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Liban - Artisans de la paix de demain

Religions versus violence : évidence ou ineptie ?

On est souvent tenté d'attendre un sauveur extérieur qui viendrait revigorer notre démocratie défaillante, mais force est de réaliser que notre salut ne viendra que de l'intérieur, quand chacun sera acteur de notre devenir démocratique, en travaillant chaque instant à donner du sens au « vivre ensemble », qui appelle au dialogue face aux radicalisations et communautarisations de plus en plus amples.

Les débats au cours d’une session de formation.

« La meilleure des religions est celle qui rend l'homme meilleur. »
Dalaï-lama

 

Les religions sont venues, d'après René Girard, pour « nous aider à cultiver notre humanité et à nous détacher de notre animalité ». Mais est-ce vraiment le cas dans nos observations quotidiennes où les religions ne sont pas toujours portées à favoriser la paix mais plutôt la guerre ? Malheureusement, ce cycle de violence et de paix relatif aux appartenances religieuses constitue une constante peu reluisante de l'histoire de l'humanité et de la nôtre, qui se poursuit de nos jours.


En même temps, l'espoir d'une « disparition de la religion » inhérent au mouvement de sécularisation moderne s'est retrouvé plutôt face à des phénomènes de « restructuration de la religion » sous des formes multiples et plus ouvertes aux progrès scientifiques et à la liberté personnelle, sans toutefois annihiler le besoin de sens et de spiritualité. Comme l'exprime si bien Mircea Eliade : « Toute existence réelle reproduit l'Odyssée, le chemin vers Ithaque... autant d'épreuves initiatiques qui le ramènent vers le Centre. »


Il est évident que, par leur force d'incitation morale, les religions ont le potentiel de promouvoir la paix comme elles peuvent être utilisées pour justifier la guerre. Quelles seraient alors les pistes de canalisation positive de ces enjeux dans un pays comme le nôtre, multiconfessionnel et ayant connu des violences sanglantes au nom d'une soi-disant religion donnée, au sein d'un État national pluricommunautaire qui privilégie ce religieux au détriment du national, vacillant ? Fausse est cette pseudo-sécurité au sein des prisons communautaires qui favorisent la division au lieu de la nation. D'où puiser alors cette base rationnelle qui conduirait à une issue réaliste, plutôt qu'émotionnelle et paradoxale ?


En fait, nous sommes très souvent témoins d'alliances entre les religions et les groupes politiques, parfois violents, souvent utilisées comme moyen insidieux pour emprunter un masque religieux afin de justifier les luttes profanes intestines. La revendication d'une appartenance religieuse sert alors à prêter une auréole sacrée aux objectifs de ralliement des croyants pour mieux servir des causes particulières, impliquant le pouvoir et l'argent.
Or, il est certain que toute religion qui veut devenir un pont entre l'homme et la société devra nécessairement renoncer à quelque avantage égotique pour permettre de donner une place à l'autre. À ce moment, les religions pourront se retrouver autour d'un dialogue constructif, en faveur des droits de l'homme et de son mieux-être. Mais nécessairement un travail de purification des mémoires et consciences devra se faire en amont, surtout après nos guerres fratricides qui se sont ancrées dans notre mémoire collective. S'en souvenir et les mettre en mots, pour se débarrasser de la charge émotionnelle négative qui les accompagne, redonnerait ainsi un nouveau sens aux événements.

 

Comment agir ensemble dans le respect des spécificités de chacun ?
Pour le philosophe Emmanuel Levinas, l'acte fondateur de la possibilité de penser c'est le « tu ne tueras pas » de la Bible. C'est en laissant exister le « prochain » que sera possible l'ouverture d'un espace à la parole, tout le reste étant secondaire par rapport au don de la vie qui est un trésor égal chez tous ; tel est le fondement d'une possibilité de créer un espace public plus humain.


Le refus de l'altérité de l'autre attise certainement la violence. Toutefois, les différences à respecter doivent en même temps s'accorder avec le « vivre ensemble », par la contre-violence personnelle, l'ouverture à la pensée d'autrui, la reconnaissance de la valeur de l'autre, la recherche des zones communes...
Ce qui serait donc à faire serait un retour vers le point originel, l'amour de l'humanité, caractéristique du fondement de toute religion, si elle n'a pas été réduite à ses quelques manifestations marginales, mais comprise dans sa complexité. Ainsi, par exemple, même si la radicalisation de la religion qui s'introduit dans le monde de la haine meurtrière perçoit « un terroir de récolte » dans le religieux politique, elle reste pour la majorité une trahison profonde de la religion qu'elle exploite.


