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À La Une - Irak-Reportage

Sadr City tentée par la vengeance

Les chiites irakiens veulent recréer « l’Armée du Mahdi » pour se protéger des attentats.

Sadr City, le bastion chiite de Bagdad, pleure les victimes du triple attentat à la bombe qui a fait 85 morts lors de funérailles le week-end dernier. Alaa al-Marjani/Reuters

Le drapeau rouge de la vengeance flotte sur une maison de Sadr City, le bastion chiite de Bagdad qui pleure les victimes du triple attentat à la bombe qui a fait 85 morts lors de funérailles ce week-end. Des jeunes gens armés de pistolets portés à la ceinture ou de fusils en bandoulière patrouillent dans les rues de cet immense bidonville d’environ trois millions d’habitants, faute de faire confiance aux forces de sécurité officielles. L’attentat n’a pas été revendiqué, mais tous les regards se portent vers el-Qaëda, qui a regagné du terrain cette année et multiplié des violences en déclin relatif depuis le pic des années 2006-2007.


La dégradation de la situation sécuritaire sape l’autorité du Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki, qui fait aussi office de commandant en chef des forces armées et a remporté les dernières élections législatives en se présentant comme l’homme du retour à plus de stabilité en Irak. « Logiquement, plus el-Qaëda multipliera les attaques, moins grande sera la crédibilité du Premier ministre », explique Chakir Salman, un ancien général en poste au ministère de la Défense comme analyste des question de défense. « C’est comme un match de boxe : celui qui porte le plus de coups empoche le plus de points », dit-il.


Formées et équipées par les États-Unis pour près de 25 milliards de dollars, les forces de sécurité irakiennes, qui comptent plus d’un million d’hommes, sont incapables de donner le change aux insurgés. Plus de 5 500 personnes ont péri cette année victimes d’actes de violence, ce qui fait redouter un retour à un bain de sang entre communautés.


Jusque-là, les assassinats ont été pour la plupart commis par un seul camp, les milices chiites, dont la plupart ont été désarmées et participent au processus politique, s’étant abstenues pour le moment de venger les attaques perpétrées par les insurgés sunnites. Mais plusieurs récents incidents donnent à penser que certains groupes pourraient recourir de nouveau à la violence et à Sadr City, où l’Armée du Mahdi est toujours très présente, les gens perdent patience.  « Je jure devant Allah de pendre à un poteau électrique et de brûler son cadavre un million de fois quiconque a participé à cet attentat et tombera entre mes mains », lance Ahmad, un jeune homme de Sadr City qui a perdu un membre de sa famille dans l’attaque de samedi. « Il a brûlé des innocents et je ferai de même, telle est la loi d’Allah : œil pour œil, dent pour dent. »


Pour sa part, le gouvernement envisage de mettre sur pied une milice chiite soutenue par les pouvoirs publics pour contrer el-Qaëda et empêcher que certains groupes ne se fassent eux-mêmes justice, ont révélé des responsables irakiens. L’idée serait d’intégrer des éléments des milices Assaïb al-Haq et Kataeb Hezbollah, qui ont cessé de combattre en Irak après 2011, ainsi que des membres de l’ancienne Armée du Mahdi, que Nouri al-Maliki avait défaite lors d’une offensive menée avec les Américains en 2008. Son chef de file, l’imam radical Moqtada Sadr, est depuis devenu une force puissante sur l’échiquier politique irakien. Sadr City, qui s’appelait jadis Saddam City, a été rebaptisée du nom du père de Moqtada, une grande figure de la hiérarchie chiite assassinée du temps du « raïs » aujourd’hui défunt.


À la suite de l’attentat du week-end, des chefs tribaux ont décidé d’envoyer la semaine prochaine une délégation auprès de Moqtada Sadr pour l’inciter à remobiliser l’Armée du Mahdi pour assurer la protection de la majorité chiite en Irak. Dans un discours prononcé samedi avant l’attaque, le chef de l’Armée du Mahdi, qui commande le respect indéfectible de millions de chiites irakiens, a plaidé pour la modération. « Chacun doit savoir que je proscris de la manière la plus formelle de prendre pour cibles des Irakiens quels que soient leur confession ou leurs mosquées ou lieux de prière et pour quelque raison que ce soit. S’attaquer aux sunnites (...) risquerait de faire basculer le pays dans un abysse sans fin », a-t-il dit.


À Sadr City, les habitants sont en train de constituer des comités de vigilance de quartiers pour coopérer avec les forces de sécurité. Ali Hussein, qui risque de perdre une jambe à la suite de l’attaque du week-end dans laquelle sept de ses cousins ont aussi péri, estime qu’il n’y a pas d’autre choix que l’action. « L’Armée du Mahdi doit être réactivée pour protéger au moins nos maisons. Nous n’attendons rien des autorités, si ce n’est de nous permettre de revenir (sous l’uniforme des combattants du Mahdi), et nous nous occuperons du reste », prévient-il.

 

Pour mémoire
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Le nouveau visage d’el-Qaëda en Irak
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