Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Portrait

Abou Bakr al-Baghdadi, un fantôme devenu l'homme le plus dangereux du monde

Il est surnommé le fantôme (al-shabah). Il règne sur la moitié de l'Irak avec environ 10 000 hommes et sur une partie de la Syrie avec à peu près 7 000 hommes. Il s'est autoproclamé calife, commandant suprême de tous les croyants dans l'ensemble du monde musulman. Il s'attaque aux chiites, aux chrétiens, aux laïcs et à tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Il menace l'Iran, l'Arabie saoudite et l'Occident. Il se permet d'avoir pour meilleur ennemi le chef d'el-Qaëda, Ayman al-Zawahiri, et le fait passer pour un intellectuel pacifiste. Il est omniprésent sur les réseaux sociaux et s'invite dans les conversations des plus grands comme des plus petits. Il dispose d'une manne financière supérieure à un milliard de dollars et sa tête est mise à prix à 10 millions de dollars. Tous ces éléments font de lui l'un des jihadistes les plus puissants de tous les temps, le successeur incontestable d'Oussama Ben Laden, l'homme le plus dangereux au monde.

(Analyse : État islamique vs Front al-Nosra : qui est qui, qui veut quoi ?)


Pourtant, jusqu'à il y a quelques semaines, il était complètement inconnu du grand public. Tellement inconnu, tellement mystérieux que tous les médias de la planète ont dû surexploiter et décrypter les deux seules photos existantes de lui à l'époque, l'une en couleur et l'autre en noir et blanc, pour pouvoir associer un visage à ce nom : Abou Bakr al-Baghdadi. Abou Bakr en référence au commandeur des croyants Abou Bakr as-Siddik et Baghdadi en référence à la capitale de son pays, Bagdad.

Depuis, il est apparu dans une vidéo le 4 juillet tout vêtu de noir et le visage ceint d'un turban dans la grande mosquée de Mossoul, même si personne ne peut confirmer que cela soit effectivement lui. Une vidéo largement diffusée, visionnée et commentée sur les réseaux sociaux, où il déclare notamment : « Je suis le wali (le chef héritier), désigné pour vous diriger. J'ai été chargé de vous, bien que je ne sois ni le meilleur ni meilleur que vous, donc si vous me voyez dans le juste, aidez-moi, si vous me voyez dans l'erreur, conseillez-moi et mettez-moi dans le droit chemin. Obéissez-moi tant que vous obéissez à Dieu en vous. » Le message est limpide : le jihadiste de l'ombre, presque fasciné par la dimension de son nouveau pouvoir, veut profiter de ses éclatantes victoires pour se présenter enfin au reste du monde, mais une fois, ou deux, sans plus : contrairement à Oussama Ben Laden qui était un accro à l'image, Abou Bakr al-Baghdadi veut visiblement l'éviter.

(Lire aussi : C'est quoi au juste un État islamique ?)

 

Tacticien

Que savait-on de cet homme avant la diffusion de cette vidéo ? Que possède-t-il de si particulier pour expliquer la fulgurance de son ascension, la crainte qu'il inspire à ses opposants et la totale allégeance que lui prêtent les apprentis-jihadistes recrutés dans le monde entier ?

Ibrahim al-Badri al-Samaraï, de son vrai nom, est né en 1971 dans la ville de Samarra. Il a étudié à l'université islamique de Bagdad dans les années 1990 et devient par la suite un prédicateur salafiste qui enseigne la charia dans plusieurs mosquées irakiennes. Persuadé que sa lignée est rattachée à celle des Husseini, les descendants du prophète, il écrit même une thèse à ce sujet. Son expérience du jihad débute après l'invasion américaine en 2003 quand il rejoint la branche irakienne d'el-Qaëda sous le commandement du Jordanien al-Zarkaoui. Ses combats contre la Sahwa (la milice créée pour combattre el-Qaëda en Irak) le marquent particulièrement à tel point qu'aujourd'hui il prend soin d'éliminer tous ses potentiels rivaux dans les zones qu'il contrôle. Il est ensuite arrêté par les forces spéciales américaines et emprisonné dans le camp de détention de Bucca, où il restera pendant quatre ans. Dès sa sortie de prison, il forge sa réputation de sanguinaire en multipliant les actions terroristes, notamment celui de la cathédrale de Bagdad, où il massacre une cinquantaine de personnes.