D'où les enjeux actuels en termes de responsabilité du sujet pour empêcher que les religions soient des systèmes clos, mobilisés en vue de rendre légitime la violence. De même pour les grandes justifications laïques de la violence dans les sociétés qui ont voulu éliminer toutes les religions, et qui ont produit des résultats similaires de violence extrême. D'où la nécessité de s'interroger sur la cohérence entre l'acte et la foi en Dieu et entre l'acte et la foi en l'homme. Le dénominateur commun se situant en même temps dans la conscience et la volonté de l'homme, dans son ouverture profonde à une transcendance au nom de la dignité constitutive de l'homme (« le sceau du divin » en l'homme) et dans une fraternité active. La réconciliation moderne avec la transcendance agirait en termes de foi vivante plutôt que de loi morte, et en termes d'éthique plutôt que de morale, pour pousser la personne à aller vers les autres et vers Dieu afin de les rencontrer dans un dialogue d'amour où chacun aurait sa place.

 

Communication non violente dans le cadre du dialogue interreligieux
Mme Rita Ayoub, coordinatrice de la formation au dialogue islamo-chrétien à l'Institut d'études islamo-chrétiennes de l'USJ, nous parle de son nouvel axe de travail : « La communication non violente (CNV) se base sur un travail en profondeur pour effectuer une transformation vers plus d'empathie avec soi et les autres, à travers un parcours de connaissance de soi et de l'autre. » Mme Ayoub nous rappelle l'historique de l'institut qui a été fondé en 1977, en pleine guerre, défiant les clivages religieux et misant sur la paix de laquelle toutes les religions sont porteuses. Et d'ajouter : « Le dialogue interreligieux entre les participants aide ces derniers à prendre conscience de l'existence de l'autre en tant qu'être égal malgré ses différences... et la connaissance mutuelle de la culture religieuse de cet "autre" est nécessaire dans la formation au dialogue. » Il s'agirait donc de se familiariser avec la religion de l'autre au lieu de la diaboliser, de la rejeter ou de l'éviter. Ainsi, la découverte des valeurs universelles inhérentes aux deux religions peut ouvrir un espace commun à partir duquel l'empathie devient possible. En même temps, un discernement serait à réaliser dans l'exploration du sens que l'on accorde aux « mots » selon chaque culture déterminée. Ainsi, le sens de la notion de respect de l'autre selon ses propres termes serait à préciser, plutôt que de parler de respect dans l'absolu, afin d'aboutir à la compréhension de ce qui est réellement à respecter et pour quelles raisons.

Sachant que l'amour et le bien se trouvent à la base de toute religion, il serait alors compréhensible que chacune ait ses modes d'expression spécifiques. Quand le désir profond est de « vouloir vivre ensemble », le chemin de la connaissance des composantes de ce que l'autre manifeste ou vit nous prémunirait contre le refus ou la peur de cet autre, par sa méconnaissance. « Il est essentiel de prendre conscience de ses émotions et sentiments pour pouvoir les exprimer, puis de les relier à des besoins et des demandes claires, facilitant le processus non violent », conclut Rita Ayoub, en notant que la CNV, qui est un chemin innovateur au Liban, pourrait former une des issues possibles dans la préparation d'une paix durable.

 

 

Pour mémoire, dans la rubrique "Artisans de la paix de demain"

Une pierre angulaire : l'action sociale

La médiation, un « lance-pierre » politique face au Goliath de la violence

Au commencement est l'éducation

« La meilleure des religions est celle qui rend l'homme meilleur. »Dalaï-lama
 
Les religions sont venues, d'après René Girard, pour « nous aider à cultiver notre humanité et à nous détacher de notre animalité ». Mais est-ce vraiment le cas dans nos observations quotidiennes où les religions ne sont pas toujours portées à favoriser la paix mais plutôt la guerre ?...

commentaires (4)

IL EST TRÈS SENSIBLE DE LE DIRE... MAIS C'EST ÉVIDENT !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 39, le 18 décembre 2013

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Commentaires (4)

