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Culture - Concerts

Bacchanales et houle « franckienne » sous la férule de Loubnan Baalbacki

Trente et un printemps et le talent est dans la famille. Frère de Soumaya, une reine du chant arabe, et d’Oussama, peintre à la palette corrosive, Loubnan Baalbacki, bardé de diplômes, arrive de Bucarest. Le temps de diriger, pour la première fois et de main de maître, l’Orchestre philharmonique libanais.

Loubnan Baalbacki, un jeune maestro qui a séduit son public. Photo Marwan Assaf

Programme à tonalités orientales, mais aussi des pages de la phrase cyclique «franckienne» pour Loubnan Baalbacki qui finit une thèse sur le rapport psychologique des musiciens avec le directeur au pupitre. Si on devait mesurer selon l’intensité et l’interaction de ce soir-là, le résultat est très concluant pour le jeune directeur, du reste d’une délicieuse modestie et efficacité à fendre l’air avec sa baguette.
Pour la circonstance, l’église Saint-Joseph, illuminée et remplie jusqu’aux derniers rangs, comme d’habitude, attend les premières mesures du maestro. Un maestro à la silhouette filiforme, aux cheveux coupés court mais fournis jusque dans la nuque et sanglé dans un costume à la veste slim-fit.
L’ouverture de L’enlèvement au sérail de Mozart ouvre le bal des notes. Un bal avec moucharabieh, gaze sensuelle, bijoux aux mains et aux pieds pour des images sonores orientales qui ont le vent en poupe. Du moins ce sont les allées du pouvoir d’un Mozart qui joue de la fantaisie et de la légèreté, en brio, dans un Orient fastueux en plein cœur de Vienne, carrefour des communications, traversé par le Danube.
Ouverture allègre et alerte pour cette œuvre amusante, pastichant les atmosphères de turqueries et d’exotisme oriental comme l’imaginait l’époque des auditeurs de La flûte enchantée. Narration toute en vivacité qui s’affirma sans peine, que même, en son temps de première exécution, l’empereur Joseph II gratifia de «très belle pour Vienne... Mais sa «grandeur» a eu la malencontreuse bévue de dire aussi qu’il y avait là trop de notes...Trop de notes chez Mozart? Il fallait oser le dire pour que la postérité en rie encore...
Pour prendre le relais (et aussi pour encourager la créativité et la production nationale, nouvelle ligne de conduite et de programmation de l’OPL) Fetret Houdou d’André el-Hage, un opus pour clarinette et orchestre. En solo, le jeune Octavien Gheorghiu. Au souffle sûr et inspiré.
Une sorte de rêverie-méditation, nimbée de douceur et de tranquillité, dans une orchestration qui donne surtout toute la voix à l’instrument du vent. Moment de paix et de calme, comme l’indique son titre, pour André el-Hage qui est certes un fin mélodiste, toujours nourri de musique arabe pour ses rythmes et cadences, mais dont les lignes ici pêchent par excès de douceur, comme un café trop sucré.
Orientalisme vif et de carte postale avec les sinueuses et sensuelles Danses des bacchanales tirées de Samson et Dalila de Camille de Saint-Saêns. Extrait pour une mélodie tissant des liens étroits avec un Orient coloré et exubérant, porté par des rythmes bondissants et des cadences d’une fluidité toute vouée aux trémoussements et aux pas de danses ondulantes et séductrices.
Pour ces bacchanales, authentiques couleuses de nombrils aux pieds nus, aux bras serpentins et aux chevilles magiciennes, qui tenteraient le diable tout aussi bien que Samson à la mythique chevelure le dotant d’un pouvoir herculéen, la danse, instant de plaisir et d’exposition du corps, n’en est pas moins un traquenard. Car pour ces dignes sœurs de la perfide Dalila, la séduction est au cœur d’un accord de harpe, d’une résonance de tambourin, d’une castagnette qui claque... Une musique habilement menée pour nourrir imagination, sensualité et mouvement.
Et brusquement, comme un coup de gong inaudible, l’Orient s’arrête sur les hauteurs des chutes de rein d’un bouquet de danseuses livrées à une ronde bachique et lascive... Passage éclair d’un monde à un autre, d’une frontière à une autre avec, pour seul fil conducteur, l’amour de la
musique.
L’unique et somptueuse œuvre orchestrale du plus belge des compositeurs français (ou plus français des Belges?) voilà La Symphonie en ré mineur de César Franck. Phrases houleuses et cycliques qui ouvrent les vannes d’un univers chargé d’angoisse et de mystère. Mais aussi d’un sens humain porté au mysticisme. Trois mouvements (lento: allegro ma non troppo, allegretto et le finale: allegro non troppo) pour cette magnifique fresque sonore, torrentielle et chargée à la fois de vie et de lumière.
Mugissement des cordes et feu d’une tornade qui ne sont pas sans rappeler les influences wagnériennes et lisztiennes, avec des pics à faire chavirer d’émotion. Au cœur de la tempête et de l’œil du cyclone, des plages de lumière comme regard porté au ciel. Comme cet allegretto qui se termine par un murmure de notes de harpe...
Standing ovation pour un chef d’orchestre qui passe dans son pays natal comme un météore alliant jeunesse et vigueur d’un talent d’excellent aloi. Avec l’espoir que ce premier rendez-vous avec le talent de Loubnan Baalbacki en augure d’autres.
Programme à tonalités orientales, mais aussi des pages de la phrase cyclique «franckienne» pour Loubnan Baalbacki qui finit une thèse sur le rapport psychologique des musiciens avec le directeur au pupitre. Si on devait mesurer selon l’intensité et l’interaction de ce soir-là, le résultat est très concluant pour le jeune directeur, du reste d’une délicieuse modestie et efficacité...

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