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Liban - L’éclairage

La loi Ferzli met le feu à la baraque... et encore Berry pour se poser en pompier

Depuis quelques jours, Michel Sleiman répète devant ses hôtes que sa position sur tout ce qui est relatif aux lois, décrets, usages et autres décisions ne découle que de son attachement au respect de la Constitution, dont il est le garant. Le chef de l’État rappelle, dans ce cadre, qu’il est le seul des trois principaux responsables du pays à prêter serment de veiller sur la Constitution. Pour un ancien ministre, toute proposition de loi devrait avoir comme présupposé de respecter la Constitution, la légitimité consensuelle qui ressort des textes constitutionnels et l’esprit de l’accord de Taëf, c’est-à-dire le respect de la parité islamo-chrétienne, idée maîtresse sur laquelle l’accord en question a été élaboré. Le président Sleiman se fonde également, dans ses prises de position, sur la nécessité de préserver et de consolider l’unité nationale. Aussi, souligne-t-il devant ses visiteurs que son positionnement de principe n’est fondé sur aucune ambition ni sur des intérêts personnels.


Indépendamment de la position du chef de l’État, la pilule Ferzli ne passe pas. Pour nombre d’anciens ministres et de personnalités en retrait de la joute politique actuelle, cette loi – ainsi que l’attitude des principaux partis chrétiens qui en ont fait tout un tintamarre en l’adoptant – n’est qu’affaire de surenchère à caractère électoraliste. Chacun veut se montrer aussi soucieux que l’autre de l’avenir des chrétiens, en plaidant pour un rééquilibrage au niveau de la représentation de cette communauté à la Chambre. La formule est toute trouvée : pour arriver à cette fin, les différentes communautés chrétiennes, libérées du poids de l’électorat musulman, votent pour leurs propres représentants. Pourtant, comme le rappelle un homme politique, le Courant patriotique libre avait initié sa campagne électorale en proclamant que l’adoption de la loi électorale de 1960 lors de la conférence de Doha – sous-entendu par ses bons soins – constituait un « exploit qui avait permis aux chrétiens de recouvrer leurs droits », en l’occurrence une représentation saine à la Chambre. Le voilà qui considère aujourd’hui que la loi de 1960 est inique, et qu’il se rabat sur la loi du Rassemblement orthodoxe par esprit de surenchère chrétienne à la veille des élections. De même, les Forces libanaises ont abandonné leur proposition des 50 circonscriptions pour soutenir le projet dit « orthodoxe », à condition que le CPL puisse convaincre ses alliés d’Amal et du Hezbollah de soutenir ce texte.

 

(Pour mémoire : Pourquoi le projet dit orthodoxe est (franchement) mauvais)


Pour un député du courant du Futur, ce qui se produit sur la scène chrétienne est très dangereux, puisque tout le monde est tombé dans le piège des manœuvres et de la surenchère électorales. Ce sont évidemment les alliances électorales qui en pâtissent, surtout au sein du 14 Mars, puisque le Hezbollah, lui, tente de donner l’illusion qu’il s’élève au-dessus de toutes ses contingences pour mieux mener le jeu. La position adoptée par le tandem Gemayel-Geagea en faveur de la loi Ferzli, prise sans concertations préalables avec leur allié sunnite, a ébranlé les structures du 14 Mars. Un cadre de la coalition du 14 Mars estime que le 8 Mars a voulu coincer le 14 Mars et semer le trouble dans les rangs de l’opposition. Le Hezbollah a ainsi commandé au CPL de lancer de nouveau la loi Ferzli sur le tapis sous le slogan de « la correction des failles au niveau de la représentation chrétienne » et le courant aouniste a réussi sa mission d’entraîner les deux principaux partis chrétiens du 14 Mars sur son terrain, celui de la surenchère chrétienne outrancière. Tous se sont donc retrouvés, contraints, dans le même camp à défendre la loi dite « orthodoxe » comme point de départ pour des négociations sur la loi électorale...


Cependant, le CPL et les Marada n’ont pas pour autant retiré leur soutien au projet du gouvernement. Ils n’ont pas demandé au Conseil des ministres de réviser son texte. Le dualisme ambivalent est flagrant : le CPL aurait ainsi convaincu ses alliés d’Amal et du Hezbollah de soutenir la loi Ferzli par égard pour les chrétiens... sans que les représentants de ces trois partis ne cessent de soutenir le projet du cabinet Mikati – qui est en fait celui du Hezbollah –, à savoir les 13 circonscriptions avec la proportionnelle. C’est pourquoi certaines forces politiques de l’opposition, qui ne sont pas dupes de cette ambivalence, se demandent comment on a pu en arriver là : les partis chrétiens se défendent en prétendant qu’ils font de la surenchère et qu’ils manœuvrent pour concurrencer Michel Aoun sur son propre terrain, mais que dans la réalité c’est le 8 Mars qui a réussi à semer la confusion dans les rangs des opposants. À tel point que des contacts sont actuellement en cours au niveau des leaders et des pôles du 14 Mars en faveur d’une réunion élargie qui permettrait de discuter des développements, du dossier des réfugiés syriens et de la loi électorale.

 

(Lire aussi : Proposition Ferzli ou « transition vers la fin du confessionnalisme politique » ?)

 

Le président Sleiman mène actuellement de vastes concertations avec nombre de personnalités et d’experts pour parvenir à la meilleure formule possible de loi électorale. Il a ainsi confié à l’un de ses conseillers la tâche de compulser tous les projets proposés et d’en tirer le meilleur, de manière à garantir la représentation la plus saine et de contenter tout le monde. Plusieurs idées ont été avancées dans ce cadre, parmi lesquelles une version révisée du projet élaboré par la commission Fouad Boutros, ou encore la proposition de l’ancien ministre Nagi Boustany, qui pourrait constituer une version de la loi de 1960 amendée. Il y a aussi, évidemment, les autres projets proposés : la circonscription unique, le one man one vote, etc. Et il y a cette loi latente, car toujours opérationnelle, qui est celle de 1960 elle-même. Les élections auront donc lieu à la date prévue, selon un ministre, sur base de cette loi – et ceux qui veulent que le scrutin se déroule sur base d’une autre loi électorale ont intérêt à s’entendre au plus vite sur l’alternative. Cela même si, dans les milieux du CPL, l’on fait déjà savoir qu’il n’y aura pas d’élections en cas de retour à la loi de 1960.


Une fois le temps des manœuvres et des surenchères révolu, qu’en sera-t-il réellement ? Que fera la Chambre des députés ? Selon un parlementaire, le président de la Chambre compte mener une série de concertations avec les différentes forces politiques pour écouter leurs doléances. Il est d’ores et déjà clair que le scrutin aura lieu coûte que coûte compte tenu du fait que plusieurs diplomates ont déjà informé Nabih Berry de la nécessité de tenir les élections dans les délais impartis. Que le scrutin se déroule sur base d’une loi inique, cela reste toujours mieux que son éventuel report : telle est la position de la communauté internationale. C’est pourquoi Nabih Berry souhaite lui aussi élaborer une loi qui ait l’aval de toutes les parties, mais sans qu’aucune d’entre elles n’obtienne la majorité, et de manière à favoriser les chances d’émergence d’indépendants. Du moins, c’est ainsi qu’il présente son initiative...

 

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