  • IL EST TRÈS SENSIBLE DE LE DIRE... MAIS C'EST ÉVIDENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 39, le 18 décembre 2013

  • La critique du sectarisme désarçonne l’enchaînement sectaire, non pas pour que l'homme porte la chaîne désolante, mais pour qu'il la secoue, se rebelle et se libère. Cette critique le désillusionne afin qu'il pense et forme sa réalité, et afin qu’il se meuve autour de lui-même et autour de son Bonheur. Le sectarisme n'est que l’illusoire qui se meut autour de lui, tant que l’homme ne se meut pas autour de lui-même. Il a donc pour mission, une fois que ce sectarisme sera battu, d'établir sa vie présente. Sa tâche d’homme au service de L’Homme, consiste, une fois démasquée l'image sectaire, à la démasquer sous ses formes matérielles. La critique du sectarisme se transforme ainsi en critique de la Politique. Si l'on veut partir du statu quo libanais, fût-ce d’une façon adéquate, i.e. négative, le résultat n'en resterait pas moins un anachronisme. La négation même de ce présent est déjà remisée tel un fait poussiéreux, dans le Kjbi historique des pays Développés. On beau nier les Sacs pleins, il reste toujours les sacs Vides. Lorsqu’on nie la situation libanaise de 2013, on est d'après la chronologie Moderne, à peine en l'an 1916 ; et encore moins au centre même du temps présent.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 36, le 18 décembre 2013

  • Dans ces contrées, toute Véritable critique du sectarisme signifie Arrogance. Or, cette critique est la condition première de toute critique. L'existence réelle de l'erreur sera compromise, dès que son existence Non-réelle sera réfutée. L'humain qui, dans le fantastique où il cherchait quelque chose, n'a trouvé que son propre reflet est forcé de chercher sa propre véritable Réalité. C’est l'homme qui fait le sectarisme, ce n'est pas le sectarisme qui fait l'homme. Le sectarisme est le sentiment de l'homme qui ne s'est pas encore trouvé ou qui s'est déjà reperdu. Mais l’homme n'est pas extérieur au monde réel, celui de cet homme et de sa Société qui produisent ce sectarisme, conscience fausse du monde parce qu'ils constituent eux-mêmes un monde erroné. Le sectarisme n’est que la théorie de ce monde fabriqué, sa "logique!" sous forme populaire, sa raison de consolation. C'est sa réalisation fantastique. La lutte contre le sectarisme est donc la lutte contre ce monde dont ce sectarisme n’est que l'arôme. La recherche du véritable bonheur de l’homme sous-tend que le sectarisme sera supprimé car illusoire. Exiger que l'homme renonce aux illusions concernant sa propre situation, c'est exiger qu'il renonce à son sectarisme qui n'a besoin que d'illusions....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 03, le 18 décembre 2013

  • Le Mythe d’ici, s'enorgueillit d'un Libanisme que nul peuple n'a reçu avant lui, et que nul peuple n’aura après lui. On n’a fait que partager les sectarismes alentours en partageant à peine leurs révolutions. On a été re-tyrannisés, alors que ces autres ont continué leur Révolte en vue de la Désillusion ; tandis que nous on a re-supporté ce sectarisme ante parce qu’on a eu peur. On n'a jamais été qu'une fois en compagnie de cette liberté sans illusions Sectaires, ce fut le jour de son enterrement en 2005. Un sectarisme qui déclare que toute critique énoncée contre lui par le Libanais enfin désillusionné sera typée rebelle, vu que ce sectarisme risque d’être perpétuel. Et à qui l'histoire ne montre que son a posteriori ; ce Sectarisme aurait donc d’après lui ainsi inventé l’Histoire : Il le jure même sur son apparence sectaire ! Des bons garçons d’ici, nationalistes par tempérament, libéraux par réflexion "économique!", recherchent au contraire l'histoire de notre liberté sans Illusions Sectaires au-delà de notre histoire : dans des forêts vierges ! Mais en quoi l'histoire de notre liberté diffère-t-elle de l'histoire de la liberté d’une chevrette si l'on ne peut la trouver que dans les forêts ? D'ailleurs, le proverbe ne dit-il pas : La forêt ne renvoie jamais en écho que ce qu'on lui a crié ? Donc, Paix aux forêts vierges !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 54, le 18 décembre 2013

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