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À La Une - Reportage

En un instant, le secteur Sassine se transforme en zone sinistrée

Comme du givre, des débris de verre couvrent les rues. Plusieurs façades d’immeubles sont défoncées. Des voitures sont en flammes. Dans l'air, une odeur de caoutchouc brûlé.

Une jeune femme blessée dans l'attentat de la place Sassine, à Beyrouth, le 19 octobre 2012, est évacuée. REUTERS/Hasan Shaaban 

Il était 15 heures hier, quand une voiture piégée a explosé, rue Ibrahim Mounzer, au passage du véhicule du chef de la branche des renseignements des FSI, le général Wissam el-Hassan, le tuant avec son chauffeur sur-le-champ.
El-Hassan, qui savait qu’il était menacé, circulait avec une sécurité réduite et empruntait divers chemins pour se rendre – et pour quitter – son bureau au siège des FSI, à Achrafieh, situé à quelques centaines de mètres du lieu de l’attentat. Son corps a été identifié grâce à une arme qu’il portait autour de la taille.


Selon des sources concordantes, Wissam el-Hassan était rentré de l’étranger jeudi. Ce n’est pas la première fois qu’une personnalité est tuée moins de 24 heures après son retour à Beyrouth. C’était le cas de Gebran Tuéni, en décembre 2005, et d’Antoine Ghanem en septembre 2007.


L’attentat a fait également six tués parmi les civils et une centaine de blessés dont certains dans un état grave. C’est que la rue Ibrahim Mounzer se trouve au cœur d’un quartier résidentiel et marchand de Beyrouth-Est, non loin de l’avenue de l’Indépendance et de la rue Adib Ishak.
Le souffle de l’explosion a propulsé les débris du véhicule piégé à dix mètres de l’attentat, certaines pièces ont été retrouvées sur des balcons d’immeubles. Des débris humains ont également été projetés vers un parking faisant face à l’explosion.
Durant de longues heures, les lignes du téléphone portable ont été coupées à Achrafieh.

 

 

 

Les dégâts provoqués par l'explosion sont impressionnants. REUTERS/Hasan Shaaban

 

Dans le quartier Sassine, peu après l’explosion, des habitants couraient pour converger vers le lieu de l’attentat. Ils étaient à la recherche de proches qui ne répondaient pas au téléphone ou tentaient de parvenir à leurs appartements soufflés par l’explosion.


Yvonne arbore un chignon blanc. La septuagénaire a les yeux rivés sur la façade d’un bâtiment endommagé. Des femmes qui l’entourent s’adressent à l’armée qui a dressé un périmètre de sécurité. En vain.
« J’habite ici, vous voyez, l’immeuble jaune », réussit-elle à balbutier. Il faut du temps pour réaliser que les volets du bâtiment étaient jaunes. Le souffle de l’explosion les a propulsés dans la rue et les cadres des portes et des fenêtres extérieures ont été défoncés.

 

« Regardez, on peut voir encore la télévision au coin de mon salon », indique-t-elle. Elle ne bouge plus, ne parle plus. L’une de ses amies lui tient la main et lui dit : « Viens Yvonne, nous prendrons un café et nous reviendrons. »
Dans la rue, des personnes aux chemises ensanglantées sont toujours en état de choc. D’autres courent vers les hôpitaux de la zone à la recherche de parents ou de voisins, alors que des femmes s’effondrent en arrivant sur place.
Dans les quatre immeubles sinistrés, les portes des appartements ont été défoncées, les meubles et les rideaux ont été dispersés et endommagés comme après le passage d’une tornade. Les escaliers sont jonchés de débris de verre.
Au premier étage de l’un de ces bâtiments, un quinquagénaire porte un sparadrap à l’oreille et à la joue. « J’habite et je travaille ici. J’avais rendez-vous avec un client... Il a reçu la vitre dans le dos. Il a été transporté à l’hôpital. Les secouristes ont soigné mes blessures dans le parking », dit-il, tentant en vain d’appeler des proches au téléphone.
La Croix-Rouge a rapidement dressé un hôpital de campagne dans un parking à proximité de l’attentat pour venir en aide aux blessés légers.


Les autres appartements du bâtiment sont déserts, leurs habitants ayant été transportés à l’hôpital ou ne se trouvaient pas à la maison au moment de l’attentat.
Dalal travaille au centre-ville. Quand elle a entendu l’explosion, elle a accouru à la place Sassine. Elle tente de persuader un officier de lui permettre d’entrer dans l’un des immeubles endommagés. « Ma mère habite ici. Je veux lui amener des affaires pour qu’elle puisse passer la nuit chez ma tante », dit-elle. « Maman est malade. Elle se déplace difficilement. Par chance, mon fils était chez elle, aujourd’hui, au moment de l’attentat. Il l’a aidée à descendre les escaliers », raconte-t-elle.

 

L'attentat a fait des dizaines de blessés. REUTERS/Hasan Shaaban


Un homme en complet cravate est en état de choc. Il vient d’arriver sur les lieux. Ses voisins accourent vers lui. Il a les larmes aux yeux. « Maman est aux soins intensifs. Une vitre lui est tombée dessus. Elle souffre de plusieurs blessures dont l’une à la tête », dit-il. Des hommes l’entourent. Il commence par leur demander des nouvelles des voisins puis ils disparaissent dans l’entrée d’un immeuble.


Ralph a la chemise ensanglantée. « Quand j’ai entendu l’explosion, je n’étais pas à la maison, j’ai accouru. Ma mère venait de rentrer du travail. J’ai couru dans les escaliers. Je l’ai retrouvée au troisième étage. Je l’ai portée dans mes bras. Elle souffre de plusieurs blessures, des débris de verre... Heureusement qu’il n’y avait pas le courant électrique. Si elle avait pris l’ascenseur, ça aurait été une catastrophe », raconte-t-il. À ce moment, il apprend le décès d’un voisin, puis éclate en sanglots.


Une jeune femme, les yeux bouffis, est soutenue par une amie. « Je possède une boutique de vêtements non loin de l’explosion. J’ai senti un souffle, un bruit sourd et puis il y avait une pluie de verre. Ça ne s’arrêtait plus », dit-elle.
Au fur et à mesure que le temps passait, les forces de l’ordre agrandissaient leur périmètre de sécurité, empêchant l’accès au lieu de l’attentat et aux rues avoisinantes aux badauds, aux journalistes et même aux habitants des immeubles sinistrés.
Pendant ce temps, à l’hôpital Rizk, comme dans les autres établissements de la zone, des dizaines de personnes sont venues donner leur sang aux blessés de l’attentat.

 

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