Le président français François Hollande a promis hier à Bagdad d'aider « encore davantage militairement » l'Irak, en plein efforts internationaux pour tenter de défaire les jihadistes de l'État islamique (EI) responsables d'atrocités dans ce pays et en Syrie.
Après son étape à Bagdad, M. Hollande s'est rendu au Kurdistan, où se sont réfugiées des centaines de milliers de personnes déplacées début août par l'offensive de l'EI, accusé de crimes contre l'humanité par l'Onu. Lors d'une conférence de presse avec le président du Kurdistan Massoud Barzani, M. Hollande a assuré les Irakiens que les Européens continueraient à aider les réfugiés, annonçant l'établissement « d'un véritable pont humanitaire » pour ceux qui souhaitent quitter leur pays.
Onze ans après avoir refusé de suivre Washington et Londres dans l'invasion de l'Irak, la France tente de revenir sur le devant de la scène dans la région avec ce pays menacé par les jihadistes, sur les plans diplomatique et militaire. « Je veux que les relations entre la France et l'Irak prennent une dimension nouvelle, et c'est la raison de ma présence ici », a déclaré M. Hollande. « Notre sécurité nationale est en jeu et c'est pour cela que nous intervenons. On ne peut pas laisser se créer un sanctuaire islamiste à cinq heures de vol de Paris », explique un diplomate français. La mission historique de protection des minorités chrétiennes a aussi été invoquée par Paris. Dans la région et au-delà, le soutien français rassure ceux qu'une intervention militaire américaine, entamée depuis le 8 août par des frappes contre l'EI, inquiète. « En 2002-2003, la diplomatie française avait vu juste en refusant l'engagement dans la guerre et en prévoyant les conséquences de l'intervention : faire du pays un camp d'entraînement pour el-Qaëda, alors que l'organisation en était absente avant la chute du régime de Saddam Hussein », rappelle Karim Émile Bitar, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
En effet, contrairement aux États-Unis, Paris se montre soucieux d'obtenir une légitimité juridique internationale pour toute action militaire. « Une telle participation doit être efficace et ciblée. On doit conserver une part d'autonomie. On ne veut pas être le sous-traitant des Américains », souligne pour sa part un responsable français sous le couvert de l'anonymat. Toutefois, l'intervention française provoque aussi des réactions critiques, comme celles de Dominique de Villepin, mondialement connu pour son discours contre l'intervention en Irak à l'Onu en 2003, qui a estimé que l'intervention militaire en Irak d'une grande coalition menée par les États-Unis est « absurde et dangereuse » et montre que les Occidentaux n'ont pas tiré les leçons des conflits ouverts depuis 2001.
(Repère : A quoi ressemblera la guerre contre l'Etat islamique?)
« Menace globale »
M. Hollande est le premier chef d'État étranger à se rendre à Bagdad depuis le début le 9 juin de l'offensive de l'EI qui a pris de larges pans de territoires en Irak et en Syrie. À cette occasion, il a rencontré son homologue Fouad Massoum et le Premier ministre Haïdar al-Abadi. Il a évoqué une prochaine « livraison de matériel militaire pour les Irakiens ». Alors que M. Abadi a insisté sur l'importance du soutien aérien pour l'aider face aux jihadistes, M. Hollande a dit travailler « avec nos alliés sur un certain nombre d'hypothèses ». Pour rappel, la France fournit depuis août des armes aux forces kurdes qui luttent contre l'EI dans le Nord. Elle s'était dit prête à utiliser ses bombardiers en Irak « si nécessaire » dans le cadre de la stratégie définie mercredi par le président américain Barack Obama pour « détruire » ce groupe. M. Hollande a en outre estimé que ces livraisons d'armes aux peshmergas avaient été « décisives pour inverser le rapport de force ». La « menace globale (représentée par l'EI) appelle une réponse globale », a souligné le président français, en précisant que la conférence internationale sur l'Irak prévue lundi à Paris avait pour objectif de coordonner les actions contre l'EI.
Dans le même temps, le secrétaire d'État américain John Kerry tentait à Ankara de convaincre la Turquie, alliée des États-Unis, de participer à la coalition internationale dirigée par Washington contre l'EI. Aujourd'hui au Caire, il a déjà obtenu de dix pays arabes leur engagement, y compris éventuellement militaire, à lutter contre ce groupe extrémiste sunnite. Il s'est d'ailleurs dit hier confiant pour parvenir à former une coalition mondiale de pays européens et arabes, aux côtés des États-Unis, pour détruire à terme l'État islamique en Irak et en Syrie, mais a précisé que les États-Unis sont opposés à la présence de l'Iran à la conférence internationale sur l'Irak et la lutte contre l'État islamique prévue lundi à Paris, notamment en raison de « l'implication de l'Iran en Syrie et ailleurs ». De son côté, la Syrie considère qu'elle aurait dû être associée aux efforts internationaux de lutte contre les jihadistes, car elle est elle-même une « victime du terrorisme », a affirmé la conseillère du président syrien Bachar el-Assad, Bouthaina Chaabane.
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commentaires (7)
À CINQ HEURES DE VOL... NON ! MAIS À ZÉRO HEURE... OUI ! NETTOYEZ CHEZ VOUS...
LA LIBRE EXPRESSION
09 h 51, le 14 septembre 2014