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À La Une - France

Le "Charlie Hebdo des survivants" s'arrache

La nouvelle caricature de Mohammad a déclenché la colère de certaines instances musulmanes.

A travers la France, Charlie Hebdo était en rupture de stock, le 14 janvier au matin, comme ici dans une librairie de Dunkerque. AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN

Plus de vingt pays, cinq langues, 5 millions d'exemplaires avec Mohammad en Une : attendu dans le monde entier, le nouveau Charlie Hebdo, signé par les rescapés de l'attentat, s'est arraché dès sa parution mercredi matin, mais sa sortie suscite des remous dans le monde musulman.


A la gare Saint-Lazare à Paris, avant même l'ouverture à 06H00, une soixantaine de personnes faisaient la queue devant un des marchands de journaux. "Ils auraient dû en prévoir plus dès aujourd'hui. Je n'arriverai pas à faire face à la demande", déplorait Marie-Claire, la gérante du magasin.
Au métro Belleville, dans le 19e arrondissement, le kiosquier a eu beau limiter les achats à deux journaux par personne, ses 150 exemplaires avaient déjà été dévalisés à 06H30.
Place de la Bourse, dans le centre de la capitale, le marchand de journaux affichait dès l'ouverture "Pas de Charlie Hebdo" sur sa devanture, tous les numéros ayant déjà été réservés par ses clients depuis vendredi.

 

(Lire aussi : Un Charlie qui s'apprête "à entrer dans l'histoire", selon les éditorialistes français)


Pour ce "numéro des survivants", le petit journal satirique français, dont l'équipe a été décimée par deux jihadistes dans l'un des pires attentats jamais perpétrés en France, persiste et signe avec une couverture représentant le prophète de l'islam, la larme à l'oeil, tenant une pancarte "Je suis Charlie". Tout comme l'ont fait dimanche des millions de manifestants en France et dans le monde. Au-dessus, les mots "tout est pardonné".


Devenu un symbole de la liberté d'expression, Charlie Hebdo est réclamé partout, jusqu'en Inde et en Australie : le journal, qui ne se vendait qu'à 30 000 exemplaires dont une poignée à l'étranger, a fait, dans un premier temps, imprimer 3 millions de ce numéro post-attentat diffusé dans plus de 20 pays - un record pour la presse française. En milieu de matinée, le distributeur annonçait que pour faire face à la demande, 5 millions d'exemplaires allaient être tirés.

Ce numéro a été traduit en cinq langues : espagnol, arabe et anglais dans des versions numériques, en italien et en turc pour des versions papier.

Le quotidien d'opposition turc Cumhuriyet a d'ailleurs publié mercredi, après un dernier contrôle nocturne de la police, quatre pages de Charlie Hebdo. Entièrement traduites en turc, ces quatre pages, distribuées dans un cahier central intégré au journal, reprennent l'essentiel des articles et des caricatures de Charlie, y compris sa "une" représentant le prophète mais en page intérieure.

 

Devant une librairie de Paris, une longue file d'attente pour obtenir un exemplaire de Charlie Hebdo. AFP / MARTIN BUREAU

 


'Ni logique, ni sage'

Les kiosquiers français, qui s'attendaient à être dévalisés, seront approvisionnés tous les jours jusqu'au 19 janvier et le journal devrait rester en vente plusieurs semaines.
La une sur Mohammad, dévoilée dès mardi, a déjà été reproduite par de très nombreux médias et sites dans le monde, surtout en Europe, après la marche de dimanche qui a réuni à Paris une cinquantaine de dirigeants étrangers. Elle a en revanche été occultée par les grands médias des pays musulmans et dans certains pays d'Afrique ou d'Asie car l'islam interdit de représenter le prophète.
Le Mohammad de Charlie Hebdo était aussi absent des grands médias aux Etats-Unis, où la satire religieuse est taboue, et de la plupart des journaux britanniques. Washington a cependant tenu à affirmer mardi son "soutien absolu au droit de Charlie Hebdo" à publier cette Une.


La nouvelle caricature de Mohammad a en revanche déclenché la colère de certaines instances musulmanes. Al-Azhar, principale autorité de l'islam sunnite basée en Egypte, a estimé qu'elle allait "attiser la haine".
L'instance représentant l'islam auprès des autorités égyptiennes, Dar al-Ifta, l'a qualifiée de "provocation". En Iran, le site d'information Tabnak (conservateur) estime que charlie Hebdo "insulte de nouveau le prophète". "Il n'est ni raisonnable, ni logique, ni sage de publier les dessins et les films offensant le prophète ou attaquant l'islam", écrit de son côté dans un communiqué l'Union mondiale des oulémas musulmans, basée au Qatar et présidée par le prédicateur qatari d'origine égyptienne, Youssef al-Qaradaoui, considéré comme l'éminence grise des Frères musulmans.


En France, les responsables de l'islam de France ont appelé au calme, à la veille de la parution.
En février 2006, Charlie Hebdo, avait, comme plusieurs journaux européens, repris 12 caricatures de Mahomet publiées par le quotidien danois Jyllands-Posten, qui avaient suscité des manifestations violentes dans le monde musulman. Depuis, le journal français, qui a continué de dessiner régulièrement Mahomet, était devenu une cible emblématique pour les intégristes.
"Notre Mahomet est vachement plus sympa que celui brandi par ceux qui ont tiré. C'est un bonhomme qui pleure avant toute chose", se sont défendus les survivants du journal. "L'état d'esprit +Je suis Charlie+" cela veut dire aussi le +droit au blasphème+", a résumé leur avocat, Richard Malka, réfutant avec virulence toute accusation d'islamophobie.
"Si on peut faire vivre nos idées partout dans le monde, on aura vraiment gagné", a lancé Gérard Biard, le rédacteur en chef du journal qui publie aussi un plaidoyer pour la laïcité.

