois gugusses, trois enfoirés, trois énergumènes, trois copains, trois potes, trois bonhommes, trois jeunes hommes, bref trois personnages monsieur Tout-le-Monde, jambes et pieds nus, en T-shirt, sans slip, crado comme dans les coulisses d'un vestiaire pour sportifs. En toute fraîche insolence, bourrés d'un comique de singes en petite bande, ils se donnent littéralement en spectacle, sous prétexte d'un brin de causette.

Causette muette, sans voix, mise à part celle des corps mus par une éloquence syncopée et quelques onomatopées, interjections et exclamations proches du borborygme... Chapelet imprévisible de mouvements et de gestes abrupts, sans grâce, si ce n'est une grâce toute particulière, simiesques, délibérément déroutants. D'une gaminerie presque enfantine. Mais qui ont, en fin de compte, leur propre cohésion et inventent un langage jamais lisse pour s'y glisser et s'y retrouver... S'amuser et amuser la salle, sans complexes ni chichis.


Sujet de cette réunion à trois, dans une chambre, sous la flaque de lumière? Incommunicabilité ou surcommunicabilité, on en saura tout au gré des gestes qui les unissent, désunissent ou réunissent. Dans une notion suprême de jeu, habile et savamment orchestré, voilà des danseurs qui s'en donnent à cœur joie en usant de toutes les expressions, déhanchements, rondeurs et violences du corps, dans un ton toujours comique et bouffon.

En jargon anglophone du métier, cela s'appelle « release », hip-hop, mais aussi en termes plus clairs et sur une onde totalement différente, arts martiaux dévoyés et voix des corps. Des corps qui parlent. Leur voix se fait entendre à travers les gestes. Sans jamais rien cacher de l'intimité de leur touffe et de leurs organes sexuels livrés en toute innocence aux regards, les membres de ce trio (au ton faussement agressif, mais surtout jubilatoire), aux muscles tendus et déliés, ne sont pas à l'abri d'une expression tout azimut...

Secouer, se secouer, se plier, se replier, se dresser, se redresser, se trémousser, se vautrer, s'exposer, s'épouiller, couiner, hurler, crier, murmurer, susurrer, tâter, caresser, gifler, tartiner, s'entarter dans le vide... Telle est la nomenclature des rapports et états comportementaux des trois personnages qui s'exhibent sans complexe, sans rime ni raison. Plutôt oui, il y a une raison. Et c'est la danse. La danse façon de parler bien entendu...

Une danse parfaitement dans le sillage de tout l'éclatement des chorégraphies modernes qui font feu de tout bois. Ici, sous les feux de la rampe, en solo, duo ou trio, ils évoluent dans une totale liberté et fantaisie, livrant les lignes du corps à celles d'une imagination des plus débridées.

Cinquante-cinq minutes de déchaînement corporel masculin libératoire et conflictuel comme dans l'arène d'un combat. Sous les yeux des spectateurs, ahuris, souriants, décontenancés, se dessinent peu à peu les mouvements relationnels des protagonistes, chargés d'humour et d'ironie, pour une « anarchie-démocratie ».

Désignation où l'enjeu est surtout cette approche de l'autre entre friction et tendresse, entre découverte et surprise, entre pirouette et flexion des genoux, entre entrechat et coup de poing. Tout cela, comme un bol d'oxygène, pour une atmosphère entre énergie et électricité, pour conter une amitié drôle ou une drôle d'amitié (allez donc savoir!) où finalement le ludisme a les rênes du pouvoir.


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Scène... nue pour trois hommes compères depuis les années d'études à Amsterdam. Il n'y a rien à voir et tout à voir dans ce spectacle hors norme, excentrique, drôle, disjoncté et déjanté.
Trois mecs, trois lurons, trois gugusses, trois enfoirés, trois énergumènes, trois copains, trois potes, trois bonhommes, trois jeunes hommes, bref trois personnages monsieur Tout-le-Monde, jambes...

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