De retour à l'écran, Bassem Youssef aborde le sujet "Sissi" avec précaution

Une nouvelle fois, le célèbre humoriste égyptien Bassem Youssef est de retour sur les petits écrans.

Dans la ligne de mire de ce comédien qui a accédé à la célébrité après la révolution de janvier-février 2011 par ses critiques contre le président islamiste Mohamed Morsi, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort de l'Egypte. Celui-là même qui, en tant que chef des forces armées, avait renversé M. Morsi, le 3 juillet dernier. Aujourd'hui, le maréchal Sissi est donné grand favori à la présidentielle de cette année même s'il ne s'est pas encore porté officiellement candidat.

Lors de la première de sa nouvelle émission, diffusée vendredi soir par la télévision privée MBC Masr, Bassem Youssef s'est moqué du culte de la personnalité entourant le maréchal, il a néanmoins abordé le sujet avec précaution.

"On continue. Et on dira ce qu'on veut, et on n'aura peur de personne", lance-t-il, avec la silhouette du maréchal apparaissant à l'écran. "Des gens sont énervés lorsqu'on mentionne certaines personnes, donc c'est mieux de ne pas en parler (...) ce n'est pas de la peur, c'est du respect", poursuit-il, de façon sarcastique.

Au fil de l'émission, M. Youssef tente donc de façon humoristique d'éviter de mentionner nommément le maréchal Sissi, mais d'une façon ou d'une autre son nom surgit, comme lors d'une pause publicitaire, où une fausse réclame vante les vertus de "l'huile (de cuisine) Sissi".

"Bon, passons aux chansons", dit-il à un moment. "Des chansons étrangères, pas arabes, qui n'aient rien à voir avec nous s'il vous plaît"! Une chanson espagnole est alors diffusée avec comme refrain "Si si senior". "Il est très populaire!", lance-t-il ensuite, ajoutant : "Vous savez, en espagnol, Si si signifie 'oui' 'oui'".

Ces critiques indirectes ont agacé des téléspectateurs qui s'étaient rassemblés dans un café pour regarder l'émission. "C'est drôle, mais je n'aime pas la façon dont est critiqué Sissi", indique un comptable qui dit se nommer Sameh. "Ce dont le pays a besoin, c'est de l'autorité et non pas de critiquer ses dirigeants", indique pour sa part Ahmed Mohamed, un commerçant. Tous, dans le café, ne pouvaient toutefois s'empêcher de sourire des marques d'humour du comédien.

En novembre 2013, c'est en raison de traits d'humour contre Abdel Fattah al-Sissi que son émission satirique "Al-Bernameg" avait été suspendue par la chaîne CBC, officiellement en raison de litiges éditoriaux et commerciaux. Cette suspension avait été annoncée alors que Bassem Youssef venait tout juste de faire son retour à la télévision.

M. Youssef affirme alors qu'il est difficile de ne pas voir dans l'arrêt de son émission une décision politique. "Les gens ont manifesté le 30 juin (le premier jour des manifestations de rue qui ont poussé l'armée à destituer M. Morsi) pour mettre un terme à la dictature et au fascisme, et accueillir la liberté d'opinion... La première chose qui a suivi a été de lutter contre une opinion", dit-il dans une interview télévisée, avant d'ajouter : "Si vous n'aimez pas mes opinions, ne regardez pas mes émissions".

M. Youssef s'était notamment moqué de la "Sissi-mania" qui a gagné certains Egyptiens. Il avait aussi posé la question qui fâche au sujet du renversement du président issu des Frères musulmans : est-ce une révolution, comme l'affirment les anti-Morsi, ou un coup d'Etat, comme le disent les pro-Morsi?

La justice égyptienne avait alors ouvert une enquête après une plainte l'accusant d'incitation au chaos, de menace à la sécurité nationale, ainsi que d'insulte à l'armée. M. Youssef avait déjà fait l'objet d'une enquête pour "insulte" contre M. Morsi et "menace à l'ordre public" lorsque celui-ci était au pouvoir.