Marie et Omar, juste deux écorchés qui essayent de communiquer...
Une fois passé le ping-pong des répliques/clichés, les deux protagonistes entraînent le spectateur dans le champ de l'intime, là où ni artifice ni idées reçues ne trouvent leur place. Avec L'Avantage du printemps, c'est un beau et convaincant travail d'équipe qu'offre Nathalie Garraud, en collaboration avec sa compagnie Du Zieu et la compagnie libanaise Zoukak. Une coopération qui prend source dans une rencontre entre la metteuse en scène française et le « zoukakien » Omar Abi Azar, il y a près de dix ans. «L'Avantage du printemps est la première création commune aux deux compagnies, souligne Nathalie Garraud. Omar en est le coauteur.» Les années de coopération artistique s'étaient limitées à des échanges d'observation et de coup de main.
«Cette relation qui nous lie est une vraie relation artistique et amicale, souligne Nathalie Garraud. Notre alliance repose sur une conception partagée du théâtre.» Qu'est-ce qu'une écriture théâtrale? Comment penser cette écriture en fonction du lieu où l'on est; en fonction de nos propres conditions de création? Autant de questions que se posent les membres des deux compagnies.
Cette création théâtrale s'inscrit dans le cadre du projet «Stamba» lancé par une association allemande, porté par une commande du Mucem – le nouveau musée des civilisations de la Méditerranée de Marseille – et présenté dans le cadre de «Hiwarat», plateforme des dramaturgies arabes qui s'est tenue à Marseille, à la Friche de la Belle de Mai. Quatre pays ont été associés à cette commande: France, Allemagne, Égypte et Irak. Avec trois contraintes: une durée de 60 mn maximum, avec un homme et une femme sur scène, dans la langue d'origine. Répétitions et premières représentations ont eu lieu à Bagdad début novembre. Concrétisant enfin la collaboration entre Du Zieu et Zoukak autour d'une pièce sur les clichés véhiculés entre Orient et Occident.
«Les discussions sur le plateau nous les avons depuis 10 ans avec Omar, souligne Nathalie. Et là, c'était une manière de régler nos comptes avec la politique interculturelle et parler de ces représentations.» Une façon de contourner l'exercice interculturel imposé.
«C'est une différence fondamentale de perception de l'histoire. Pour Omar, cette dernière relève du présent et pour Marie elle a une connotation avec le passé», souligne la metteuse en scène. En effet, pour Omar, dans le pays où il vit, aucune structure ne pose l'histoire, n'en donne les repères. Cela enlève toute perspective historique dans la construction mentale du comédien qui est amené à créer l'histoire au jour le jour, en fonction de lui, de son vécu, de ses perceptions...
Avec L'Avantage du printemps, Nathalie Garraud et ses équipes ont été les premiers artistes à investir la Fabrica, ce nouveau lieu de travail, de répétition et de représentation du Festival In d'Avignon.
L'Avantage du printemps est une étude, une étape de travail dans une trilogie qui place en son centre la figure de l'étranger et a comme point de départ la pièce Othello de Shakespeare. Pourquoi Othello? «Parce que c'est le cliché du barbare venu de l'autre côté de la mer, objet autant d'admiration que de rejet. Elle, c'est la blanche colombe, victime par excellence. » Deux clichés pour démonter les clichés.