 

(Lire aussi : Les cinq grands défis auxquels la France doit désormais faire face)

 

Mesures exceptionnelles
En riposte aux attentats, qui ont fait 17 morts, le Premier ministre, Manuel Valls, a dévoilé mardi, dans un discours applaudi par toute la classe politique, "des mesures exceptionnelles" pour mieux détecter de potentiels jihadistes. Le délit de "blasphème n'est pas dans notre droit" et "ne le sera jamais", a-t-il aussi déclaré.


La semaine est également ponctuée par les funérailles des 17 victimes et les hommages des autorités françaises. Mardi, ont eu lieu les obsèques du policier Ahmed Merabet, au cimetière musulman de Bobigny (Seine-Saint-Denis), et à Jérusalem celles des quatre Juifs tués vendredi dans la supérette casher. Tous ont été faits, à titre posthume, chevaliers de la légion d'Honneur.
Près d'une semaine après les premiers meurtres, la traque d'éventuels complices continue. Un Français, arrêté en Bulgarie le 1er janvier pour avoir tenté de se rendre en Syrie, est ainsi soupçonné de liens avec l'un des tueurs de Charlie Hebdo.

 

Lire aussi

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Plus de vingt pays, cinq langues, 5 millions d'exemplaires avec Mohammad en Une : attendu dans le monde entier, le nouveau Charlie Hebdo, signé par les rescapés de l'attentat, s'est arraché dès sa parution mercredi matin, mais sa sortie suscite des remous dans le monde musulman.
A la gare Saint-Lazare à Paris, avant même l'ouverture à 06H00, une soixantaine de personnes faisaient la queue...

commentaires (2)

Souvenons-nous ! Le dessinateur et caricaturiste palestinien Naji al-Ali, célèbre au Proche-Orient, a été assassiné à Londres, le 22 juillet 1987, près du quotidien koweïti Al-Qabas où il travaillait. Il était irrévérencieux à l'égard des potentats arabes, appelait le sionisme par son nom et dénonçait la corruption de certains dirigeants palestiniens. Un tueur-professionnel lui a logé une balle dans la tête et a continué son chemin calmement, sans être inquiété. La presse occidentale ne s'est pas émue de cette atteinte à la liberté d'expression, comme c'est le cas aujourd'hui.Deux poids et deux mesures?Dix mois plus tard, Scotland Yard a arrêté un certain Ismaïl Suwan, un étudiant palestinien impliqué dans l'organisation du meurtre. Interrogé, il a révélé qu'il avait été recruté par le Mossad et que ses supérieurs l'avait informé du projet d'assassinat.Devant le refus d'Israël de s'expliquer sur ce crime, Margaret Thatcher ordonna la fermeture de l'antenne du Mossad à Londres - Palace Green - et l'expulsion de deux « diplomates » israéliens. Bien que connue du MI5 – service de renseignement intérieur britannique – l'identité de l'assassin – un agent du Kidon, le service action du Mossad - n'a jamais été divulguée.La presse occidentale n'a pas remué ciel et terre pour que le tueur et ses commanditaires soient appréhendés et jugés.Le Mossad a poursuivi ses activités en Grande-Bretagne tranquillement, mais sans statut officiel.

FRIK-A-FRAK

17 h 11, le 14 janvier 2015

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Commentaires (2)

  • Souvenons-nous ! Le dessinateur et caricaturiste palestinien Naji al-Ali, célèbre au Proche-Orient, a été assassiné à Londres, le 22 juillet 1987, près du quotidien koweïti Al-Qabas où il travaillait. Il était irrévérencieux à l'égard des potentats arabes, appelait le sionisme par son nom et dénonçait la corruption de certains dirigeants palestiniens. Un tueur-professionnel lui a logé une balle dans la tête et a continué son chemin calmement, sans être inquiété. La presse occidentale ne s'est pas émue de cette atteinte à la liberté d'expression, comme c'est le cas aujourd'hui.Deux poids et deux mesures?Dix mois plus tard, Scotland Yard a arrêté un certain Ismaïl Suwan, un étudiant palestinien impliqué dans l'organisation du meurtre. Interrogé, il a révélé qu'il avait été recruté par le Mossad et que ses supérieurs l'avait informé du projet d'assassinat.Devant le refus d'Israël de s'expliquer sur ce crime, Margaret Thatcher ordonna la fermeture de l'antenne du Mossad à Londres - Palace Green - et l'expulsion de deux « diplomates » israéliens. Bien que connue du MI5 – service de renseignement intérieur britannique – l'identité de l'assassin – un agent du Kidon, le service action du Mossad - n'a jamais été divulguée.La presse occidentale n'a pas remué ciel et terre pour que le tueur et ses commanditaires soient appréhendés et jugés.Le Mossad a poursuivi ses activités en Grande-Bretagne tranquillement, mais sans statut officiel.

    FRIK-A-FRAK

    17 h 11, le 14 janvier 2015

  • Entre la haine et le pardon le défi est grand . Le pardon devra de tout bord triompher dans un monde qui bouge mal .

    Sabbagha Antoine

    13 h 51, le 14 janvier 2015

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