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À La Une - Éclairage

La paralysie du Conseil constitutionnel appelée à se prolonger

Le Liban officiel et politique retient son souffle en attendant l’issue des réunions du Conseil constitutionnel au sujet du recours en invalidation de la loi sur la prorogation du mandat du Parlement. Rappelons que ce Conseil a jusqu’au mercredi 19 pour prendre une décision, puisque le mandat du Parlement actuel expire le 20 juin. À partir de cette date, même si le Conseil constitutionnel décide que la loi est anticonstitutionnelle, le Parlement ne pourra plus se réunir pour voter un report technique ou une nouvelle loi. Il ne restera alors plus qu’une seule possibilité, que le ministre de l’Intérieur fixe une date pour organiser les élections le plus rapidement possible en vertu de la loi de 1960. Mais si le Conseil constitutionnel ne prend aucune décision avant la fin du délai qui lui est imparti pour étudier le recours, la loi sur la prorogation reste en vigueur et le Parlement aura prorogé son mandat jusqu’au 20 octobre 2014.

En principe, c’est ce qui devrait se passer, depuis que les deux membres chiites et le membre druze du Conseil constitutionnel ont décidé de boycotter les réunions, à moins d’abord d’entendre un rapport précis et détaillé des chefs des services sur la situation sécuritaire. Car, formé de dix membres, le Conseil constitutionnel a besoin d’un quorum de 8 membres pour pouvoir tenir ses réunions. Le boycott des trois membres est de nature donc à paralyser le Conseil et il est visiblement appelé à se prolonger.


Hier, c’est le président de la Chambre qui a pris la défense des trois boycotteurs, en déclarant qu’ils ont pratiquement évité la discorde confessionnelle. Le président de la Chambre ne cache pas devant ses visiteurs sa grande inquiétude au sujet de la situation actuelle, ajoutant que si les propos sont aussi violents et les incidents aussi nombreux alors que les campagnes électorales n’ont pas encore commencé, qu’en sera-t-il lorsque les différents candidats voudront à tout prix gagner les voix des électeurs ? Berry estime donc, selon ses visiteurs, que le boycott des réunions du Conseil constitutionnel est la décision la plus sage dans de telles circonstances. Ses proches rappellent d’ailleurs que la décision de proroger le mandat de l’actuel Parlement jusqu’en octobre 2014 a été prise à la suite d’un accord conclu entre Berry, le courant du Futur et Walid Joumblatt. Le chef de l’État, Michel Sleiman, qui s’est senti exclu de cette entente, a voulu présenter un recours en invalidation, d’abord pour le principe, mais aussi pour appeler ceux qui se réunissent à tenir compte de sa présence et de son avis. Pour le général Michel Aoun, c’est différent. Le chef du CPL estime que les élections doivent se tenir le plus rapidement possible, d’abord parce que l’alternance est partie intégrante de la démocratie et ensuite parce que, selon lui, le contexte actuel est favorable à ses options, la base chrétienne étant mobilisée en faveur d’une parité véritable, qui a d’ailleurs obtenu l’aval de la communauté chiite. Mais si le recours qu’il a présenté n’est pas jugé recevable, Michel Aoun s’inclinera. Il ne pose donc pas réellement un problème et s’il veut toujours marquer son indépendance d’esprit, ses alliés chiites ne peuvent pas s’y opposer.


L’affaire était donc entendue et les recours ne devraient pas être acceptés. Au cours d’une réunion du Conseil constitutionnel (formé de dix membres, cinq chrétiens et cinq musulmans), le vote se serait fait en faveur de l’irrecevabilité du recours en invalidation. Mais soudain, Berry et Joumblatt ont commencé à sentir que le courant du Futur commençait à hésiter. Joumblatt s’est empressé de critiquer le courant en faisant état d’une violation d’accords conclus, alors que Berry a pour la première fois critiqué ouvertement le chef de l’État. Les deux partenaires auraient senti que le chef de l’État voulait réellement pousser en faveur de l’annulation de la loi sur la prorogation. Ce serait la raison pour laquelle le président du Conseil constitutionnel, Issam Sleiman, se serait autodésigné rapporteur de ce dossier, ayant lui-même préparé à l’avance le texte de l’arrêt, en principe pour gagner du temps, alors que les membres sunnites commençaient à apparaître favorables à l’annulation de la loi. Les sources proches de Berry affirment ne pas connaître les causes de ce soudain revirement, mais elles font le lien entre cette position nouvelle, contraire aux précédents accords, et l’insistance de l’ambassadrice des États-Unis Mme Connelly à ce que les élections se déroulent le plus rapidement possible.

 

Là aussi, on peut s'interroger sur les raisons d’une telle insistance, d’autant que les États-Unis ne cessent de se prononcer en faveur de la stabilité du Liban. Les sources proches du président de la Chambre précisent à cet égard que si les élections devaient se dérouler au cours des prochains mois, sur la base de la loi de 1960, elles produiraient, s’il n’y a pas d’incident sécuritaire majeur, un Parlement pratiquement identique à l’actuel, avec sans doute quelques changements chez les chrétiens. Les alliés chrétiens du 8 Mars pourraient ainsi obtenir plus de sièges, mais pas suffisamment pour donner à leur camp une majorité parlementaire. En d’autres termes, le 14 Mars obtiendrait sans doute moins de sièges, mais conserverait la majorité. Les sources proches de Berry ajoutent que c’est sans doute pour cela que les États-Unis et leurs alliés veulent les élections, afin de donner une plus grande légitimité au 14 Mars, par le biais d’un Parlement fraîchement élu, au lieu d’un Parlement prorogé et relativement discrédité. L’idée se défend, précisent encore les sources proches de Berry, mais la situation actuelle est beaucoup trop tendue pour que les Libanais puissent se lancer dans une telle aventure, surtout pour ramener un Parlement quasi identique à l’actuel. Le risque n’en vaudrait pas la chandelle, surtout avec les développements qui semblent s’accélérer en Syrie et à la frontière avec le Liban. Pour cette raison, les mêmes sources considèrent le boycott des réunions du Conseil constitutionnel pour éviter la recevabilité du recours comme la solution la plus raisonnable, à défaut d’être la plus démocratique.

 

 

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