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La menace de partition de la Syrie, entre fantasme et réalité

C’est arrivé en ex-Yougoslavie, pourquoi pas en Syrie ?

L’Europe a vécu durant les années 90 l’un des conflits les plus atroces depuis la Seconde Guerre mondiale : celui des Balkans. Entre massacres, génocides et interventions militaires étrangères, la guerre ne s’arrêta finalement qu’avec la partition de la Yougoslavie en différentes entités ethnico-religieuses. Pourquoi un scénario qui a été appliqué en Europe ne peut-il pas être transposé en Syrie ?
La question est tout à fait légitime, répond Ziad Majed. « Et il ne faut rien exclure quand on voit clairement que la realpolitik prend souvent le dessus sur les considérations éthiques ou de droit international. » M. Majed rappelle néanmoins deux facteurs importants : le premier est que l’effondrement de la Yougoslavie n’a pas mené aux conflits ou guerres généralisés en Europe de l’Est. C’est l’adhésion européenne, la gestion politique soutenue financièrement par les Occidentaux qui ont contribué à une stabilisation qui règne aujourd’hui. Le second facteur est que toute cette restructuration de l’espace du centre et de l’est de l’Europe s’est faite après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’empire soviétique.
« En Syrie aujourd’hui, les deux facteurs, stabilité régionale et effondrement d’un empire, ne sont pas réunies. À cela s’ajoute une forte pression interne : celle d’une majorité de Syriens qui ne sont pas prêts à reconnaître la division de leur pays », estime Ziad Majed.
Fabrice Balanche revient pour sa part à Georges Corm qui décrit dans Le Proche-Orient éclaté un processus historique de fragmentation des empires sur des frontières ethnico-confessionnelles en raison de l’exportation du nationalisme occidental. Les États nations apparurent sur les décombres des empires austro-hongrois, russe et ottoman en Europe orientale. L’éclatement de la Yougoslavie à la fin du XXe siècle fut la dernière étape de l’application du principe des nationalités cher au président américain Woodrow Wilson.
Pour M. Balanche, « le processus a été figé au Proche-Orient par le colonialisme et, après les indépendances, par le nationalisme arabe qui a permis aux États issus de Sykes-Picot de résister à la partition. Aujourd’hui, les idéologies progressistes et arabes ne font plus recette, le panislamisme n’est pas non plus susceptible de les remplacer, par conséquent les populations se réfèrent aux identités ethniques et religieuses ». Selon lui, les États multicommunautaires se retrouvent donc fragilisés. Le meilleur exemple est l’Irak où les Kurdes sont pratiquement indépendants et les Arabes sunnites en rébellion ouverte contre le gouvernement central dominé par la communauté chiite. Le système fédéral imposé par les États-Unis, censé garantir l’intégrité territoriale de l’Irak, ne fonctionne pas. « La redistribution de la rente pétrolière est le seul facteur d’unité nationale en Irak. Je suis donc très pessimiste pour la Syrie, car elle ne dispose pas d’une rente pétrolière, comparable à cette de l’Irak, pour garantir la paix sociale et territoriale, que le régime de Bachar el-Assad survive ou qu’il soit emporté », conclut Fabrice Balanche.
L’Europe a vécu durant les années 90 l’un des conflits les plus atroces depuis la Seconde Guerre mondiale : celui des Balkans. Entre massacres, génocides et interventions militaires étrangères, la guerre ne s’arrêta finalement qu’avec la partition de la Yougoslavie en différentes entités ethnico-religieuses. Pourquoi un scénario qui a été appliqué en Europe ne peut-il pas...