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Moyen Orient et Monde - Épidémie

« Le monde est en train de perdre la bataille contre Ebola »

Médecins sans frontières établit un constat choc ; le Dr Jacques Mokhbat répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

Des Libériens attendant la distribution de nourriture alors que le pays suscite de « fortes inquiétudes » de pénurie alimentaire d’après l’Onu. Dominique Faget/AFP

La déclaration choc hier de Médecins sans frontières (MSF), qui avait affirmé que « le monde est en train de perdre la bataille contre Ebola », n'est pas sans semer la panique au sein des populations. « Il s'agit d'un cri d'alarme, d'autant que l'épidémie s'est déclarée en dehors de ses régions habituelles dans la savane de l'Afrique centrale », confie à L'Orient-Le Jour le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses. « Face à la progression de l'épidémie, les efforts mis en œuvre jusqu'à présent ne suffisent pas à l'endiguer, poursuit-il. Les systèmes de santé des pays concernés sont trop faibles et trop mal organisés pour y faire face. On constate un immense manque de ressources humaines et matérielles, mais aussi un manque de planification. De plus, l'aide internationale reste timide et ne peut efficacement œuvrer. »


Cette déclaration de MSF constitue, selon le Dr Mokhbat, un appel à l'action internationale. « D'ores et déjà, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a activé son plan d'urgence épidémie, note-t-il. Toutes les divisions de l'agence onusienne sont actuellement mobilisées pour agir dans ce sens. Une équipe d'investigation épidémiologique et de prise en charge est déjà sur place et coordonne avec l'équipe centrale à Genève. À l'heure actuelle, il est important de mettre en place un processus d'assistance pour renforcer la riposte. Il est tout aussi important d'activer les bonnes pratiques de contrôle de la transmission en milieu médico-hospitalier. » Qu'en est-il des médicaments et des vaccins, d'autant que les États-Unis avaient annoncé des cas de guérison ? « Les recherches continuent dans ce sens, répond le Dr Mokhbat. Aux États-Unis, on a utilisé un sérum d'un individu ayant guéri qui contient des anticorps dirigés contre le virus. La quantité est excessivement limitée comme on peut l'imaginer et difficile à produire. On essaie de produire des anticorps monoclonaux (anticorps produits de façon industrielle par une seule lignée de cellules, NDLR), mais il s'agit également d'une tâche difficile. De plus, on attend toujours les médicaments non biologiques. Mais il faut se rendre compte que peu de compagnies pharmaceutiques seraient intéressées à mener la recherche dans ce sens, encore moins à fabriquer un médicament qui servirait à traiter une poignée d'individus, même si on parle de quelques milliers de personnes, d'autant plus que l'épidémie se limite à trois pays africains peu capables de financer une telle recherche. »


À la question de savoir si on témoigne d'un retour à l'ère du choléra et de la peste, le Dr Mokhbat explique qu' « il est notoire que les problèmes de résistance aux antibiotiques menacent de nous ramener a l'ère préantibiotique ». « Cela est troublant, confie-t-il. Les problèmes liés à la mauvaise application des préceptes de contrôle des infections sont menaçants. L'invasion de l'environnement par l'homme entraîne une modification de la nature telle que les microbes changent d'hôte et de virulence. Les principales méthodes pour éviter ces épidémies qui semblent sortir d'un film hollywoodien consistent à respecter l'environnement et à adopter des mesures d'hygiène correctes. Il s'agit aussi de mettre en œuvre une politique adéquate pour l'utilisation appropriée des antibiotiques et de renforcer les systèmes de santé, au lieu de renforcer les efforts de guerre et de mort. »

 

(Lire aussi: En Afrique de l'Ouest, les Libanais de la diaspora face à Ebola)

 

Obligés de refuser des malades
De son côté, la présidente de Médecins sans frontières (MSF), Joanne Liu, a déclaré que « l'annonce faite le 8 août (par l'OMS) que l'épidémie constituait une urgence de santé publique mondiale n'a pas été suivie d'une action décisive, et les États se sont en général contentés de rejoindre une coalition mondiale de l'inaction ». Lors de la même réunion d'information sur Ebola pour les États membres de l'Onu, la directrice de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Chan, a affirmé que « Ebola est devenue une menace mondiale qui nécessite une réponse mondiale », soulignant que l'épidémie ne se limitait pas à une « maladie africaine ».
De plus, dans un communiqué publié hier, MSF souligne l'acuité particulière de la crise dans la capitale libérienne, Monrovia, où « 800 lits supplémentaires seraient nécessaires », selon ses estimations. « Chaque jour, nous devons refuser des malades parce que notre centre est plein », déplore Stefan Liljegren, coordinateur de l'ONG dans l'unité Elwa 3 à Monrovia.
Par ailleurs, l'épidémie d'Ebola, qui progresse inexorablement en Afrique de l'Ouest, suscite de « fortes inquiétudes » de pénuries alimentaires dans les pays les plus touchés par le virus, a alerté hier l'ONU.
Sur le terrain, le bilan de l'épidémie d'Ebola qui touche la République démocratique du Congo s'est alourdi à 31 morts, mais la maladie reste circonscrite à la zone reculée du nord-ouest du pays où elle s'est déclarée, a indiqué hier l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

 

(Pour mémoire: Ebola atteint un cinquième pays d'Afrique de l'Ouest, le Sénégal)

 

Mesures contre-productives
Enfin, les pays touchés se sont plaints avec force que nombre de leurs voisins aient décidé de fermer leurs frontières par précaution, sur fond de psychose grandissante. De son côté, la Côte d'Ivoire, pour l'heure non touchée, a fait un geste en annonçant l'ouverture de couloirs humanitaires avec la Guinée et le Liberia, tout en maintenant ses frontières fermées avec ces deux voisins.
La plupart des compagnies aériennes ont aussi suspendu leurs vols, étranglant un peu plus les pays pris dans la tourmente d'Ebola. De telles mesures sont contre-productives, a averti un spécialiste français de la maladie, Sylvain Baize. En mettant les pays contaminés « en quarantaine au niveau aérien, on déstabilise complètement leur lutte contre l'épidémie : les rotations des personnels soignants expatriés et l'acheminement du matériel seront problématiques alors qu'il n'y a déjà pas assez de moyens », a-t-il souligné.
Sur un autre plan, des chercheurs japonais ont indiqué hier avoir développé une nouvelle méthode pour détecter la présence du virus en 30 minutes. Cette technologie pourrait permettre de diagnostiquer rapidement l'infection, même dans des pays où les équipements font défaut.

 

 

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