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Économie - Liban - Entreprises

L’arabe langue étrangère, un marché en expansion

Les révoltes des deux dernières années dans le monde arabe n’ont pas eu que des conséquences néfastes sur l’économie libanaise. Le pays du Cèdre s’est soudainement retrouvé assailli par les demandes d’apprentissage de l’arabe pour étrangers ; un secteur dans lequel excellaient la Syrie, l’Égypte ou le Yémen.

Depuis plus de deux ans, le Liban a certes vu disparaître ses très chers touristes du Golfe, mais il a accueilli en contrepartie un nouveau genre de visiteurs, qui s’installent pour une durée de quelques semaines à plusieurs mois, le temps de perfectionner leur arabe. Des centaines de jeunes Américains, Norvégiens, Italiens, Anglais ou même Coréens, étudiants en relations internationales, sciences politiques ou traduction, et qui avaient l’habitude des séjours linguistiques à l’université du Caire ou de Damas, ont élu domicile à Beyrouth et font le bonheur des centres de langue et des professeurs particuliers.


Au Saifi Institute for Arabic Language, les classes ne désemplissent pas. « Quand j’ai créé le centre avec mon mari en 2006, nous avions une vingtaine d’étudiants tout au plus, explique la directrice, Rana Dirani, puis les inscriptions sont allées croissant et nous avons dû déménager dans des locaux plus adaptés à Gemmayzé, capables d’accueillir plus de 150 personnes. » Vers la fin de l’année dernière, la demande pour des cours d’arabe est telle que le centre lance un appel à recrutement de nouveaux professeurs.
Même constat à Alps, l’un des plus anciens centres pour l’apprentissage de l’arabe au Liban, créé il y a 11 ans maintenant. « La demande varie énormément en fonction de la situation politique intérieure et régionale, explique Joëlle Giappesi, la directrice du centre, et quand les révolutions dans les pays voisins ont commencé, les étudiants étrangers se sont naturellement dirigés vers le Liban, une valeur sûre. » Alps accueille en moyenne 80 étudiants par mois, avec des pics d’inscription pendant les vacances scolaires et universitaires. « L’été 2012 était exceptionnel », souligne Mme Giappesi, qui espère que l’instabilité politique interne n’affectera pas le choix de potentiels étudiants au cours de la prochaine saison estivale.


L’institut Cervantès de Beyrouth, qui se consacre à la promotion et l’enseignement de la langue espagnole dans le monde, a lui aussi flairé la tendance et décidé d’élargir ses activités en proposant des cours d’arabe classique et dialectal. « L’idée a germé il y a quelques mois, quand nous avions dû fermer l’Institut Cervantès de Damas, qui proposait à l’époque des cours d’arabe et que nous avons remarqué que nos étudiants se dirigeaient naturellement vers le Liban », confie la directrice pédagogique du centre, Consuelo Garcia Manzano. Pour elle, il n’y a pas de doute, ces cours auront un succès assuré, et ce malgré la rude concurrence entre la dizaine de centres qui proposent des cours d’arabe aux étrangers à Beyrouth. « La demande est là et elle est croissante, souligne la directrice pédagogique, nous le constatons tous les jours grâce à notre page Web interactive, mais également au nombre d’inscriptions pour la première session qui débutera le 13 mai. » Pour se différencier des autres centres, Cervantès met également en avant son système pédagogique pour l’apprentissage des langues, « qui n’a plus à faire ses preuves », et son prix, « 200 dollars pour 30 heures, quel que soit le nombre d’inscrits au cours ».

La concurrence se fait rude
Et parlant de prix, la concurrence est de plus en plus serrée, et le marché s’est vite trouvé submergé par des dizaines de centres de langues qui ont profité de cette demande en hausse et proposent principalement des cours d’arabe dialectal, à des prix parfois nettement inférieurs que ceux des grands instituts reconnus. « N’importe qui peut se prétendre professeur de “aamiyé” (arabe dialectal), et le problème avec ces centres, c’est qu’ils n’ont aucune certification, aucune méthode pédagogique d’enseignement », déplore la directrice de Alps.


Un autre phénomène vient également s’ajouter à cette concurrence accrue : les professeurs particuliers syriens réfugiés au Liban, qui ont saisi l’opportunité. Ahmad (le prénom a été changé) a longtemps enseigné l’arabe dialectal à des étrangers à Damas. « Depuis que je suis arrivé à Beyrouth il y a six mois, je ne cesse de recevoir des demandes de cours particuliers de la part d’étudiants, européens et asiatiques principalement, qui avaient l’habitude de se rendre en Syrie avant les événements », explique-t-il. À 7 dollars de l’heure, on peut facilement comprendre pourquoi ses cours ont du succès, face aux 20 ou 25 dollars l’heure en moyenne que tarife un professeur libanais, qu’il soit indépendant ou qu’il travaille dans un centre de langues.


Ainsi, pour faire face à cette double concurrence, les quelques centres qui avaient jusque-là entièrement « profité » de la crise régionale doivent redoubler d’efforts et se réinventer. « À Alps, contrairement à d’autres centres qui ne proposent que des cours de dialectal, notre point fort est la “foss’ha” (arabe classique), et de nombreux étrangers, installés au Liban depuis un certains temps et qui donc maîtrisent le “libanais”, se tournent de plus en plus vers nous pour perfectionner leur arabe classique », affirme Joëlle Giappesi. Au Saifi Institute, la directrice explique quant à elle la nouvelle stratégie de son centre, qui a diversifié son offre avec des cours à thèmes et pour un public plus varié. « Ainsi, ce ne sont plus seulement les étudiants étrangers qui sont visés, mais également des journalistes et des employés d’ONG qui ont afflué au Liban depuis le début de la crise syrienne et qui ont besoin d’apprendre l’arabe pour travailler sur le terrain », souligne Rana Dirani.

Cette nouvelle tendance ne relancera certes pas la croissance du pays, mais elle aura peut-être le mérite de créer une dynamique positive, notamment en termes d’image, dont le Liban a bien besoin.

 

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