(Lire aussi: Tourisme et lune de miel dans le "califat" islamique d'Irak et de Syrie)


En 2010, il prend la tête de l'État islamique en Irak et au Levant, qui a remplacé el-Qaëda en Mésopotamie, où il obtient le respect de ses hommes grâce à ses talents de tacticien et à sa présence à leur côté sur le front. Ses soldats mènent la guerre sur deux fronts. En Syrie, où ils combattent les forces du régime, les opposants laïcs et les jihadistes du front al-Nosra ; et en Irak où ils s'opposent aux forces du Premier ministre Nouri al-Maliki et aux peshmergas kurdes.
Son succès, il le doit notamment au décalage entre la barbarie de ses actions (exécution de sang froid et crucifixions) et l'ubiquité de ses silences.

Dirigé par une ombre

Pour autant, même s'il a obtenu le soutien, et non l'allégeance, de certains groupes comme Boko Haram, Abou Bakr al-Baghdadi n'est pas considéré comme un calife légitime pour de nombreux mouvements islamistes sunnites parmi lesquels figurent au premier plan les Frères musulmans. Si sa vision du chiisme, qu'il considère comme une « cinquième colonne, un scorpion rusé et fourbe au cœur démoniaque », est loin d'être partagée par tous, il semble que ce soit son ultraviolence qui rebute une partie du monde salafiste.

Oussama Ben Laden a été capturé et tué alors que les peuples arabes se soulevaient contre l'autocratie de leur dirigeant. Mais el-Qaëda n'a pas disparu après la mort de son chef. Au contraire, il apparaît nettement plus puissant qu'à la veille des attentats du 11-Septembre. Il a tout simplement changé de nom et de chef. Désormais, il se fait appeler l'État islamique et est dirigé par une ombre : Abou Bakr al-Baghdadi.


Lire aussi

Victoires décisives de l'EI : le barrage de Mossoul et la ville de Sinjar sont tombés...

Mgr Kassargi à « L'OLJ » : Nous n'arrivons pas à hospitaliser tous les réfugiés irakiens...

« À Mossoul, ils ont exécuté un homme juste parce qu'il avait mis tomates et concombres dans le même sac »

L'économie et la culture de Mossoul ploient sous le joug jihadiste

Commentaire

La nouvelle guerre de Trente Ans

Il est surnommé le fantôme (al-shabah). Il règne sur la moitié de l'Irak avec environ 10 000 hommes et sur une partie de la Syrie avec à peu près 7 000 hommes. Il s'est autoproclamé calife, commandant suprême de tous les croyants dans l'ensemble du monde musulman. Il s'attaque aux chiites, aux chrétiens, aux laïcs et à tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Il menace...

commentaires (3)

FANTÔME ? OU... DE SES MAÎTRES : L'HOMME !!!

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 56, le 04 août 2014

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • FANTÔME ? OU... DE SES MAÎTRES : L'HOMME !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 56, le 04 août 2014

  • Un grand parano obscurantiste...mais il arrive a fédérer des abrutis , qui n'ont rien entre les oreilles ...a par un livre qu'il ne savent même lire...

    M.V.

    09 h 49, le 04 août 2014

  • Il manque un détail important dans ce portrait : il coupe les têtes au nom de "Dieu miséricordieux" (al-rahman al-rahim) !! Quelle miséricorde !!

    Halim Abou Chacra

    05 h 30, le 04 août 2014

Retour en haut