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À La Une - Droits de l’homme

Détenus libanais en Syrie : huit ans de sit-in et toujours rien !

Les proches des détenus libanais en Syrie entament leur 9e année de mobilisation devant l’ESCWA.

L’attente interminable, à l’ombre des ficus, des familles des détenus libanais en Syrie. La place Riad el-Solh est devenue un second foyer. Photos Hassan Assal

« Après huit ans de sit-in, on hausse le ton et on vous dit : Assez parler ! Jusqu’à quand, bande d’hypocrites? » lit-on sur la banderole accrochée sur la tente dressée, il y a huit ans, dans le jardin Gebran Khalil Gebran, place Riad el-Solh. Le 11 avril 2005, les familles des détenus libanais en Syrie avaient entamé un sit-in permanent pour que le gouvernement et la communauté internationale reconnaissent leur cause et pour qu’une commission d’enquête internationale soit chargée du dossier des disparus libanais en Syrie. Depuis huit ans, rien n’a été fait. Les parents attendent toujours que la lumière soit faite sur le sort de leurs proches.


Cette tente enveloppée de photos et de noms des disparus, d’à peine quatre mètres carrés, sert à la fois de kitchenette et de chambre à coucher pour les parents qui assurent une permanence chaque soir. Hier, dans le jardin Gebran Khalil Gebran, les parents étaient seuls. Peu de gens ont répondu présent à l’appel lancé par Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil) et le CLDH (Centre libanais des droits de l’homme) pour une journée de solidarité avec les parents. Ils étaient las et fatigués. Un état qui résume tristement leurs interminables drames et attentes qui s’éternisent. Les familles sont épuisées. Elles n’en peuvent plus de vivre dans cette terrible incertitude. Certains sont décédés sans avoir eu des nouvelles de leurs proches disparus. D’autres n’ont plus vraiment l’âge de se battre et espèrent encore et toujours un dénouement heureux.


« Jusqu’à son dernier souffle, ma mère espérait revoir son fils », confie avec beaucoup d’émotion Jeannette Youssef dont le frère, Milad, a été enlevé il y a 29 ans. Militaire, c’est sur la route de l’aéroport, alors qu’il était en service, que Milad Youssef, alors âgé de 18 ans, a été vu pour la dernière fois. « Mes parents sont morts dans le chagrin et la tristesse de ne pas avoir revu leur fils », ajoute Jeannette. Des dizaines d’années de lutte et d’espoir et huit années de sit-in n’ont pas permis d’aboutir à une solution concrète. « Le fait de venir à la tente est une manière de rappeler que nous sommes toujours présents et que nous n’oublierons pas », conclut fermement Jeannette Youssef, plus déterminée que jamais.


Hier, les parents ont entamé leur neuvième année de sit-in. Une année marquée par un ras-le-bol général. Si, au cours des derniers mois, le gouvernement a enfin décidé d’enlever ses œillères et d’ouvrir le débat, ce sont les associations de la société civile qui n’ont pas pu se mettre d’accord. En effet, le ministre démissionnaire de la Justice, Chakib Cortbaoui, avait proposé un projet de décret pour former une commission nationale indépendante pour les victimes de disparition forcée. Toutefois, la société civile s’est divisée. Certaines parties réclamaient une loi, estimant qu’elle est plus sûre et plus globale qu’un décret. D’autres, bien qu’attachées au principe d’une loi, ont accepté le projet de Cortbaoui parce qu’il s’agissait, à leur avis, d’un premier pas vers une solution concrète. Aujourd’hui, avec la démission du gouvernement Mikati, la situation est au point mort. Il n’est pas sûr que le prochain gouvernement adoptera la cause. « Ce sont les familles qui paient les pots cassés », affirme Wadih el-Asmar, secrétaire général du CLDH. « Le dossier est compliqué et la situation est dure. En tant qu’ONG, nous ne pouvons toutefois pas nous permettre d’être fatigués », ajoute-t-il.


« Aujourd’hui, on espère que les détenus en Syrie, encore en vie, pourront revoir leurs proches, pour la plupart déjà très âgés », confie Claude el-Hage, de passage à Beyrouth et concerné par la situation. Le 13 octobre 1990, son cousin, Jihad Eid, militaire, avait été porté disparu avec plusieurs autres militaires. « Depuis, que n’a-t-on pas fait pour avoir de leurs nouvelles, souligne-t-il. Qu’a fait l’État libanais pour ses militaires et ses citoyens ? » Une question à laquelle on attend toujours une réponse officielle.

 

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